LUTTE CONTRE LE PLASTIQUE, LE SENEGAL N’Y ARRIVE TOUJOURS PAS
Des sachets d’eau vidés de leurs contenus et jetés à tout-va visibles partout dans les coins de rues, gares routières, arrêts-cars, marchés, espaces publics et autres
Depuis quelques années, le Sénégal a instauré des mesures et adopté une loi pour réduire les effets du plastique sur l’environnement. Hélas, malgré ce texte réformé (pour le rendre plus contraignant) et les décisions de l’autorité, le plastique continue d’être présent sur le marché, réduisant à néant le combat contre le péril plastique qui demeure toujours.
Des sachets d’eau vidés de leurs contenus et jetés à tout-va visibles partout dans les coins de rues, gares routières, arrêts-cars, marchés, espaces publics et autres. Des sachets à bretelles volants ou accrochés à des herbes ou se mêlant à des bouteilles en plastique et autres déchets solides et liquides dans les caniveaux à ciel ouvert. On les retrouve aussi dans des canaux d’évacuation d’eaux de pluie dont les couvercles continuent de faire l’affaire de ferrailleurs véreux (qui les volent), tout comme dans des maisons inondées abandonnées, aux eaux verdâtres, transformées en dépotoirs d’ordures et même dans des bassins de rétention où des herbes envahissantes (typhas, etc.) règnent en maître dans la banlieue. C’est le triste décor dans la capitale, Dakar et son agglomération, les grandes villes et les villages ; bref un peu partout dans le pays. Les efforts des agents de nettoiement, notamment de l’Unité de coordination de la gestion des déchets solides (UCG) dont les effectifs ont été renforcés dans le cadre du programme «Xeyu Ndaw Gni», qui sont désormais visibles au niveau de plusieurs artères de Dakar et sa banlieue, n’y feront pas grandchose.
Le mal persiste encore et toujours. Le Sénégal est fortement impacté par la pollution plastique ; d’où la prise de mesures jugées «fortes» afin de limiter les dégâts causés par ce produit nocif à l’environnement. La loi n°2020-04 du 8 janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques a été votée en remplacement de celle antérieurement initiée (en 2015) et qui limitait l’interdit aux seuls sachets à faible micronnage.
«JE GARANTIS QUE NOUS ALLONS DONNER L’OCCASION A NOTRE PAYS DE SE DEBARRASSER DES DECHETS PLASTIQUES»
Outre l’interdiction des sachets plastiques de faible micronnage, la loi n°2015-09 du 04 mai 2015 prévoyait des dispositions destinées à promouvoir la gestion écologiquement rationnelle des déchets plastiques solides et flexibles. Ses articles 2 et 3 posaient le principe de l’interdiction des sachets plastiques de faible micronnage et celui de la fin de la gratuité pour les sachets plastiques d’une épaisseur supérieure ou égale à 30 microns. Les articles 4 à 7 visaient à standardiser la production des sachets plastiques et à promouvoir la gestion écologiquement rationnelle des déchets plastiques. Les articles 8 à 16, quant à eux, prévoyaient les infractions et les sanctions ainsi que le principe de la responsabilité pénale des personnes morales.
Toutefois, les résultats n’ont pas été à la hauteur des objectifs, après plusieurs mois de mise en œuvre, l’Etat ayant décelé des manquements qui entravent sa bonne mise en œuvre. La loi n°2020-04 du 8 janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques est ainsi prise. Elle interdit les produits plastiques à usage unique comme les gobelets, couvercles, pipettes et tous sachets destinés à être utilisés pour conditionner l’eau ou toute autre boisson. Pour son effectivité, le ministère de l’Environnement et du Développement durable avait donné des assurances, faisant état de sa ferme décision d’appliquer les mesures allant dans le sens de bannir le plastique. «Ma conviction profonde, c’est que cette loi sera appliquée dans la rigueur. Je garantis que nous allons donner l’occasion à notre pays de se débarrasser des déchets plastiques», avait promis Abdou Karim Sall, lors du vote de loi à l’Assemblée nationale. Mieux, avait-il ajouté : «du producteur d’objets en plastique aux usagers, personne ne sera épargnée par cette interdiction», avait-il garanti. La consigne sur les bouteilles en verre devrait être aussi établie. Il était également prévu d’instaurer des taxes sur les produits plastiques non recyclables et l’obligation d’incorporer du plastique recyclé dans la fabrication de produits plastiques.
RELACHEMENT à CAUSE DE LA COVID-19, ET APRÈS !
La Covid-19 avait été à l’origine d’assouplissement des actions contre la présence du plastique sur le marché. «Dans ce contexte marqué par la pandémie du Covid-19, le ministère a jugé nécessaire d’assouplir l’application de certaines dispositions de la loi qui ont un fort impact économique et social», avait dit Abdou Karim Sall, en conférence de presse. Il s’agit notamment de l’interdiction de la production d’eau en sachets. «Il a été convenu que les unités régulièrement autorisées par le ministère en charge du Commerce seront recensées et accompagnées pour éviter que l’entrée en vigueur ne mette un terme à leurs activités. Ces unités pourront exceptionnellement continuer leurs productions jusqu’à la fin de cette pandémie du Covid-19», avait précisé le ministre. Depuis l’annonce de cette décision visant à permettre une résilience à la morosité économique causée par la Covid-19, aucune autre décision n’est annoncée. Il y a aussi le fait qu’il n’y pas beaucoup d’alternatives au plastique. A part les grandes surfaces, les produits de consommation continuent d’être emballés dans des sachets plastiques. Ce explique le foisonnement de ces déchets plastiques nés de l’usage unique de ces produits. Cependant, il est à signaler que des saisies sont faites de temps à autres. La Direction de l’Environnement et des Etablissements classés (DEEC), en collaboration avec la Brigade de l’Environnement a saisi, le 9 février 2021, un total de 9 tonnes de sachets dans une unité de fabrication. En décembre 2020 aussi, 15 tonnes ont été saisies à la rue Tolbiac. De même 25 tonnes de sachets ont été également pris au port autonome de Dakar.
LUTTE CONTRE LE PERIL PLASTIQUE AUX FORTUNES DIVERSES, EN AFRIQUE
Le Sénégal n’est pas seul dans cette «guerre» déclarée contre le péril plastique. De nombreux pays africains ont instauré des lois visant à réduire l’incidence du plastique sur l’environnement. Si certains ont réussi une rigueur dans l’application des lois sur ce produit (Rwanda, Mauritanie, la Gambie de Yahya Jammeh, etc.) d’autres sont, comme le Sénégal, toujours à la traine. Au Kenya, l’interdiction est entrée en vigueur en 2017 sur l’utilisation, la fabrication et l’importation de tous les sacs en plastique. Ensuite, de nombreux pays (Gabon, Somalie, Botswana, Tchad, Cameroun, RD Congo) ont suivi la tendance. Des pays d’Afrique de l’Ouest comme le Mali, la Mauritanie, le Togo, la Côte-d’Ivoire, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Niger et la Gambie sont également impliqués dans le processus. C’est également le cas du Nigeria qui avait annoncé une interdiction des sacs en plastique en 2013 et du Cap Vert qui en avait fait l’annonce depuis 2015.