LA DEGRADATION DES SOLS EN AFRIQUE, UNE URGENCE CONTINENTALE
Plus qu’un simple problème environnemental, la désertification sur le continent est une crise écologique et humanitaire qui affecte directement la sécurité alimentaire, la biodiversité et la subsistance de nombreuses populations.
Plus qu’un simple problème environnemental, la désertification sur le continent est une crise écologique et humanitaire qui affecte directement la sécurité alimentaire, la biodiversité et la subsistance de nombreuses populations. Du Niger à la République Démocratique du Congo (RDC), le phénomène persiste avec son lot de déséquilibres.
Les chiffres sont éloquents. Selon les dernières données de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD, sigle anglais), 65 % des terres arables en Afrique sont dégradées. Cette situation, loin de se limiter à une région du continent, sévit un peu partout, plongeant des communautés entières dans la pauvreté et l’insécurité alimentaire.
De Djibouti à la RDC, en passant par le Niger, le Bénin, la Mauritanie et bien d’autres, l’urgence est manifeste.
Au Niger, la désertification s’intensifie. Garé Amadou, journaliste nigérien, dépeint une situation alarmante : « Chaque seconde, le désert gagne du terrain sur nos terres arables. Près de 38 % du territoire national est désormais désertique, selon le groupe de consultation climatique SELECTRA », affirme-t-il. Cette avancée est aggravée par des pratiques agricoles ancestrales qui, combinées à la rareté des terres, accélèrent la dégradation des sols.
Pour contrer ce fléau, le Niger a mis en place une politique nationale de lutte contre la désertification, basée sur plusieurs initiatives telles que la plantation d’arbres et la construction de haies pour protéger les terres vulnérables. Amadou met également en avant le projet de la Grande Muraille Verte, qui ambitionne de reverdir un corridor traversant 11 pays, de Dakar à Djibouti.
Ce programme, en cours, suscite de grands espoirs quant à la restauration des terres dégradées à l’échelle continentale. « Ce projet est notre plus grand espoir, il pourrait véritablement transformer nos terres », déclare Garé Amadou.
À l’autre bout du continent, à Djibouti, la désertification est accentuée par des conditions climatiques sévères. « La sécheresse récurrente, les températures élevées et l’insuffisance des précipitations ont provoqué une perte massive de végétation, réduisant les pâturages et appauvrissant les sols », explique Mouhamed Hammed Ali, journaliste djiboutien.
Pour y faire face, Djibouti mise sur la reforestation, la gestion durable des terres et la conservation de l’eau. Le pays participe activement à des initiatives régionales, notamment la Grande Muraille Verte, qui vise à restaurer les écosystèmes dégradés. De plus, souligne notre confrère, des campagnes de sensibilisation à l’agriculture durable et des politiques nationales favorisant l’utilisation efficace des ressources en eau sont en cours.
Mauritanie, « 80 % du territoire touché »
En Mauritanie, Khalilou Diagana décrit une situation tout aussi préoccupante. « 80 % du territoire mauritanien est affecté par la désertification, et près de 200 000 hectares de terres se dégradent chaque année. Cette dégradation des sols est fortement liée à la pauvreté rurale, qui touche 44 % de la population », relève-t-il, citant des données du ministère mauritanien de l’Environnement et du Développement durable.
Les mesures mises en œuvre incluent des campagnes massives de reboisement et de fixation des dunes. En outre, le projet de renforcement de la restauration, des revenus, du développement et de la promotion des services écosystémiques (BRIDGES, sigle anglais), en collaboration avec la FAO, promet de restaurer 5 000 hectares de terres dégradées en Mauritanie, en Érythrée et au Soudan.
Diagana estime que ces efforts restent cruciaux pour maintenir les terres cultivables et atténuer les effets de la désertification dans une région où l’agriculture est essentielle à la survie de nombreuses communautés.
Les pays au sud du Sahara pas épargnés
La dégradation des sols, particulièrement marquée au Sahel, n’épargne plus les autres pays du continent. Au Bénin, William Tchoki, journaliste à l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (ORTB), déplore l’impact des mauvaises pratiques agricoles sur la dégradation des sols.
La monoculture, la technique du brûlis après récolte et l’utilisation excessive d’intrants chimiques sont autant de facteurs qui ont, selon lui, accéléré la désertification dans le pays. « Les terres deviennent improductives au bout de quelques années, plus rien ne pousse », explique-t-il.
Pour y remédier, plusieurs techniques ont été adoptées, comme l’utilisation de plantes améliorantes telles que le Mucuna, la pratique de l’agroforesterie et l’introduction de fumiers naturels pour restaurer les sols. Le Bénin promeut également l’agro-écologie, avec des incitations pour réduire l’usage des produits chimiques au profit du compost naturel, précise M. Tchoki.
En République démocratique du Congo, la désertification progresse lentement mais sûrement. Rosy Nadine Kabeya, journaliste pour un média environnemental en RD Congo, témoigne de la lenteur avec laquelle le phénomène est pris au sérieux.
« La désertification se manifeste par des perturbations de la pluviométrie, des sécheresses à répétition et le phénomène d’étiage. Malheureusement, l’implication de l’État reste faible. Seuls quelques experts environnementaux tirent la sonnette d’alarme », souligne notre consœur.
Kabeya regrette surtout une certaine « léthargie » face à cette urgence, alors que la désertification pourrait, à terme, dévaster une grande partie des terres arables du pays.