LA FAMILLE DIACK AU COEUR DU SCANDALE
Affaire de corruption à la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) - Lamine Diack et son fils, Pape Massata, font partie des principaux protagonistes de l'une des affaires les plus graves de l'histoire du sport

Un patron de l’athlétisme déchu, l’un de ses fils qui échappe à la justice, des athlètes dopés au centre de la machination: voici les principaux protagonistes de l’affaire de corruption qui secoue la fédération internationale d’athlétisme (IAAF) depuis 2015.
La famille Diack
D’abord le père, Lamine Diack, figure politique sénégalaise – il a été député et maire de Dakar – et patron mondial de l’athlétisme de 1999 à 2015, dont les liens avec le Kremlin ont fini par causer la perte, à plus de 80 ans. De son propre aveu, il a directement négocié avec le président de la fédération russe d’athlétisme, Valentin Balakhnichev, pour retarder des sanctions contre des athlètes dopés, en échange de financements russes. Mis en examen pour corruption active et passive, son passeport a été confisqué et il ne peut pas quitter la France.
Ensuite le fils, Papa Massata Diack, qui régnait sur les contrats marketing de l’IAAF. Pièce centrale du puzzle, il a laissé des traces, mails ou virements bancaires, accréditant son implication. Depuis le début de l’affaire, il ne quitte plus le Sénégal et échappe à la justice française, malgré un mandat d’arrêt international. La justice sénégalaise, qui a ouvert sa propre enquête et inculpé “PMD”, refuse de l’extrader ou de répondre positivement aux demandes du juge van
Ruymbeke pour le faire entendre.
Papa Massata Diack multiplie par ailleurs les interviews pour se défendre. “On m’accuse de n’importe quoi. (…) vous pensez que je vais utiliser mes comptes professionnels pour cacher l’argent? On peut avoir des comptes offshore pour ça !”, a-t-il déclaré à L’Obs en septembre. Radié à vie de l’IAAF, il apparaît aussi comme un protagoniste clé dans les soupçons de corruption pour l’attribution des JO de Rio 2016 et Tokyo 2020.
Les rouages
Gabriel Dollé: responsable de la lutte antidopage à l’IAAF de 1994 à son départ en 2014, Gabriel Dollé, 76 ans, s’est laissé convaincre par Lamine Diack de retarder les procédures de sanctions contre les athlètes russes. Parce que l’IAAF, en difficulté financière, n’aurait pu se permettre de faire fuir un sponsor russe important avec un scandale de dopage, a-t-il expliqué durant l’enquête. “J’ai fait le faux pas de ma vie”, a-t-il concédé au juge d’instruction. Il a été mis en examen pour corruption passive, pour avoir reçu 50.000 euros de Papa Massata Diack en 2013 et 90.000 euros de Lamine Diack en 2014.
Habib Cissé: l’ancien conseiller juridique de Lamine Diack a été le seul protagoniste incarcéré dans ce dossier, avec un bref placement en détention provisoire fin 2016. A-t-il touché les 600.000 euros de la fédération russe d’athlétisme évoqués par une note retrouvée à son cabinet et laissant penser que plusieurs athlètes dopés ont dû payer pour continuer la compétition ? Lui-même réfute une telle somme. Et “il n’y a pas d‘élément probant sur ce que j’aurais pu faire pour retarder la sanction d’athlètes suspectés de dopage”, a-t-il affirmé lors d’une audition dont l’AFP a eu connaissance.
Les Russes
Valentin Balakhnichev: il était le président de la Fédération russe d’athlétisme (ARAF), en même temps que trésorier de l’IAAF et proche du Kremlin. Lamine Diack explique avoir directement négocié avec lui le report de sanctions des athlètes dopés. Mais “il vit en Russie et a refusé de se rendre à la convocation que lui ont adressée les enquêteurs”, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.
Le juge van Ruymbeke a fait saisir l’un de ses comptes à Monaco, où se trouvent plus de 550.000 euros et quelque 770.000 dollars, alimenté par des fonds des sociétés de Papa Massata Diack. Le juge soupçonne des rétro-commissions, a expliqué la même source. Radié à vie par l’IAAF, Balakhnichev détient encore de nombreux secrets de l’affaire, lui qui menaçait dans un mail en juillet 2014 de tout révéler sur un “chantage cynique et cruel” de la fédération internationale.
Alexei Melnikov: d’après le témoignage de la marathonienne Lilya Shobukhova, l’entraîneur en chef des courses de fond à l’ARAF connaissait les dates des contrôles antidopage en Russie et pouvait planifier les prises de produits dopants en fonction de l’agenda. C’est lui qui aurait demandé à l’athlète de payer 450.000 euros début 2012 pour rester hors des sanctions. Radié à vie de l’IAAF, il a aussi été mis en cause par la spécialiste du 800 m Yuliya Stepanova, première lanceuse d’alerte qui a contribué, avec son mari Vitaliy Stepanov, ancien employé de l’Agence antidopage russe (Rusada) à la révélation du scandale.
Les athlètes: au-delà de Shobukhova, les documents retrouvés par les enquêteurs français accréditent l’hypothèse que d’autres spécialistes du fond et marcheurs russes ont dû passer à la caisse pour continuer la compétition malgré des passeports biologiques anormaux. Les avocats d’Habib Cissé ont demandé que la justice entende ces athlètes russes, doutant par exemple que des marcheurs, dont les gains sont “modestes” selon eux, puissent réunir des centaines de milliers d’euros pour payer. Une demande qui dépendra de la coopération russe.