IL NOUS FAUT UNE VÉRITABLE GOUVERNANCE DES MIGRATIONS
Dans cet entretien, le Sociologue Aly Tandian, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, souligne que «la gestion sécuritaire a amplement montré ses limites»
Dans cet entretien, le Sociologue Aly Tandian, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, souligne que «la gestion sécuritaire a amplement montré ses limites». Pour l’enseignant-chercheur qui dirige également l’Observatoire Sénégalais des Migrations qui est un espace de production et de partage de connaissances pour une meilleure gouvernance des migrations, «il nous faut une véritable gouvernance des migrations». Il est auteur de plusieurs publications scientifiques en Afrique, en Europe et aux Amériques.
Quelle analyse faites-vous de l’actualité des migrations irrégulières ?
Je pense que les routes migratoires, à partir du Sénégal, ne cessent de prendre des proportions de victimes de plus en plus importantes. Des recherches que nous avons réalisées récemment nous apprennent que les populations migrent parce qu’évoluant dans un ménage polyénique où les coépouses et leur progéniture semblent être dans une situation de compétition. Elles migrent à cause de l’angoisse et du sentiment d’abandon ou de la frustration. Elles migrent parce que la pêche n’est plus rentable, à cause de la présence de chalutiers étrangers. A côté de ces raisons, des acteurs interrogés soutiennent vouloir migrer parce que le diplôme ne garantit plus l’emploi ou encore pour monnayer leurs talents et compétences artistiques, culturelles et sportives
L’État du Sénégal s’est mobilisé au cours des dernières années, avec des campagnes de sensibilisation contre les migrations irrégulières, mais les jeunes continuent à partir. Comment expliquez-vous cette situation ?
Il faut souligner que les réponses politiques apportées souffrent d’un manque d’évidences scientifiques. Et par conséquent, le fait demeure. Pire, les campagnes de sensibilisations sont faites au niveau des zones de départ et non au niveau des zones d’origine. Je pense qu’il faut une réelle décentration avec un paradigme à l’image des raisons et des profils des candidats à la migration irrégulière.
Avez-vous des solutions à partager pour faire face aux migrations irrégulières ?
Sans être un oiseau de mauvais augure, je ne suis pas sûr que les migrations irrégulières vont s’estomper parce que nous avons des populations jeunes, lourdement affectées par les fantasmes qui font croire que pour se réaliser il faut partir. Les réseaux sociaux n’aident pas, en plus de l’héroïsation de certains migrants de retour qui font rêver à souhait. La preuve, chaque jour, à partir de nos quartiers, des jeunes se mobilisent pour rejoindre le Nicaragua, espérant entrer un jour aux Etats-Unis d’Amérique ou au Canada. Je pense qu’il nous faut, dans les pays de départ, de transit et de destination, arriver à avoir un discours commun sur les migrations, un discours moins déséquilibré et plus inclusif. L’impératif est d’arriver à une politique de migration circulaire, avec un cadre précis et transparent, profitable à tous et qui prend en compte le disours des concernés, les migrants, les candidats à la migration ainsi que leurs parents, les acteurs de la société civile et les politiques. La gestion sécuritaire a amplement montré ses limites, il nous faut une véritable gouvernance des migrations profitable à tous.