IMMERSION À TOUBA ET MBACKE, DEUX VILLES EN UNE, A QUELQUES DIFFERENCES...
Jadis un peu distante l’une de l’autre, les deux villes font une, aujourd’hui. Elles se confondent en tout ou presque notamment de par la proximité, les habitudes et coutumes des populations, le langage, et le mode de vie, etc.
Jadis un peu distante l’une de l’autre, Touba et Mbacké sont deux villes qui font une, aujourd’hui. Du moins géographiquement, du fait d’une urbanisation et d’une démographie galopante et surtout de l’accroissement rapide de la cité religieuse. Elles se confondent en tout ou presque notamment de par la proximité, les habitudes et coutumes des populations, le langage, et le mode de vie, etc. Mieux, les deux villes font une, mais à quelques différences près. Alors qu’à Mbacké c’est la liberté totale, notamment en ce qui concerne le port vestimentaire, surtout pour les filles et les femmes, l’éducation nationale avec des écoles françaises, les loisirs etc., à Touba certains styles d’habillement et l’école «héritée du colon», entre autres, ne sont pas les bienvenues... A quelques semaines du Grand Magal, immersion à Touba et Mbacké, deux villes partageant presque tout… mais différentes
Situé à l’Est de Dakar, dans la région de Diourbel (dans le Baol), Touba est une grande ville du Sénégal. Capitale de la confrérie mouride, dont le fondateur Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké Khadimou Rassoul est l’artisan, son nom sonne régulièrement surtout à l’avènement de manifestations religieuses. Le plus important de ces événements religieux est le Grand Magal qui se tient chaque année, accueillant ainsi un monde fou de fidèles venant de tous les coins du pays et de l’étranger pour commérer le départ en exil au Gabon de ce grand résistant pacifique à la colonisation française.
Distant de Mbacké, la capitale départementale, de12 km près, il faut environ 15 à 20 mn de route, par la principale voie goudronnée et comptent un célèbre un rond-point, pour rallier Touba à partir de cette dernière ville et vice-versa, en temps normal. Même si en période de grandes rencontres religieuses comme le Grand Magal, il arrive que l’on perde plusieurs heures sur ce tronçon à cause des embouteillages monstres. Pourtant, du fait d’une urbanisation et d’une démographie galopante et surtout de l’accroissement exponentiel de la cité religieuse, aucun espace physique ou presque ne sépare Touba et Mbacké. Mieux, les deux villes fond une. Elles se confondent en tout ou presque notamment de par la proximité, les habitudes, le langage, le mode de vie, etc. Une similitude se note également au niveau de l’eau «potable» qui est salée (à cause de sa teneur en fluor). Sauf qu’à Mbacké, les populations payent l’eau ; ce qui n’est pas le cas à Touba où le liquide précieux est distribué gratuitement aux habitants, conformément à la volonté du Khalifat.
UN SYSTEME EDUCATIF AUX DIMENSIONS MULTIPLES
Pour conserver et perpétuer les enseignements, recommandations et l’idéologie du Cheikh, l’école française classique est bannie à Touba, seules celles franco-arabes, qui sont du domaine du privé, et généralement les «daaras» (écoles coraniques) dominent le système éducatif. Quant-à Mbacké, le système éducatif classique français est bien présent. N’empêche, à l’arrivée, le constat est palpable : les deux villes, ensemble, affichent un faible taux de scolarité. Pis, ce faible taux de scolarisation englobe un nombre très important, voire une majorité ou presque, qui n’a pas achevé le cycle primaire et élémentaire, une 2e tranche qui concentre quelques braves élèves qui sont allés jusqu’au cycle moyen et un 3e troisième groupe, les plus tenaces, avec quelques rares élèves qui ont atteint un niveau de Terminal.
LES CFP, UNE ALTERNATIVE AU MANQUE D’EDUCATION
Les Centres de formation professionnelle (CFP) sont bien connus des «baol-baols» (habitants/ressortissants de l’ancienne province du Baol). Ils offrent des formations variées à savoir la couture, la restauration, la transformation des fruits et légumes et céréales etc. Ainsi, ils constituent le refuge des jeunes, notamment des filles principalement, qui se sont très tôt détournés de l’école et d’autres qui n’ont pas eu à fréquenter les bancs scolaires.
