LE MODUS OPERANDI DES FAUSSAIRES POUR BLANCHIR LEURS BILLETS
Le contexte de campagne de commercialisation de la noix de cajou fait croire à un projet d’achat cash de ces produits dans les villages des profondeurs, aux fins d’un blanchiment.
Le coup de filet de la Douane sénégalaise, à travers ses agents en poste à Tanaff ayant mis la main, mardi dernier 16 avril, à Goudomp, sur quatre (4) faussaires, fait couler beaucoup de salive et d’encre. La quantité des billets noirs d’une contrevaleur de cinq (5) milliards de FCFA ne pouvait pas passer inaperçue. Le contexte de campagne de commercialisation de la noix de cajou fait croire à un projet d’achat cash de ces produits dans les villages des profondeurs, aux fins d’un blanchiment. Les acteurs de la filière anacarde alertent et invitent les populations à plus de vigilance. Pour certains citoyens, ce trafic-ci n’est pas à un coup d’essai au Sénégal et en zone de frontière ; en attestent des gens spontanément riches et fraichement tirés d’une pauvreté maladive.
Cette saisie record a été réalisée mardi dernier, 16 avril, à Goudomp, par les agents de la Douane en poste à Tanaff et porte sur des devises en billets noirs d’une contrevaleur estimée à cinq (5) milliards de FCFA. Dans la soirée, le même jour, le communiqué de la Division de la communication et des relations publiques des Douanes a confirmé la nouvelle, précisant que ces billets noirs sont en coupures de dollars, d’euros et de FCFA, avec quatre (4) millions en coupure de 50, 10 et 200 dollars, quatre (4) millions en coupures de de 500, 200 et 100 euros et de deux cent (200) millions en FCFA.
Et la douane d’indiquer que «les faussaires sont au nombre de quatre (4) dont deux (2) de nationalité étrangère et deux (2) Sénégalais». Tous ont été appréhendés dans une auberge de la place dans la commune de Goudomp, dans le Sud de la région de Sédhiou. Ils détenaient par devers eux des produits dans l’intention de procéder au lavage desdits billets noirs, précise le communiqué.
POURQUOI A GOUDOMP ET DANS CE CONTEXTE DE PRE-CAMPAGNE DU CAJOU ?
Cette saisie est inédite à la fois en termes de quantité et de zone d’opération des faussaires (Goudomp). Ce qui, naturellement, fait couler beaucoup de salive à Sédhiou et dans son hinterland. Appréciant le contexte dans lequel intervient cette saisie de billets noirs de contrevaleur, nombreux sont les citoyens de la région de Sédhiou qui présument le choix délibéré des faussaires afin de pouvoir blanchir ces faux billets contre l’achat des noix d’anacarde.
Louise Cabral, une dame originaire de Bissau, est d’avis que cette coïncidence de contexte ne saurait être anodine. «Vous savez, c’est la période de commercialisation des noix d’anacarde, qui se vendent à grande échelle et dans les coins les plus reculés du Sénégal et de la Guinée-Bissau. Et cela doit, sans doute, être une brèche pour ces faussaires de monnayer ces contrevaleurs à de vraies valeurs monétaires. C’est-à-dire, ils se mettent en groupes d’acheteurs et distribuent ces billets dans les villages les plus reculés. Et quand ils revendent ces mêmes noix, ils reçoivent en retour de vrais billets», explique-elle.
A Goudomp, comme dans beaucoup de terroirs de la Casamance, nombreux sont ceux qui partagent ce point de vue de la perspective de blanchiment de ces billets noirs, une fois «lavés».
LES ACTEURS DE LA FILIERE ANACARDE ALERTENT ?
Le président du Cadre de concertation des acteurs de la filière anacarde de la région de Sédhiou, Ibrahima Khalil Sagna, tient de prime abord à préciser que, jusque-là, «des faits de blanchiment d’argent ne sont pas signalés dans la commercialisation de la noix de cajou en Casamance». Et d’alerter, tout de même, suite à cette saisie record de billets noirs en diverses devises à Goudomp : «il y a lieu de s’inquiéter mais surtout d’alerter l’opinion suite à cette saisie record de faux billets dans la région de Sédhiou. C’est d’autant plus inquiétant que c’est en zone de frontière avec la Guinée Bissau et zone qui se trouve être un up de commercialisation de la noix de cajou».
Ibrahimla Khalil Sagna, le président des acteurs de la filière anacarde, d’attirer l’attention des populations et des Forces de défense et de sécurité : «c’est juste un rappel mais les forces de défense et de sécurité suivent bien la situation. Pour ce qui est de la population, nous leur demandons d’être plus vigilants sur la circulation des billets neufs car la suspicion est réelle et la propension d’un quelconque blanchiment pourrait se faire dans les villages reculés où les achats se font cash. Mais heureusement que pour nos campagnes la banque ne donne pas généralement des billets neufs», indique-t-il
A rappeler que la commercialisation de la noix d’anacarde est assez développée dans le Sud du Sénégal et en Guinée-Bissau. La région de Sédhiou occupe la première place des parts de commercialisation de ce produit, au Sénégal en Casamance, avec plus de 30% des exportations, dit-on.
FABRICATION DE BILLETS DE BANQUE, BLANCHIMENT : UNE PRATIQUE QUI RESISTE AU TEMPS!
Dans un tout autre registre, certains doutent même que cela ne soit pas un coup d’essai pour les faussaires. «C’est peut-être que c’est cette fois-ci qu’ils ont été interpellés ; mais je doute fort que ce sont des pratiques assez fréquentes dans la sousrégion ouest africaine», dixit un dame habitant la commune de Goudomp, préférant garder l’anonymat. D’autres confirment et précisent que c’est la preuve que nos Forces de défense et de sécurité disposent maintenant d’assez de moyens sophistiqués pour procéder au contrôle nécessaire aux frontières et dans certaines zones stratégiques.
Les plus radicaux dans les analyses relèvent que «cette pratique gangrène depuis bien longtemps l’économie nationale du Sénégal et se caractérise par des activités de blanchiment d’argent. Sinon, comment légitimer un pauvre homme du coin qui devient tout d’un coup promoteur immobilier alors que quelques années auparavant il fallait quémander pour mettre quelque chose sous la dent de la famille», pipe un sexagénaire, sous forme de boutade.
Le mal est profond, crève l’économie, déstructure le tissu social et gonfle le cocktail de frustration sociale, à l’autel des iniquités incontrôlées et préjudiciables à la cohésion sociale.