«LA POLÉMIQUE QUI S’EST INSTALLÉE SUR LA PLACE PUBLIQUE NE NOUS SURPREND GUERE»
Abdoul Aziz Diop, coordonnateur du Forum Civil a jeté un regard sur le débat qui a cours sur l’achat et le convoyage des vivres destinées aux populations impactées par le COVID19.

Abdoul Aziz Diop Coordonnateur du Forum Civil a jeté un regard sur le débat qui a cours sur l’achat et le convoyage des vivres destinées aux populations impactées par le COVID19. « La polémique qui s’est installée sur la place publique ne nous surprend guère » a-t-il soutenu, avant de rappeler les différentes alertes lancées par le forum civil, pour éviter la situation d’aujourd’hui
Abdoul Aziz Diop Coordonnateur du Forum Civil, n’a pas fait dans la dentelle pour analyser la situation globale du plan de riposte contre le COVID-19, par l’Etat du Sénégal. Après avoir rappelé les alertes lancées dès le début, il soutient, «la polémique qui s’est installée sur la place publique ne nous surprend guère».
Selon lui, le forum civil a été l’une des premières organisations de la société civile à avoir accepté l’invitation ou la main tendue du Chef de l’Etat, aux forces vives de la nation, pour faire face au COVID-19. Dès l’apparition du premier cas, le forum civil a eu à formuler un certain nombre de recommandations à l’endroit des autorités, notamment la fermeture des frontières, pour éviter la propagation des cas importés.
Ladite mesure a été prise tardivement mais dit-il, le forum civil avait alerté à temps. Quand le Président a annoncé des mesures exceptionnelles pour faire face au COVID-19, notamment en terme de riposte et de solidarité, Abdoul Aziz Diop déclare que le forum civil avait applaudi des deux mains. Cependant, en tant que structure de veille et d’alerte, il avait alerté très tôt sur d’éventuelles dérives, qui pourraient survenir dans l’opérationnalisation de ces différentes mesures.
C’est ainsi qu’il avait demandé que le plan d’investissement d’urgence de la santé et de l’action sociale puisse être disponible et rendu public. Il avait demandé à ce que les fonds collectés au niveau du Ministère de la Santé soient reversés au Ministère du Budget pour plus de traçabilité, ce qui a été fait. Il s’y ajoute la demande d’encadrement des marchés liés au COVID19, d’autant qu’avec la loi d’habilitation ces marchés n’obéissent plus aux critères du code des marchés publics. Il souligne que c’est pourquoi, le souhait du forum civil est que ces marchés obéissent aux critères de bonne gouvernance, même s’ils sont exempts du code des marchés publics pour non seulement plus d’impact, mais aussi qu’ils puissent atteindre les objectifs fixés. Mais malheureusement regrette-t-il, la polémique s’est installée sur la place publique, et il s’agit d’un débat inopportun, indécent et qui pouvait être évité. Si cette situation s’est créée renseigne-t-il, « c’est parce que nous n’avons pas été entendus et les leçons qu’on peut en tirer sont multiples.
Le plus important est que toutes les parties prenantes tirent les leçons de cette situation, pour lever cette rupture de confiance, ces suspicions, ces présomptions. Ce que nous attendons des autorités, surtout de celles qui ont en charge l’opérationnalisation des mesures, c’est surtout la transparence, la redevabilité, éviter la polémique, qu’elles soient plus proactives. De cette façon, ces autorités pourront rétablir la confiance entre les acteurs.
En effet dans les marchés qui ont été attribués, il y a des présomptions de conflits d’intérêts. Ici au Sénégal, il n’y a pas de loi sur les conflits d’intérêts et le forum civil l’a toujours réclamée, mais l’éthique et la morale sont au-dessus des lois. Tous ceux qui interviennent dans la gestion de ces fonds doivent avoir en bandoulière l’éthique individuelle de conviction et collective de responsabilité à la fois, pour en faire en sorte que tous les marchés obéissent aux critères de bonne gouvernance ».
«L’ACCESSOIRE EST EN TRAIN DE PRENDRE LE DESSUS SUR L’ESSENTIEL»
Aux yeux du coordonnateur adjoint du forum civil, force est aussi de constater que l’accessoire est en train de prendre le dessus sur l’essentiel. Selon lui, l’essentiel est de renforcer cet élan de solidarité national, de rétablir la confiance, de mobiliser toutes les énergies autour de la riposte surtout face à cette recrudescence des cas communautaires, qui devient de plus en plus inquiétante. L’essentiel c’est d’apporter une riposte énergique pour endiguer cette pandémie et que l’Etat mette à la disposition des populations des intrants de qualité pour faire face, surtout pour accompagner les gestes barrières, à travers la disponibilité de gants, de masques, les gels hydro alcooliques, d’autant plus que cette guerre se gagne d’abord sur le terrain de la prévention.
Pour lui, c’est là où le débat doit se situer aujourd’hui. Sur la question de la transparence Abdoul Aziz Diop rappelle que le forum civil avait proposé la mise en place d’un comité de pilotage indépendant et inclusif, composé des représentants de l’Etat, de l’Assemblée Nationale, de la société civile, du secteur privé et même de la presse et qu’il puisse piloter toutes les opérations liées au COVID-19. Il s’y ajoute d’autres recommandations par rapport au ciblage des bénéficiaires de ces vivres. Il s’agit entre autres de faire en sorte que tous les membres, dans un souci d’équité et pour éviter les conflits d’intérêts ou les passes droits, ne soient pas bénéficiaires directs ou indirects de ces vivres ou de l’appui de l’Etat envers les couches vulnérables.
Pour lui, il y a des couches vulnérables de manière conjoncturelle, mais qui sont fortement impactées par le COVID-19, comme les sénégalais qui sont dans l’informel, qui vivent dans des secteurs précaires et qui ont perdu leur emploi à cause de l’état d’urgence ou du couvre-feu. Il faut mener une réflexion pour aller dans le sens de la prise en charge de cette catégorie sociale qui vit cette situation dans la dignité. Pour lui, il est évident que la demande dépasse largement l’offre, d’où la nécessité de faire en sorte que le ciblage se fasse sur des principes très clairs.
De l’avis d’Abdoul Aziz Diop l’après COVID-19 devra aussi être l’occasion de s’interroger sur l’efficacité et l’impact des bourses de sécurité familiale. Certains en bénéficient depuis 6-7 ans et qui sont toujours dans cette base de données alors que l’Etat devrait réorienter cette politique sociale pour l’autonomisation afin que ces populations puissent sortir de la pauvreté, de la vulnérabilité et avoir des moyens de subsistance.