En plus de la formation du cycle normale, des ateliers de formation sont souvent organisés et financés par l’Etat, ses démembrements, des partenaires et autres structures étrangères implantées surplaces dans le cadre de la coopération entre leurs pays d’origine et le Sénégal, au sein des CFP. Avec cette fois-ci une cible plus étendue qui permet une participation plus variée en termes d’âges. Aussi des hommes commencent-ils à s’intéresser à ces secteurs d’activité. Cependant, le problème qui se pose souvent, c’est celui de la concrétisation des connaissances acquises au cours de ces formations. Ce que confirme M. Sène, gestionnaire du CFP Mbacké. «Nous formons des cinquantaines de personnes à la transformation des fruits et légumes. Mais, au final, on se retrouve avec moins de 10 personnes qui poursuivent l’œuvre, pour en faire leur activité. D’ailleurs, on a eu un congélateur des produits transformés par les producteurs qui ont été formées ici. Et depuis, ils ne disent rien d’une continuité de cette entreprise». Un manque de motivation qu’Ousmane, un relais communautaire, justifie par «le manque de fonds et de locaux qui permettent d’assurer une production significative, d’une part, mais aussi l’indécision des bénéficiaires», de l’autre. Obtenir un meilleur développement économique et social passe par une participation communautaire qui suppose de la volonté, de la collaboration, de l’information et de la disponibilité des ressources. En attendant, il faut noter que certaines ont trouvé une alternative aux manque de moyens, à travers une activité bien connu des Sénégalais et majoritairement exercée par les femmes : les «natte» ou «tontines», une solution pour résoudre des problèmes d’ordre économique. Estimé à des millions de francs, les femmes trouvent ici un moyen de se tirer d’affaire, pour faire leurs business.
LES «MBACKE-TOUBA», UN MOYEN DE TRANSPORT ROI SUR LE MARCHE
En plus des charrettes tirées par des ânes qui sont plus fréquentes, proposant 50 F CFA comme tarif pour un trajet d’environ un km, les charrettes «tractées» par des chevaux (calèches et autres), plus visibles durant les grands événements religieux comme le Grand Magal sont aussi présentes. D’ailleurs l’une des particularités qui marquent nombres de pèlerins, durant le Magal, c’est les nombreux embouteillages de charrettes qui s’étendent souvent sur des km sur des voies dédiées. C’est aussi le propre de Touba où le Magal constituent souvent une période de traite pour tous ou nombre de détenteurs de charrettes à traction animale dans le Baol qui convergent vers la cité religieuses pour le transport de passagers et de marchandises. Des régions voisines et mêmes de charretiers du Baol exerçant à Dakar n’- hésitent à rappliquer sur la capitale du Mouridisme, à cette occasion. Quid des moyens de transport conventionnels (cars, taxis, minibus, bus) quittant d’autres régions qui investissent ce marché, en plus des taxis-clandos ? Ils se frotter les mains et rivalisent, quelques fois, avec les rares Tatas locaux, les «MbackéTouba» qui constituent le moyen de transport qui concentre le plus d’usagers.
A l’image des «cars rapides» à Dakar, les Mbacké-Touba constituent un moyen de transport en commun roi ici, avec des «apprentis» qui encaissent les frais de voyage et demandent l’arrêt, en fonction de la destination ou du lieu de descente du client. Taxant les clients à 50 F CFA pour le trajet entre Mbacké et Touba, c’est au niveau du rondpoint que commence la variation du prix transport, pour atteindre les 100 F CFA.
TOUBA ET MBACKE, ENTRE DIFFERENCES, INTERDITS ET PERMIS !
Après que les Mbacké-Touba nous mènent de parts et d’autres, de Touba à Mbacké et vice-versa, on arrive à distinguer la différence qui existe entre les deux espaces. Celle-ci se situe au niveau de l’accoutrement, un fait marquant. Surtout du côté des filles et femmes. Si à Mbacké, porter le jean, le décolleté, les mèches sur la tête ou encore sortir ou marcher tête nue sont permis, à Touba, mieux vaut ne pas essayer ; c’est interdit. D’ailleurs, face à des «dérives», le Khalife général de Mourides est monté au créneau pour appeler à l’ordre. A travers une sortie faite ces derniers temps, il a formulé des recommandations tout en rappelant les interdits dans la ville religieuse notamment tout ce qui est contraire à l’Islam. Et il suffit de lever la tête pour s’en apercevoir : foulards à la tête, aucune femme ne laisse apparaitre les cheveux ou tout autre atour qui les accompagne. Toujours pour confirmer cette réalité, on voit, de partout, des salons de coiffures qui fleurissent à Mbacké. Tandis qu’à Touba, voire un salon de coiffure est d’une rareté réelle. Pourquoi ? «C’est interdit», nous répondent à chœur des habitants. Un salon de coiffure à Touba aurait comme local la maison dans laquelle il est bien niché (clandestinement), bien loin des regards, pour «éviter d’enfreindre les ‘’lois’’ de la cité religieuse»