«IL FAUT QUE LES INDUSTRIELS ACQUIERENT DES STATIONS DE PRE-TRAITEMENT DE FAÇON A...»
La pollution en mer causée par de très nombreux facteurs et la contribution des industriels dans cette dégradation de l’environnement marin est abordée dans cet entretien par la directrice de l’environnement et des établissements classées, Marylin Diarra.
Elle a trouvé par ailleurs que la loi sur le plastique est faible et que des initiatives sont envisagées dans le cadre de la dépollution de la baie de Hann pour améliorer l’assainissement de Dakar qui ne dispose que d’une seule station d’épuration.
Qu’en est de l’état de la pollution de nos côtes aujourd’hui ?
La pollution par les industries au niveau des océans et de la côte, sur les zones côtières marines sont évidemment non négligeables. Il y a la pollution par les industries parce que jusqu’à présent il n’y a pas de station d’épuration pour permettre de renvoyer les eaux qui sont déjà traitées en milieu marin. Donc bien sûr, la pollution provenant des industriels comme toutes les pollutions, comme toutes les eaux usées des particuliers sont rejetées en mer. A l’heure actuelle, sur la presqu’ile du Cap-Vert, il n’y a qu’une seule station d’épuration qui se trouve à Cambérène. C’est très largement insuffisant bien entendu pour régler ces problèmes de pollution. Ce sont les industriels qui rejettent. A part quelques industries qui ont des stations d’épuration propres et qui leur permettent de rejeter dans les canaux des eaux qui sont déjà traitées, mais en dehors de ces quelques rares industries, les autres rejettent dans les canaux ou directement en mer. Et les canaux déversent leurs eaux en mer et sans traitement. Les eaux qui arrivent sont encore une fois sans traitement hormis deux ou trois industries qui possèdent des stations d’épuration en amont.
Ce n’est que deux ou trois industries qui ont des stations internes. L’Etat du Sénégal n’a-t-il pas les moyens pour contraindre les autres à se soumettre à la norme ?
C’est ce qu’on est en train de mettre sur pied à la faveur du projet de la dépollution de la baie de Hann. C’est un projet qui a duré. Ça fait longtemps qu’on en parle, maintenant il est vraiment en train de se concrétiser petit à petit. Justement dans le cadre de ce projet de la dépollution de la baie de Hann, nous sommes en train, au niveau de la direction de l’environnement et des établissements classés, d’acquérir un laboratoire de mesure d’eau. On va l’acquérir dans l’année. On est en train de faire les démarches avec l’Agence française de développement (Afd) puisqu’elle finance une partie de ce projet avec à ses côtés les Pays Bas et également l’Union européenne (UE). L’Afd va financer l’acquisition de ce laboratoire qui va nous permettre nous de faire des mesures des rejets d’eau des industries pour pouvoir ensuite tarifier les taxes que ces industries vont avoir à payer et vraiment mettre des taxes assez élevées pour que les industriels soient poussés à intégrer le projet de la dépollution de la baie de Hann. L’objectif est que ces industriels acquièrent des stations de pré-traitement à façon à ce que par la suite leurs eaux qui vont sortir de ces stations vers un collecteur qui va faire 13 km de long et qui sera distribué tout le long de la Baie de Hann et sera raccordé à la station d’épuration de Mbao qui était bloqué jusqu’en début d’année mais ça y est maintenant. L’étude d’impact social environnemental a pu aboutir et les populations acceptent la mise en place de cette station d’épuration et à partir de la station d’épuration, il y aura un émissaire sur 3 Km de long qui va déverser les eaux venant de la station d’épuration à 3 km au large de Baie de Hann de façon à être amenées par des courants qui vont les distribuer au large. Donc, les industriels vont être poussés de manière un peu forte à acquérir ces stations d’épuration. Au niveau des particuliers, il y a un projet de mise en place de stations d’épuration avec l’Office National de l’Assainissement du Sénégal (Onas).
Avez-vous le nombre d’industries installées dans la presqu’Ile du Cap-Vert ?
C’est quasiment impossible d’avoir le nombre d’industries installées dans la presqu’Ile du Cap-Vert parce qu’il y a des industries qui sont répertoriées chez nous et il y en a d’autres qui sont plus petites souvent, mais aussi polluantes et qui sont dans le secteur informel. Le secteur informel est très développé. C’est 80 à 90% du secteur industriel donc vous imaginez qu’on ne peut pas donner de chiffres. Ce que je peux dire par contre est que les industries du Sénégal sont très concentrées à Dakar puisque 90% des industries sénégalaises sont à Dakar et pratiquement toutes sont dans la baie de Hann.
