IL VA FALLOIR ASSAINIR LE MINISTÈRE DES FINANCES
Idrissa Diallo, maire de Dalifort et responsable de Taxawu Dakar, sort de sa réserve pour analyser les résultats du scrutin présidentiel - Sans faux fuyants, il s’est prononcé sur toutes les questions brulantes de l’heure
Membre de premier plan de la coalition Taxawu Dakar et fidèle parmi les fidèles de Khalifa Sall, Idrissa Diallo s’était fait discret depuis quelques temps. Mais à la faveur de la réélection de Macky Sall à la tête du pays, le maire de Dalifort sort de sa réserve pour analyser les résultats du dernier scrutin présidentiel. Sans faux fuyants, il s’est prononcé sur toutes les questions brulantes de l’heure : dissolution de l’Assemblée nationale, loi d’amnistie ou grâce présidentielle en faveur de Khalifa Sall. Il s’explique aussi sur les rumeurs persistantes qui l’annonçaient, durant la campagne, dans le camp présidentiel.
Nous venons de sortir de l'élection présidentielle qui a consacré la réélection de Macky Sall dès le premier tour. quels enseignements tirez-vous de ce scrutin ?
D’après les résultats officiels, le Président Macky Sall a été réélu avec 58,26% des voix. Il est vrai que cette élection n’a pas été contestée, mais tout le monde est conscient que les résultats sont difficiles à avaler. Beaucoup de facteurs sont à l’origine de cette situation. Il y a le ressenti que l'on a eu sur le terrain, le comportement des populations et leurs réactions, et le sentiment de ceux qui étaient empêché de voter. Les résultats auxquels nous avons eu droit ont été préparés bien avant le jour du vote. C’est le principal enseignement à faire. Avant le 24 février, beaucoup de choses se sont passées. L'élection est une affaire publique.
Et qui dit affaire publique, dit l’implication de tous les citoyens. Cela concerne d'abord tous ceux qui sont organisés de manière formelle, c'est à dire les associations dont le but est de concourir aux suffrages des Sénégalais. Par conséquent, cela requiert des discussions entre acteurs afin de corriger les incorrections et autres incongruités. Malheureusement, l'Exécutif était dans une démarche de forcing du début jusqu’à la fin. Le résultat est là. Le Président Macky Sall a toujours souhaité avoir un deuxième mandat et il l’a obtenu. J'espère qu'il en fera bon usage pour ne pas décevoir une fois de plus. De vastes modifications et d’énormes changements de directions doivent s'opérer. Il ne peut pas continuer à gérer le Sénégal comme il l'avait fait durant les 7 dernières années. J'espère que la sagesse reviendra dans les rangs de tout ceux qui l'entourent pour qu'ils puissent comprendre que le Sénégal est un et indivisible. Le Sénégal n’est pas l'affaire d'une personne et d'un clan. Il a l’obligation d’éradiquer les multiples dérives qui ont commencé à se faire sentir. Le vote régionaliste et le vote ethnique sont des dérives qui viennent du pouvoir de Macky Sall et sont dangereuses pour les générations futures. Et le Président doit en prendre conscience, parce qu'il a ouvert la boite de Pandore. S’il ne le comprend pas, il aura fait 12 ans au Sénégal de façon inutile.
En tant que membre de la coalition Idy2019, êtes vous prêt à féliciter le Président Macky Sall?
Je n'ai pas de problème pour féliciter ou pas le Président Macky Sall. On félicite quelqu’un avec qui on a travaillé et lorsque tout s’est bien passé. Au départ, il y a eu des préalables avant d’aller aux élections. L’opposition a signalé et alerté sur certains manquements, mais le Président est resté sourd. Il a forcé. Il a foncé. Et il a gagné. Par conséquent, il ne doit pas avoir besoin de félicitations. En tant que chef de l'Exécutif, il était de son devoir de faire preuve de souplesse et d’ouverture.
Macky Sall vient de lancer un appel au dialogue. Peut-on s’attendre à ce vous répondiez favorablement à la main tendue du chef de l’Etat ?
