LA REGION DE DAKAR, TERREAU DE LA BARBARIE
Renforcer davantage la prise en charge des enfants victimes de violences. C’est là le but du référentiel de détection de violence par les professionnels de santé qui a été lancé jeudi
Renforcer davantage la prise en charge des enfants victimes de violences. C’est là le but du référentiel de détection de violence par les professionnels de santé qui a été lancé hier par la Direction générale de la santé. Ce mécanisme est d’une importance capitale dans la mesure où on compte, pour la seule région de Dakar, 300.000 enfants victimes de violences.
D’après le référentiel de détection de violence, les traumatismes constituent à l’heure actuelle la deuxième cause de mortalité infantile au Sénégal, tout juste après la malnutrition. Il s'agit notamment des dommages physiques et psychologiques causés soit par un acte de violence, soit par un accident. En 2018, les dommages physiques et psychologiques ont été responsables pour 8% des décès des enfants de moins de 5 ans. Mais c’est dans la région de Dakar que la situation est beaucoup plus alarmante. D’autant que 25% des enfants de moins de 15 ans sont victimes de violences physiques graves, soit 300.000 enfants pour la seule région de Dakar. A l'échelle nationale, 3% des filles de 15-17ans interrogées dans le cadre d’une enquête ont indiqué qu’elles ont été victimes de violences sexuelles dans l'année écoulée, soit 16.740 adolescentes. Ces données sont loin de traduire réellement l’ampleur du phénomène, compte tenu des nombreux cas qui ne sont pas identifiés et rapportés. Cette situation constitue un problème sérieux pour la santé actuelle et future des enfants et des familles.
Pour la Directrice Générale de la Santé, Dr Marie Khemess Ngom Ndiaye, 7% de la mortalité infantile est imputable aux traumatismes. «Les cas de violences sont relayés dans les médias ou dénoncés par la communauté, mais ne sont pas suffisamment documentés. Les données disponibles sont collectées de manière parcellaire et ne permettent pas de cerner l’ampleur du phénomène et ses causes profondes. De même, il est noté une insuffisance des services offerts aux victimes et un manque de coordination des activités de prévention», se désole Dr Marie Khemess Ngom Ndiaye. Elle trouve que ces problèmes identifiés dans la gestion de l’information et de la coordination des activités constituent un frein à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation de stratégies efficaces pour lutter contre les traumatismes dus essentiellement aux accidents et aux actes de violence. «La prévention et la lutte contre les traumatismes dus à la violence ne peuvent être entreprises par un seul département ou institution dans un pays. Des actions concertées faisant appel aux différents secteurs qui œuvrent dans le domaine sont nécessaires pour une réussite des efforts», affirme-t-elle.
En attendant Dr Marie Khemess Ngom Ndiaye se réjouit de l’élaboration de ce manuel à l’intention des professionnels de la santé. D’autant qu’il décrit les différentes formes de maltraitance et de l’abus sexuel sur l’enfant et sensibilise les acteurs de la santé sur la détection des victimes et la prise de mesures pour protéger la santé et la sécurité de l’enfant.
L’UNICEF HAUSSE LE TON
Représentante de l’Unicef au Sénégal, Silvia Danailov indique qu’en 2020, près d'un milliard d'enfants âgés de 2 à 17 ans dans le monde étaient victimes de violence physique, sexuelle ou émotionnelle ou de négligence. Au Sénégal, souligne-t-elle, des milliers d’enfants sont victimes de violence chaque année. «Ces chiffres ne sont que la partie visible de l’iceberg, et derrière chacun d’entre eux, se trouve un garçon ou une fille en souffrance. L'expérience de la violence dans l'enfance a un impact sur la santé et le bien-être tout au long de la vie. Elle augmente les risques de maladies, soulève des problèmes de santé mentale, grève les capacités d’apprentissage et d’insertion sociale, et perpétue aussi le cycle de la violence d’une génération à l’autre. Elle entraine aussi un coût majeur pour les sociétés et les Gouvernements. On estime à 7000 milliards de dollars et 8% du PIB mondial le coût généré par la violence à l’encontre des enfants», affirme-t-elle. C’est pourquoi, elle considère que les professionnels de la santé ont un rôle et une contribution majeurs à jouer dans ce domaine. «Aucun enfant ne doit être laissé pour compte. Un enfant victime de maltraitance qui a pu être détecté par un professionnel de santé, et pris en charge, est un enfant qui a une chance supplémentaire de s’en sortir, de vivre et de grandir en bonne santé», dit-elle. Directrice de la Protection sociale et de l’Education surveillée du ministère de la Justice, Abibatou Siby Youm souhaite l’application rigoureuse des lois puisque, dit-elle, c’est-là où le bât blesse. «Les Sénégalais doivent avoir l’habitude aussi de dénoncer les auteurs des actes de violence sur les enfants. Ce document est rassurant, mais si l’information n’est pas portée au niveau des autorités sanitaires et que la loi de l’omerta continue à persister dans notre société, il y aura des enfants qui vont toujours souffrir», affirme-t-elle.