LE COUVRE-FEU CREE BEAUCOUP PLUS DE PROBLEMES QU’IL N’EN RESOUT
Dakar et Thiès ont du mal à digérer la pilule de l’état d’urgence, avec des manifestations notées dans les artères des villes concernées. Une attitude qui s’explique, de l’avis du sociologue Djiby Diakhaté, par une décision prise à la hâte

Les populations de Dakar et de Thiès ont du mal à digérer la pilule de l’état d’urgence. Pour montrer leur désapprobation, elles ont manifesté dans les artères des villes concernées. Une attitude qui s’explique, de l’avis du sociologue Djiby Diakhaté, par une décision prise à la hâte, causant plus de problèmes que de solutions.
L’état d’urgence assorti d’un couvre-feu décrété par le chef de l’Etat sur les deux régions les plus touchées par la seconde vague de la pandémie à covid-19 révolte les jeunes de Dakar et Thiès. Ces derniers ont investi les rues pour manifester leur amertume et leur désapprobation face à cette mesure qu’ils jugent injuste et non pertinente. Une révolte qui serait due, de l’avis du sociologue Djiby Diakhaté, à un désarroi par rapport à un quotidien difficile pour des jeunes qui bricolent des solutions de survie au quotidien et qui ont vu leurs perspectives rétrécies et même pillées par la décision de couvre-feu. «Cette mesure a été prise de façon précitée ; il n’y a eu aucun signe avant-coureur et cela est venu augmenter le niveau d’amertume de certaines catégories de la population, et notamment de certains jeunes», explique-t-il.
Pour le Pr Djiby Diakhaté, le couvre-feu crée beaucoup plus de problèmes qu’il n’en résout. Dans la mesure où les risques de problèmes économiques planent encore à l’horizon, de même que le blocage des activités professionnelles, ainsi que le désarroi de la population qui devient de plus en plus fort. Cette décision n’est pas sans conséquence, de l’avis du sociologue. En ce sens que des soucis ont été notés dès les premières heures avec le transport en commun. «Acertaines heures, on risque d’avoir des regroupements dans les gares routières et au niveau des autobus», avertit Djiby Diakhaté avant d’alerter : «Tout ce que nous étions en train de remettre en cause risque d’être reproduit avec ce couvre-feu». Par ailleurs, il estime que l’Etat devait surtout évaluer ce qui s’est passé pendant la fin de la première vague. D’autant que le pays a connu des manifestations de ce genre à la fin de la première vague de la pandémie. «Donc, il fallait évaluer tout ce phénomène avec beaucoup plus d’épaisseur avant de prendre quelque décision que ce soit», souligne-t-il.
«ON AURAIT PU UTILISER TOUTE CETTE ENERGIE JUVENILE POUR LUTTER CONTRE LE VIRUS»
Analysant le comportement des jeunes qui ont manifesté tout leur désarroi face au couvre-feu, Djiby Diakhaté a appelé à une approche beaucoup plus intelligente. En effet, il pense qu’on aurait pu utiliser tous ces jeunes qui sont mobilisés avec toute cette énergie pour lutter contre le virus. «Car, il est plus facile de lutter contre un virus que de lutter contre les forces de l’ordre», indique le sociologue. Dès lors, la solution était juste de voir comment utiliser cette force et cette énergie juvéniles pour l’orienter dans la lutte contre la covid-19. Et c’est parfaitement possible, affirme le professeur qui rappelle qu’à un moment donné, le Sénégal avait développé ce qu’on appelait «le confinement mobile». Cela permettait aux gens de marcher, de vaquer à leurs occupations tout en respectant les gestes barrières. Pour Djiby Diakhaté, il fallait simplement faire respecter les décrets qui étaient pris et qui mettaient l’accent sur les gestes barrières, l’interdiction des rassemblements, des fêtes etc. Une démarche expérimentée vers la fin de la première vague et qui a eu des résultats. «Donc, on aurait pu éviter le couvre-feu et insister sur le confinement mobile», a indiqué le sociologue.