KEUR MALAL OÙ LES MISÈRES DE PLUS DE 2000 ÂMES
Un village d’agro-pasteurs où le mal vivre est palpable - Une piteuse situation qui, comme une malédiction, lui colle à la peau depuis presque toujours - REPORTAGE
Keur Malal. Un village d’agro-pasteurs où le mal vivre est palpable. Une piteuse situation qui, comme une malédiction, lui colle à la peau depuis presque toujours. Dans cette partie enclavée du département de Tivaouane où le visiteur s’apitoie sur sa situation de laissé-pour-compte dans laquelle elle se meut, l’absence quasi-totale d’infrastructures sociales de base en dit long sur l’enfer dans lequel se démerdent douloureusement quelques 2000 âmes.
Avec ses quelques 2000 âmes, ce village de la commune de Notto Gouye Diama dans le département Tivaouane, semble perdu au milieu de nulle part. Dans cette localité on y accède difficilement. Elle semble littéralement déconnectée du reste du pays. Un calvaire que vivent les populations au quotidien et depuis toujours. A trois cent mètres du village, le visiteur qui est dans un véhicule est obligé de garer la voiture pour se résoudre à faire le reste du trajet à pieds sur une piste montante et ensablée parsemée de dunes. Un véritable parcours du combattant qui semble infini et est assez révélateur pour témoigner de l’enclavement de la localité et du supplice de ses habitants qui, tous les jours, empruntent ce coriace chemin pour aller se ravitailler au marché international de Notto. « Chaque jour que Dieu fait, nous faisons au moins ce parcours à l’aller comme au retour pour vendre nos légumes et du lait avant de revenir à la maison cuisiner», confie Adja Fatoumata Sow, une brave femme du village. Elle parle avec regret de l’accès aux soins de santé. Ceci, pour déplorer le fait qu’il n’y a même pas une case de santé pour assurer le minimum de soins aux populations. Des doléances que corrobore la vue de cette jeune dame couchée à même le sol, sous l’ombre d’un arbre un peu en retrait du lieu de rassemblement et bravant stoïquement son mal au niveau du sein. Une situation qui n’est rien, selon Fatoumata Sow, comparée aux nombreuses femmes qui perdent la vie ou leur bébé sur le chemin menant aux structures sanitaires de Notto. « Nous n’avons d’autres ressources que de transporter les femmes enceintes en travail à bord de charrettes si nous en avons les moyens. Ici les charretiers réclament entre 2500 et 3000 FCFA pour les frais de transport, et ce n’est pas toujours évident puisque pendant la saison des pluies, la route est parsemée par endroits de véritables étangs qui rendent presque impossible toute forme de transport même celui hippomobile. Et à la tombée de la nuit, c’est une autre paire de manche »,se lamente notre interlocutrice. Et elle n’en finit pas avec ses complaintes « ces risquent auxquels nous, femmes, sommes confrontées à cause de l’enclavement et du manque d’infrastructures sanitaires, sont d’ailleurs permanents car même si le transport est possible, il demeure que dans certaines conditions, la femme en travail n’est souvent pas apte à supporter les secousses et autres désagréments liés à l’impraticabilité de la piste ».
De nombreux cas de maladie diarrhéique du fait de la qualité de l’eau
La liste des maux dont souffrent les populations de Keur Malal est loin d’être exhaustive. À commencer par l’accès à l’eau potable qui demeure aussi un des casse-tête auxquels ces dernières font face. En effet l’eau tirée du seul puits du village est non seulement insuffisante mais est aussi impropre à la consommation. Un état de fait qui justifie, selon Rocky Dia, les nombreux cas de maladie diarrhéique dont souffrent les enfants du village. « Le personnel soignant du poste de santé de Notto Gouye Diama nous a d’ailleurs demandé de revoir l’eau que nous consommons, parce, selon ces agents de santé, tous les enfants que nous leur amenons souffrent de la même maladie. Mais nous n’avons pas d’autres choix », explique-t-elle. « C’est soit boire de cette eau et tomber malade ou ne pas la boire et mourir de soif », dit –elle en signe de désespoir.
L’éducation elle, ne se porte pas mieux. L’école du village, construite il y a moins de huit mois avec seulement deux salles de classe, n’est pas loin de ressembler à une ruine. Pourtant, s’étonne Arona Dia, président de l’association des jeunes du village, le coût de construction déclaré est de « 10 millions de FCFA ». Pis, les deux salles ne sont même pas équipées. Du coup, les apprenants sont obligés de s’asseoir sur des bidons vides ou des briques poursuivre les cours. Des conditions d’études hors normes auxquelles viennent s’ajouter l’absence d’eau, de toilettes et de mur de clôture qui poussent les enfants à satisfaire leurs besoins aux alentours de la broussaille qui ceinture l’établissement avec tous les risques que cela comporte.
Bien entendu les populations de ce coin perdu du pays ne comptent pas baisser les bras afin que des changements s’opèrent au niveau de leur qualité de vie. Unis comme un seul homme, elles ont décidé de se faire entendre des autorités qu’elles ne voient d’ailleurs qu’en période d’élections avec des promesses jamais tenues. Pendant ce temps dans ce village niché à quelques kilomètres de la capitale, l’on se croirait à l’âge préhistorique. Une bourgade dépourvue d’infrastructures et qui vit dans une misère abjecte. Une population abandonnée à son sort par des autorités compétentes, surtout municipales qui, disent-elles, excellent dans les « promesses non tenues ».