LA PSYCHOSE
Il ne se passe pas un temps durant lequel on ne parle pas de meurtre d’enfant si ce n’est de femme violée puis assassinée

Dr Abdoulaye Ngom, un enseignant-chercheur à l’université Assane Seck de Ziguinchor et sociologue, a fait une analyse du niveau d’insécurité qui inquiète, ces derniers temps, les Sénégalais qui ne restent pas un jour sans entendre de crimes commis par-ci, par-là par des meurtriers. Plaidant pour un alourdissement des sanctions contre ceux qui commettent ces genres d’acte criminel, Dr Abdoulaye Ngom soutient qu’il y a lieu de repenser le moule à partir duquel est construit l’homo-senegalensis.
Le Sénégal marche sur la tête. Ce n’est pas exagéré de le dire si l’on se réfère «aux choses bizarroïdes» qui se passent actuellement sous nos cieux que nous n’avions pas l’habitude de voir du temps de notre jeunesse. Il ne se passe pas un temps durant lequel on ne parle pas de meurtre d’enfant si ce n’est de femme violée puis assassinée comme c’est le cas de la dame d’une soixantaine d’années, qui en a fait l’objet à Tivaouane Peulh durant la célébration de la fête de Korité. D’autres cas de meurtre ont été notés ce week-end avec notamment celui de la gérante de multiservices, Ndèye Kiné Gaye, assassinée par son collègue à Pikine.
Si la pression sociale pousse les gens à commettre l’irréparable comme l’argument qu’aurait servi le meurtrier de Ndèye Kiné Gaye pour satisfaire les exigences d’une épouse qui tenait à ce qu’on baptise son enfant, poussant ainsi le mari à détourner l’argent de l’établissement multiservices qu’avait l’habitude de lui verser la victime, le temps est venu de s’arrêter sur la recrudescence des meurtres au Sénégal.
Le niveau d’insécurité inquiète au point que Dr Abdoulaye Ngom, un enseignant-chercheur à l’université Assane Seck de Ziguinchor et sociologue, en a fait une lecture pour dire : «On tue une personne pour 5 mille francs ou pour un téléphone portable. C’est comme si la vie de l’être humain n’a plus de valeur au Sénégal.» S’il dit être «contre la peine de mort», abolie par le Président Abdoulaye Wade, il est pour «l’alourdissement des peines», qui ferait que les auteurs de ces meurtres puissent croupir en prison durant 40 à 50 ans. C’est la seule alternative pour mettre fin à ces meurtres au Sénégal, selon notre interlocuteur.
Revenant sur l’épisode des câbles volés du Train express régional (Ter), qui faisait les choux gras de la presse ces derniers temps, cela traduit une perte d’un certain nombre de valeurs, laisse entendre l’enseignant-chercheur qui écarte l’hypothèse d’un «sabotage», même s’il avance qu’on est habitué à ces cas de vol de cette nature en citant l’exemple des couvercles en fer des fosses de drainage des eaux usées que des énergumènes dérobent pour aller les «vendre à vil prix». Tout cela repose sur la table l’incivisme qui a atteint un niveau insoupçonné, qui pousse des gens à s’adonner à ce que bon leur semble en ne pensant qu’à défendre leur propre intérêt au détriment l’intérêt général, si l’on suit l’argumentaire Dr Abdoulaye Ngom, qui s’est appesanti sur les dérives notées au niveau des réseaux sociaux considérés comme «une zone de non droit», alors que la loi est là pour réprimer toute violation. Il ne se passe pas un jour sans qu’on ne parle de scandale dont le dernier en date a eu lieu à Dubaï.
Les dérives sur les réseaux sociaux interpellent au premier chef Dr Ngom, qui diagnostique le mal en soulignant que «les parents n’ont pas la mainmise sur ce que font leurs enfants». «C’est facile de se cacher derrière son ordinateur pour insulter. Sur les forums, ce sont les adultes qui font des menaces et si l’enfant grandit après, il va adopter un certain nombre de comportements déviants», avance l’enseignant-chercheur.
Le manque d’éducation de base est décrié par l’universitaire, qui situe la cause au niveau de la première «institution de socialisation» qu’est la famille, qui ne joue plus le rôle qui est le sien comme auparavant. «Les parents n’ont plus le temps d’éduquer leurs enfants», fait-il remarquer, lui qui soutient que les parents sont maintenant plus portés vers la recherche de la dépense quotidienne sur fond d’une crise économique. «Les temps sont durs», ne manque de faire remarquer l’enseignant-chercheur qui arrive à la conclusion selon laquelle «l’éducation de base n’est plus ce qu’elle était». «Si on n’a pas acquis les bases au sein de la famille, cela se ressent dans la rue. Ces bases acquises dans la famille nous permettent de pouvoir bien nous comporter dans la vie en société», argumente-t-il.
«On ne voit les enfants que la nuit. On n’a plus les retrouvailles qu’on avait l’habitude d’avoir avec les enfants. Maman et Papa sortent pour aller chercher de l’argent», indique le sociologue qui rappelle que ce n’est plus le temps où l’enfant grandissait dans une «famille élargie où tout le monde (la tante, la grand-mère, le voisin…) se charge son éducation». «Une personne qui a une éducation de base ne va se comporter n’importe comment dans la rue. Si on acquiert l’éducation au sein de l’instance familiale, il y a un certain nombre de mauvaises choses qu’on ne ferait pas même si on est loin de ses parents», indique Dr Ngom, qui poursuit son argumentaire en citant les séries diffusées sur le petit écran en soulignant que si l’enfant n’est pas préparé, il ne serait pas capable de faire le distinguo entre ce qui est bien à consommer et ce qui ne l’est pas, la tendance serait chez lui de prendre tout ce qui lui tombe entre les mains.
Vivement que «l’éducation morale et civique» puisse être enseignée à nouveau aux élèves comme auparavant. Et Dr Ngom de poursuivre son argumentaire en faisant porter la responsabilité à l’école pour n’avoir pas joué son rôle qui doit être le sien, à savoir être le prolongement de la famille en participant à la socialisation de l’enfant tout en l’aidant à s’instruire. Selon l’universitaire, l’école ne remplit qu’un seul rôle qui est d’encadrer l’élève pour qu’il ait de la connaissance.