LE SENEGAL A L’EPREUVE DES CRIMES INTERNATIONAUX
LOI DE COMPÉTENCE UNIVERSELLE
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Le Sénégal peut faire valoir sa compétence universelle pour connaître des crimes internationaux commis hors du territoire national. C’est Yousoupha Diallo, ancien procureur adjoint près les Chambres africaines extraordinaires (CAE) qui expose ainsi la compétence de notre pays pour lutter contre l'impunité de crimes graves, notamment les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, génocide et actes de tortures. Ce, quel que soit le lieu où le crime est commis et sans considération de la nationalité des auteurs ou des victimes.
«Le Sénégal a adopté la compétence universelle depuis 2007, en modifiant l’article 669 du Code de procédure pénale sénégalais. Les juridictions sénégalaises peuvent connaître des crimes internationaux commis hors du pays», a fait remarquer Yousoupha Diallo, ancien procureur adjoint près les Chambres africaines extraordinaires (CAE), hier mercredi, lors d’une conférence de presse couverte par l’APS. C’est dans le cadre d’une session de formation des journalistes ouest-africains sur la justice pénale internationale qui se tient à Dakar du 16 au 20 octobre, sous l’égide de la Fondation Trust Africa et de l’ambassade du royaume des Pays-Bas au Sénégal.
Seulement, Yousoupha Diallo a expliqué que «la compétence universelle peut s’exercer si la personne incriminée se trouve au Sénégal ou si elle y est extradée. Sur le plan législatif, le Sénégal a les moyens de créer une justice ad hoc, les moyens financiers peuvent cependant faire défaut». Pour le magistrat sénégalais, la lutte contre l’impunité «est un combat permanent et la justice doit s’appliquer sous toutes les formes que ce soit».
Revenant sur la tenue de la session de formation, il a noté que «l’information et la communication ont un rôle primordial à jouer dans la justice pénale internationale. La justice pénale internationale va de pair avec les médias». Au cours de cette formation, des représentants du bureau du procureur de la CPI ont fait des présentations sur la Cour pénale internationale(CPI), les crimes poursuivis par cette juridiction internationale, son jargon, l’aperçu des affaires en cours, etc. En plus des journalistes sénégalais, des professionnels des médias de la Côte d’Ivoire, de la Guinée Conakry et du Mali participent au séminaire.
LES CHAMBRES AFRICAINES EXTRAORDINAIRES: UNE AUBAINE, UN CAS D’ECOLE
Il n’a pas manqué de qualifier les CAE, tribunal d’exception créé au sein des juridictions sénégalaises, avec l’aval de l’Union africaine (UA) pour connaitre des crimes commis au Tchad, sous la présidence de Hissein Habré entre le 7 juin 1982 et le 1er décembre 1990, d’aubaine. «Les Chambres africaines extraordinaires, c’était un cas inédit où un président africain a été jugé pour la première fois en Afrique. Cela a été une aubaine, un cas d’école», a indiqué Youssoupha Diallo.
Parlant toujours des CAE, il a plaidé pour la mise en place du Fonds d’indemnisation des personnes reconnues comme des victimes du régime de l’ancien président tchadien. «Une justice sans réparation est une justice avec un goût d’inachevé. Je pense qu’il faut qu’on aille vers la création d’un fonds qui va polariser toutes les indemnisations, et cela a même été prévu dans le statut». Et d’ajouter: «il y a des biens immobiliers à Dakar» appartenant au président Habré «notamment deux maisons, et on a bloqué quelques comptes bancaires mais c’est loin du compte par rapport au montant des réparations.» A l’en croire, ces biens «ne pourront pas permettre de couvrir les 82 milliards» de F Cfa représentant le montant des réparations destinées aux victimes, même si une évaluation n’en a «pas été faite.»
Revenant sur le procès, il a relevé qu’il y avait eu «plusieurs déplacements de la commission rogatoire à Ndjamena. Il était question de faire comparaître d’autres accusés mais le Tchad n’a pas totalement coopéré. Il est question que les autres accusés soient transférés à Dakar, mais on ne leur a jamais notifié leur accusation, c’est un problème procédural auquel on a fait face». Au total 7396 victimes attendent d’être indemnisées à l’issue du procès de Hissein Habré, condamné le 30 mai 2016 à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture.