LE "CANCER DE L'INJUSTICE" RONGE TOUJOURS LES FAMILLES DES VICTIMES
An 14 du naufrage du bateau "Le Joola"
Le 26 septembre 2002-26 septembre 2016. Voilà 14 ans, jour pour jour, que le Sénégal a vécu le pire moment de son histoire avec le drame le plus meurtrier de la navigation maritime internationale : le naufrage du MS "Le Joola" qui a fait, officiellement, 1804 morts.
Assurant la liaison maritime Dakar-Ziguinchor, le navire MS "Le Joola", a sombré aux larges des côtes gambiennes, dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002, vers 23 heures 30 minutes. A bord, il y avait près de 2 000 passagers, dont les 1804 ont perdu la vie dans ce naufrage, selon le bilan officiel. Pourtant, la capacité du navire n'était pas de plus de 500 passagers. Aussi, avec ces milliers de morts, "Le Joola" est devenu le pire naufrage de la navigation maritime commerciale internationale, puisque cette tragédie a fait plus de victimes que le "Titanic".
Longue fut cette nuit macabre pour bon nombre de passagers rescapés qui ont attendu l'arrivée des secours jusqu'au petit matin. Car, ce n'est que le lendemain, aux environs de 7 heures du matin que l'alerte a été donnée et les secours déclenchée. Ce qui fait que des gens qui auraient pu être sauvés ont allongé la liste macabre des décédés. D'où le grand désarroi des parents des victimes qui, depuis 2002, attendent de connaître la vérité. Une vérité que l'Etat du Sénégal cherche a enterrée depuis lors sous les eaux de l'océan Atlantique.
Le bateau qui gît au fond de la mer est ainsi devenu le cimetière de ces milliers de victimes dont les familles réclament toujours le renflouement de l'épave pour "faire (leur) deuil". Des familles indemnisées à hauteur de 10 millions de francs Cfa au bout de quelques années par le gouvernement d'Abdoulaye Wade qui voulait ainsi se débarrasser d'une question embarrassante. D'autant que l'enquête judiciaire déclenchée après ce drame a blanchi tous les présumés responsables. Pour la justice sénégalaise, le seul fautif est le Commandant Diarra, commandant du navire, qui a périt dans le navire.
"Plus de 1800 morts et on nous dit qu'il n'y a pas de responsables, c'est aberrant"
Triste de ne pas voir les coupables et autres responsables de la gestion du bateau être poursuivis, les familles des victimes peinent à panser leur plaie béante que cette tragédie leur a causée. Une plaie qui n'a pas toujours été cicatrisée, 14 ans après. "Parce que justement, on est rongé par le cancer de l'injustice", confie l'un des responsables de l'Association des familles des victimes, Nassardine Aïdara.
"Plus de 1800 morts et on nous dit qu'il n'y a pas de responsables, c'est aberrant", se lamente-t-il non sans rappeler que, malgré cette catastrophe, "les Sénégalais persistent toujours dans leurs mauvaises habitudes. Les leçons de ce drame n'ont pas été retenues". D'où d'ailleurs, d'après lui, le thème retenu pour cette 14e commémoration du naufrage. A savoir : "le civisme et la citoyenneté".
Les familles de victimes réclament toujours le renflouement du bateau pour, disent-t-elles, "permettre à ces nombreuses familles de faire leur deuil, selon les us et coutumes des uns et des autres". Des familles qui mettent aussi sur la table la question des pupilles de la nation dont le traitement laisse à désirer.
D'ailleurs, le président de l'Association nationale des familles des victimes et rescapés du bateau "Le Joola", Moussa Cissokho a déclaré, hier, à Ziguinchor, que sa structure va porter plainte contre l'Etat du Sénégal pour "non-assistance à orphelins en danger". "Nous avons constaté trop de légèreté dans la gestion du dossier du bateau ‘Le Joola' par l'Etat. Aujourd'hui, les orphelins sont laissés à eux-mêmes. C'est pourquoi nous allons porter plainte contre l'Etat du Sénégal pour non-assistance en orphelins en danger", a-t-il confié à nos confrères de Aps.
"Le combat judiciaire va se poursuivre jusqu'à l'obtention de gain de cause. Nos orphelins souffrent beaucoup faute de prise en charge adéquate. Mais l'Etat ne fait rien pour leur venir en aide", a regretté M. Cissokho.
Selon toujours nos confrères, l'affaire du non-lieu rendu récemment par la Cour d'appel de Paris (France) sur le dossier "Le Joola" était au centre des débats. Car, après l'arrêt de la procédure en 2003 par la justice sénégalaise qui avait conclu à la seule responsabilité du Commandant de bord disparu dans le naufrage, les familles des victimes avaient saisi la justice française. Mais la Cour d'appel de Paris vient de confirmer le non-lieu rendu en première instance par le juge français en 2014.