Le Sénégal n'a pas commencé avec Macky Sall. Les discussions entre acteurs politiques ont existé du temps de Abdou Diouf et de Me Abdoulaye Wade. On y mettait les formes nécessaires. A mon avis, on ne peut pas appeler les gens et les regrouper dans la Salle de Banquet et décréter une «Journée du dialogue». On donne le micro à chacun et c'est terminé. Personnellement, je n'ai pas le temps d'aller faire du folklore. Si le Président Macky Sall veut vraiment que l'on dialogue, il doit y mettre les formes. D’abord, il y a le fond pour déterminer ce sur quoi on va discuter. Si les gens acceptent le principe, on détermine la forme.
C’est comment cela va se faire. Il faut une certaine volonté, mais si c'est pour le cirque et le folklore, les gens ne seront pas d’accord. Il faut être sérieux dans ce que l'on fait. Il est le président de la République et personne n’y peut rien. Cependant, un minimum d’élégance républicaine veut qu’on respecte certaines formes. Il sait pertinemment que certaines choses ne seront jamais acceptées par les gens. C’est comme lorsqu’il voulait instituer la loi sur le parrainage. A l’époque, on avait utilisé certains opposants pour faire passer cette loi. Voilà un peu la façon de faire du Président Macky Sall. S'il veut dialoguer, il n'a qu'à poser les jalons de ce dialogue et parler des termes de références. S’il y a lieu de les enrichir, nous le ferons.
Donc sur le principe, vous êtes disposé à répondre à l’appel au dialogue du chef de l’Etat?
Par principe, je discute avec tout le monde. Quand on partage un pays comme le Sénégal, on doit pouvoir discuter, trouver des points de convergences et dépasser certaines divergences pour l’intérêt exclusif du Sénégal. Donc je ne peux pas refuser le dialogue, mais je tiens à ce qu’on ne me prenne pour un faire valoir. Un dialogue qui se résume en un seul jour, c'est avec Macky Sall qu'on le voit. Par ailleurs, je pense que les gens sont allés trop vite en besogne. A mon avis, on devrait attendre qu'il dise exactement son intention et attende le feedback des gens qui ne manqueront pas d’exprimer leur souhait.
Après l'invalidation de sa candidature, Khalifa Sall a décidé de soutenir Idrissa Seck. Mais d'aucuns pensent que ce soutien a été tardif et que les responsables de Taxaawu Dakar n'ont pas mouillé le maillot lors de la campagne. que répondez-vous à cela?
Les gens sont libres de commenter comme ils le souhaitent. Nous n’étions pas dans une dynamique de soutenir un autre candidat, parce que Khalifa Sall avait introduit un recours au niveau de la Cour de justice de la Cedeao. La campagne électorale a commencé le 3 février alors que la Cedeao devrait se prononcer le 7 sur le rejet de sa candidature. Logiquement, on ne pouvait pas introduire un recours et soutenir un autre candidat, parce qu’on nous reprocherait de ne même pas croire à notre candidature. La Cour de justice de la Cedeao s'est prononcée le 8.
Le même jour vers 16 h, Khalifa Sall a pris la décision de soutenir le candidat de la coalition Idy2019, c’est-à-dire Idrissa Seck. Donc, je ne vois pas ce qui est tardif. En pleine campagne, Idrissa Seck même-lui a remercié les Khalifistes. Que ce soit à Tambacounda et à Dagana, j’ai entendu Idrissa Seck dire qu'il remercie son frère Khalifa Ababacar Sall du fait de l’engagement et de la combattivité des Khalifistes pendant la campagne.
Nous avons fait comme si Khalifa Sall était candidat. Cela dit, nous ne pouvions soutenir la candidature de Idrissa Seck avant le verdict de la Cour de la Cedeao.. En tout cas, Idrissa Seck le comprend et les responsables de la coalition Idy2019 le comprennent également. On pouvait faire comme d’autres et ne pas soutenir un candidat, mais avec Idrissa Seck, c'est une longue histoire. Nous n'ignorons pas ce qu'il a fait durant les législatives.
Durant la campagne, des rumeurs insistantes faisaient état de votre rapprochement avec les tenants du régime. Il était même dit que Amadou Ba vous avait décroché.
C'est vous qui m'informez de cela. C’est l’Apr qui voulait tranquilliser sa conscience en véhiculant ces rumeurs. Amadou Ba et moi avons fait le lycée ensemble, mais nous n’avons aucun contact. Je reconnais que certains responsables de l’Apr ont demandé à me rencontrer personnellement. Un de leurs responsables au niveau local ici à Pikine m’a appelé pour dire qu’il a besoin de moi. Le minimum, c’était de le recevoir. C’est le seul, d’ailleurs, qui m’a parlé de ce genre de sujet. Je lui ai expliqué que ce n’était pas possible. Si un autre m’avait appelé, j’aurais réagi de la même manière.
Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas ce genre de personnes. Je suis là où je suis par conviction et non par calcul. Si je voulais un poste, je l'aurais eu avant même le régime de Macky Sall. Idrissa Diallo c'est des idées et des convictions. Le jour où je dois partir, ce ne sera pas en cachette. Je dirais à tout le monde : voilà ce que j'ai décidé de faire. Le jour où je jugerai nécessaire de partir, je ne le cacherai à personne. La première personne qui sera informée, ce sera la personne avec qui je suis en train de cheminer. Vraiment sur ce plan, les gens peuvent se rassurer. On cherchait simplement à me discréditer. Je suis au Parti Socialiste (PS) et je me bats aux côtés de Khalifa Sall.
En tant que proche de l’ancien maire de Dakar, vous devez être aux anges puisque depuis la réélection de Macky Sall, beaucoup de dignitaires du camp présidentiel plaident pour une amnistie en faveur de Khalifa Sall. Quelques mois avant la présidentielle, le Président Macky Sall avait dit qu'il n'excluait pas d’amnistier Khalifa Sall et Karim Wade. Après l’élection présidentielle, les gens en ont parlé au sein de l'Apr. Si les gens pensent qu’il faut l’amnistier, ils sont libres de le dire. Tout comme ceux qui disaient qu'il doit rester en prison sont libres. Nous nous avons mené un combat pour montrer que sa détention est politique. Nous avons mené le combat jusqu'au bout. Il nous reste un ultime avec le rabat d'arrêt.
Maintenant, les prérogatives de grâce et d’amnistie appartiennent à d'autres. Celles de l’amnistie sont dévolues à l’Assemblée. Tandis que la grâce relève des prérogatives du président de la République. Nous tenons à rappeler que nous restons sur notre position. Nous n'avons pas demandé de grâce encore moins d’amnistie. De notre part, nous n’avons formulé aucune demande dans ce sens. Donc la procédure continue. N’empêche, les Sénégalais sont libres d'apprécier. C'est sincère en eux. De façon spontanée, les gens pensent qu'il faut gracier ou amnistier ces détenus politiques.
Comment le principal concerné, Khalifa Sall, apprécie-t-il cette idée ? Et que pense-t-il des résultats du scrutin du 24 février dernier qui consacrent la victoire de Macky Sall ?
Quand Khalifa Sall et moi nous voyons, nous discutons de beaucoup de choses. Mais, j’avoue qu'il ne m'a jamais parlé de grâce ou d'autre possibilités d’élargissement. Il me dit tout le
temps qu’il se trouve là où il est par la volonté de Dieu. Et que ce dernier le fera sortir de là le moment voulu. D’ailleurs, je n'aime pas aborder ce genre de questions avec lui parce qu’il vit une situation que je ne vis pas. Je suis très peiné quelques fois d'aborder ces genres de questions avec lui. Je puis vous dire que Khalifa est un homme très fort et particulièrement lucide. Je suis en train d'apprendre de lui. Je ne pouvais pas imaginer qu’un homme, après deux ans de détention, soit encore droit dans ses bottes et ne montre aucun signe de faiblesse et de fatigue.
S’agissant des résultats de l’élection présidentielle, il les analyse comme tous les opposants, parce que c'était prévisible. Le camp du pouvoir disposait d’un appareil qu'est le fichier. Quand Samuel Sarr parlait de deux fichiers, j’ai fait une sortie dans la presse pour confirmer cela. Je l'ai dit à l'Assemblée nationale à Abdoulaye Daouda Diallo. Je lui ai aussi dit qu’on a actuellement peu de fonctionnaires et beau- coup de politiciens dans les ministères. Prenons l'exemple du ministère des Finances où sont gérées les caisses de l’Etat, il y a peu de fonctionnaires. Ces derniers sont constitués de ceux qui viennent de sortir fraichement de l'école. C'est sous Macky Sall qu’on voit, pour la première fois, le ministre des Finances, le ministre du Budget, le Directeur général des Impôts et Domaines, faire de la politique.