Dakar est pollué, mais il y a aussi des villes comme Joal et Mbour, des lieux de pêche qui subissent la pollution marine ?
Il y a une pollution au niveau de Mbour et Joal par les déchets, ne serait-ce que les déchets halieutiques qui sont une source de pollution, mais moins grave que quand il s’agit de rejets venant des maisons. Dans les rejets qui proviennent des eaux domestiques, il y a énormément de bactéries, des staphylocoques et des streptocoques qui sont à l’origine de nombreuses maladies. Ça impacte beaucoup sur la santé. C’est ce qu’on peut trouver au niveau de Dakar par exemple. Mais au niveau de Joal et Mbour aussi parce que là également, il n’y a pas de station d’épuration. Les eaux de maisons sont rejetées en mer. Les déchets qui proviennent aussi des quais de débarquement où les femmes transforment les poissons, sont repris par la marée. C’est une source de pollution, mais qui est moins dramatique que les pollutions industrielles ou les pollutions des eaux de ménages. Il faudrait pouvoir utiliser ces déchets de façon beaucoup plus rationnelle.
Qu’est ce qui est prévu pour les chalutiers qui déversent leurs cales en mer ?
C’est aussi un problème. Nous, de la Direction de l’environnement et des établissements classées (Deec), nous n’avons pas de moyens marins. Nous n’avons pas de bateaux encore moins de navires. On ne peut pas lutter contre ça. Par contre, il y a l’Agence nationale d’autorité maritime, la Hasmar aussi qui est rattachée à la présidence qui est aussi là pour la sécurité et qui a des moyens flottants qui peuvent donc appréhender ces navires. Les gens ont l’habitude d’enfreindre la loi. Les bateaux ne sont pas forcément des bateaux sénégalais qui viennent, qui repartent ni vu ni connu. C’est tout un système à mettre en place pour endiguer le phénomène.
Où en est la loi sur le littoral ?
Depuis que je suis à la Direction de l’environnement et des établissements classées, cette loi existe. Elle a été revue un certain nombre de fois. Nous, on l’a transmise au secrétariat exécutif du gouvernement à plusieurs reprises en cinquante exemplaires. Pour l’instant, ça n’a pas abouti. Il y a eu des annonces qui ont été faites. Je me souviens du temps d’Aminata Touré, il y’ vait eu une annonce par le Premier ministre, elle-même du vote de cette loi. Il y’en a eu par la suite d’autres annonces par le Premier ministre, le président aussi avait annoncé le vote de cette loi. Mais, jusqu’à présent, elle n’a pas été votée.
Le plastique est un sérieux problème en dépit de l’existence de la loi réglementant son usage. Quel est votre avis sur la question ?
La loi sur le plastique à mon sens n’est pas suffisante. Elle est trop faible puisqu’elle interdit uniquement les sachets dont l’épaisseur est inférieure à 30 microns. Ça veut dire donc ces sachets sont interdits à la production, stockage. Tout ce qui tourne autour de ces sachets est interdit. On n’en voit plus ou de façon très rare, ce type de sachets. Donc, la loi a marché pour ces types de sachets, mais la loi en elle-même est trop faible. Elle aurait dit interdire tout type de sachets. Or, les autres sachets ceux qui sont d’un micronnage supérieur à 30 microns ne sont pas interdits. Ce qui est interdit par rapport à ces sachets plastiques, c’est la gratuité. Mais le problème est que pour fixer un tarif sur ces sachets, parce qu’ils n’ont pas tous la même valeur. Pour rendre la loi beaucoup plus effective, il faut des arrêtés. Il y a trois arrêtés qui sont en cours d’élaboration. Ça prend du temps. Il y a aussi un décret en cours d’élaboration et ça prend du temps aussi. Il y a l’autre partie qui relève de la gestion des déchets plastiques produits par les industriels. Toute cette partie est importante. Les industriels ont un rôle à jouer par rapport à ce plastique. Tout industriel qui produit du plastique doit être en mesure de gérer les déchets plastiques. Or, à l’heure actuelle, ce n’est pas le cas. On a des industries qui produisent du plastique, mais qui ensuite non pas encore mis en place le système de collecte, de récupération des déchets engendrés par leurs production. Je suis pour la diminution de la production des plastiques surtout pour ceux qui ne sont pas recyclables.