MULTIPLE PHOTOSKËR MAREME MBENGUE, LE LEGS D’UNE FEMME DE POIGNE
Kër Marème Mbengue est un patelin situé à 7 km du village de Niague, dans la commune de Tivaouane Peulh. Ce bourg, aujourd’hui, en pleine mutation, est aussi le legs d’une femme de courage : Marème Mbengue
Kër Marème Mbengue est un patelin situé à 7 km du village de Niague, dans la commune de Tivaouane Peulh. Ce bourg, aujourd’hui, en pleine mutation, est aussi le legs d’une femme de courage : Marème Mbengue.
Le chemin qui mène au village de Kër Marème Mbengue n’est pas de tout repos. Situé à quelques mètres du Lac Rose, il faut supporter quelques secousses et traverser une longue route latéritique avant de voir le bourg. À l’entrée, quelques clandos et la ligne 85 des bus Tata campent le décor. Ici, le visiteur est bien loin des constructions en paille. Des maisons en briques et des constructions inachevées sont perceptibles à des kilomètres. Des maçons terminent une nouvelle bâtisse à quelques encablures. L’urbanisation est passée par là ! Mais l’histoire de ce village est celle de Marème Mbengue. Une dame qui continue de marquer les esprits ; même après son décès en 2008. La fondatrice de ce village éponyme a posé ses bagages dans ce bourg en 2000, dans un contexte marqué par les inondations, afin d’y mener ses activités agricoles. Cette femme, qui a longtemps œuvré dans le social, va bénéficier de l’appui de l’Organisation non gouvernementale Enda Tiers Monde, qui agit en faveur de l’amélioration des conditions de vie des groupes vulnérables. Avec le boom démographique, d’autres sont venus habiter à Kër Marème Mbengue. Ce lieu n’abritait qu’une école coranique à l’époque. « C’est quelqu’un de très sociable et il accueillait les gens à bras ouverts », confie Amadou Mbengue, actuel chef de village et frère de Marème Mbengue. « Elle était venue ici lors des inondations. Beaucoup de Dakarois, qui sont venus chercher refuge, ont été recasés par ma mère avec l’aide de la préfecture », explique Gallo Ndiaye, fils de Marème Mbengue. Ce dernier affirme que sa mère accueillait chaque nouvel habitant sans aucune distinction.
Dans chaque coin et recoin du bourg, les habitants peuvent sentir sa présence, tant elle a su les marquer par son altruisme. Marème Mbengue n’était pas n’importe quelle femme. Elle représentait la gentillesse incarnée pour bon nombre d’habitants.
Une femme sociale aux pouvoirs mystiques
VILLAGE DE
KEUR MARIEME MBENGUE REGION DE DAKAR SENEGAL
Obock Diakhaté a construit une bonne partie de sa vie dans ce village. En effet, c’est en 2006 qu’il débarque dans ce patelin avec sa famille. Le ressortissant de Keur Massar voit en ce bourg une opportunité de prendre un nouveau départ avec ses deux femmes. Le loyer devenait de plus en plus difficile à payer pour ce débrouillard. « Je suis venu en premier avec mes bagages. J’étais dans le désarroi et ne savais comment me reconstruire financièrement. Marème Mbengue m’a rassuré et m’a aidé à voir la vie sous un autre angle », explique le chef de famille. Après trois mois, il arrive à construire une maison en paille avec l’aide de Marème Mbengue. « Je dois beaucoup à cette femme et continuerai de prier pour elle. Elle était altruiste et faisait tout gratuitement sans rien attendre en retour », dit Obock Diakhaté. Ce dernier considère Marème Mbengue comme sa mère et n’a pas hésité à donner le nom de sa première fille à la défunte cheffe de village. « Elle veillait sur nous et faisait le tour de chaque maison pour s’assurer qu’on ne manque de rien. », affirme-t-il.
La maison d’Amadou Diallo se dresse fièrement dans un des coins de ce village. Le sieur est venu habiter ici en 2006 et a construit son ascension brique par brique. De deux maisons en paille, il est passé d’un R+1grâce à une femme qui a toujours cru en lui. En effet, à cause de son épouse, le boulanger avait des doutes quant à son avenir ici. Mais Marème Mbengue a su convaincre le chef de famille. « Elle m’avait dit que je pouvais construire ma vie ici et avait affirmé que je serais le premier à construire un R+1. Elle pouvait vraiment voir l’avenir », déclare-t-il. Ce dernier n’avait aucun doute sur les connaissances mystiques de Marème Mbengue. Celle-ci a même aidé le boulanger à mettre au monde sa première fille en 2008. Un soir, le jeune homme est venu voir sa bienfaitrice lorsque sa femme était sur le point d’accoucher. La bonne dame lui avait remis du lait caillé pour sa femme et cette dernière avait accouché avant même l’arrivée de Marème Mbengue. « Ma femme avait déjà donné naissance à une fille qui porte son nom », narre-t-il avec émotion.
Marème Mbengue pouvait prédire l’avenir et avait énormément de connaissances, selon Amadou Diallo qui se souvient d’ailleurs des prédictions de sa bienfaitrice. « Elle avait dit que le village est le dernier-né, mais il serait le premier à prospérer et c’est ce qui s’est réalisé avec notre gendarmerie », relève-t-il.
Entre mutations et défis
VILLAGE DE
KEUR MARIEME MBENGUE REGION DE DAKAR SENEGAL
Aujourd’hui, la fondatrice de ce village n’est plus. Cependant, ce bourg ne cesse de se développer au fil des ans. Ce village, situé dans une zone montagneuse, regorge de potentialités. Le sable fin et les quelques coquillages insufflent un sentiment de tranquillité et d’évasion.
À quelques encablures du village, derrière les maisons en construction et terrains, la plage se dessine au loin. La brise marine titille les narines. Le bruit des vagues apporte calme et sérénité. Après avoir escaladé quelques dunes de sable et évité quelques cactus, la mer se dévoile sous son plus beau jour. Un coup d’œil qui vaut le détour et qui n’a rien à envier aux eaux turquoise des Maldives. Mais il n’est pas question d’y patauger. Les cas de noyade enregistrés ont fait fuir les plus téméraires des bambins. Faute de quai, les populations ne peuvent pas profiter de ce don de la nature.
« La pêche n’est pas beaucoup pratiquée. Les habitants vivent plus du maraîchage et de la maçonnerie », soutient Amadou Mbengue. Selon le chef de village, la localité en pleine évolution doit disposer de pirogues. « Nous avons une case de santé équipée. Cependant, nous n’avons pas un personnel soignant encore moins d’équipements », souligne le chef de village. Il a notamment relevé les difficultés liées à l’accès à l’eau et à l’électricité. Des problèmes majeurs pour ce village en perpétuelle évolution.