C’est pour cela qu'il ne peut pas y avoir de dialogue, parce que ces derniers sont là pour conserver le pouvoir et dire comment il faut s’y prendre. Quand j'ai dit à Abdoulaye Daouda Diallo qu'au ministère de l'Intérieur, il y a plus de politiciens que de fonctionnaires, il n'était pas content. Il m'a dit que je devrais respecter les fonctionnaires. Je lui ai répondu que les fonctionnaires doivent rester à leurs places, et les politiciens faire de la politique. Avec Macky Sall, on mélange tout cela. Le processus électoral est super- visé et contrôlé de bout en bout par des gens qui sont à la retraite (Daf, Cena, Cour d’Appel, Conseil constitutionnel). Dans tout le processus, il n’y a que des retraités qui sont payés à coup de millions Fcfa. Très tôt, nous avions dénoncé le fichier et le processus électoral.
La première fois qu'un journal de la place à publié les premiers résultats par département, j'ai constaté que le département de Podor avec 203 000 inscrits dépasse de loin le département de Guédiawaye qui compte 193 000. On sait tous qu’il n'y a pas de monde à Podor. Comment Podor peut-il avoir la moitié de l'électorat de Pikine ?
Dans la commune de Dalifort, tous ceux qui ont fait leur révision à la mairie n'ont pas reçu leurs cartes d'électeur. Mais ceux qui l'ont fait à la sous préfecture ont obtenu leurs cartes. Le comble de la magouille, c’est lorsqu’on a retrouvé au siège de l'Apr la Commission qui devait produire les cartes d'identité. C’est avec ces genres de pratiques qu’on a établi le fichier. Donc, s’il sort des résultats avec ce fichier, on dira que c'est préfabriqué. Ce qui m’amène à dire qu’il va falloir assainir le Ministère des Finances. Cela me fait mal que le ministre des Finances soit dans des communes à se battre.
Alors que lui, le ministre du Budget, le Directeurs Général des Impôts et Domaines doivent être des fonctionnaires qui pensent au développement du Sénégal. Ils ont tous de l'argent, ils se pro- mènent avec des milliards. On ne sait pas où ils prennent tout cet argent, mais ils sont très riches. On trouve des fonctionnaires super riches au ministère des Finances. On doit en parler, car ce sont des fonctionnaires. Le Président a intérêt à remettre de l’ordre dans toute cette pagaille. Depuis quelques jours, la
question d’un troisième mandat du Président est agitée. Quel commentaire cela vous inspire-t-il ?
Je trouve que ceux qui agitent cette question ont peur. Ils ont la peur de leur vie. Si vous prenez l’exemple du garde des Sceaux Ismaela Madior Fall, il doit politiquement son existence au Président Macky. Il pense que Macky Sall va finir son mandat dans 5 ans, il se pose des questions. C'est quelqu'un qui ne peut pas se battre, sans se réfugier sous l’aile protectrice de Macky Sall. Avant, il disait que tout était bloqué. S’il soutient maintenant que tout dépend du Président de la République, il fait preuve d’un manque de sérieux grave. Ismaela Madior Fall est un tailleur, il a ses ciseaux et il coupe.
Ce n’est pas sérieux pour un intellectuel de sa trempe. On a dit que nul ne peut faire plus de deux mandats successifs. Le Président Macky Sall, lui-même, a dit qu'il ne fera que deux mandats. Le porte-parole du gouvernement a dit que c'est le dernier, les responsables de l'Apr disent que c'est le dernier. Cependant, ceux qui ont peur pour l'après- Macky agitent le débat sur le 3ème mandat.
Me Aissata Tall Sall a jeté un pavé dans la mare politique en proposant la dissolution de l’Assemblée nationale. Êtes favorable à cette idée ?
Normalement, c’est en 2022 que l'on doit élire une nouvelle Assemblée Nationale. A cette période, il restera deux ans sur le mandat du Président Macky Sall. Ce dernier se dit qu’en 2022, ce n'est pas évident que les gens lui accordent une majorité parlementaire. Comme de 2022 à 2024, il pourrait être dans une cohabitation, Macky Sall pousse ses partisans à agiter l'idée de la dissolution de l’As- semblée nationale. Avec l'euphorie de la victoire, il se dit qu’il obtiendrait une autre majorité pour 5 ans.