LES AVEUX TROUBLANTS DE MOUHAMADOU NDIAYE
Lors de son face avec le tribunal, le prévenu est revenu sur son passage dans les rangs de Boko Haram au Nigeria, ses relations avec des jihadistes et la réunion préparatoire d’un voyage en Syrie tenue à Rosso
Co-inculpé de l’Imam Aliou Ndao (dit Alioune Badara Ndao), Mouhamadou Ndiaye est le premier accusé dans le cadre du procès pour apologie du terrorisme à se présenter à la barre de la Chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance (TGI) hors classe de Dakar. Lors de son face avec le tribunal, le prévenu est revenu sur son passage dans les rangs de Boko Haram au Nigeria, ses relations avec des jihadistes et la réunion préparatoire d’un voyage en Syrie tenue à Rosso. C’était hier, mardi 11 avril, deuxième jour du procès pour apologie de terrorisme qui a eu lieu au Palais de justice Lat-Dior de Dakar.
Mo u h a m a d o u Ndiaye, alias Abou Youssouf, a été le premier détenu à comparaitre devant la barre de la Chambre criminelle spéciale du TGI hors classe de Dakar, hier mardi. Lors de son audition, le prévenu a faits des aveux compromettants. Mouhamadou Ndiaye a dit au tribunal s’être rendu au Nigeria dans des villes spécifiquement contrôlées par Boko Haram pour apprendre sa religion afin de mieux la pratiquer. Il était accompagné de l’inculpé Oumar Yaffa et d’une autre personne au moment de son dé- part vers les bastions de l’Etat islamique. Pour Abou Youssouf, la pratique de l’Islam n’est pas possible au Sénégal à cause de nombreuses «souillures». Cette visite au Nigeria est une volonté manifestée, depuis longtemps, car le prévenu dit avoir muri l’idée d’aller en Syrie pour pratiquer sa religion, sur recommandation d’un certain Moustapha Diop qui serait présentement en Libye et avec qui il communiquait via l’application Télégramme. Ce Moustapha Diop était auparavant étudiant en Arabie Saoudite. Le prévenu a soutenu avoir vu le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, qui l’a rencontré lui et ses amis, pour les féliciter d’être venus parmi ses hommes. Avant d’aller au Nigeria, le prévenu était en Mauritanie. C’est à partir de ce pays, informe-t-il, qu’il a eu des soupçons sur des poursuites dont il ferait l’objet. Mouhamadou Ndiaye dit Abou Youssouf est revenu sur ses relations avec Makhtar Diokhané qu’il dit être son ami. Et c’est ce Makhtar Diokhané qui lui a payé le ticket du retour, du Nigeria vers le Sé- négal. Mouhamadou Ndiaye a révélé qu’ils sont passés à Kaolack, chez Imam Aliou Ndao, une fois en terre sénégalaise. Lors de l’interrogatoire, le suspect a soutenu avoir été en contact avec Abdourahmane Mendy, un Sénégalais partie après dans les bastions de l’Etat islamique.
TEMOIN DE LA MORT, DANS UN BOMBARDEMENT AU NIGERIA, DU JIHADISTE SENEGALAIS CHEIKH IBRAHIMA DIENG
Récusant la formation militaire dans les rangs de Boko Haram, Mouhamadou Ndiaye a toutefois reconnu qu’on lui a juste montré le maniement des armes, chose qu’il ne pouvait pas refuser car il cherchait un moyen de sortir des griffes de Boko Haram. Cependant, il a signalé au procureur que les chars de combat sont appelés dans les rangs de Boko Haram «Ayna Kountoum», c'est-à-dire «où étiez-vous». Il a avoué, par ailleurs, avoir assisté à la mort par bombardement au Nigeria d’un jihadiste sénégalais du nom de Cheikh Ibrahima Dieng. Le tribunal est aussi revenu sur les réunions tenues à Rosso, Richard-Toll et au Lac Rose. Mouhamadou Ndiaye a soutenu n’avoir participé qu’à une seule rencontre, celle de Richard-Toll où il était question de parler des modalités du voyage pour la Syrie. A l’issue de cette rencontre, la somme de 120.000 F Cfa lui a été remise. Et Moustapha Diop, actuellement en Libye, leur a promis de trouver l’argent pour financer le voyage. Pour son voyage au Nigeria, le mis en cause a indiqué que c’était organisé à partir de Dakar par Ibrahima Diop, qui lui a remis un numéro de contacts. Et ce sont ces gens qui sont venus les récupérer, ses amis et lui. Selon lui, pour sortir de (bastion) Boko Haram, il faut une autorisation Abubakar Shekau. Suffisant pour que le procureur suspecte une entente pour créer un Etat islamique au Sénégal. Pour le prévenu, son retour est motivé par la situation qui sévissait dans leur lieu de résidence, avec des bombardements très fréquents. Mouhamadou Ndiaye a été arrêté, avec Moustapha Mbaye, Décolle Ndiaye, Oumar Keita, Mamadou Seck et d’autres personnes.
JUGEMENT DU MINEUR MOUHAMED SECK Le tribunal s’est déclaré incompétent
La Chambre criminelle spéciale du TGI hors classe de Dakar, s’est déclarée incompétente pour juger Mamadou Seck, un jeune homme de 18 ans. Ce co-prévenus de l’Imam Aliou Ndao et les 28 autres suspects était âgé de seulement 16 ans, donc mineur, au moment de se son arrestation. Il est né le 21 janvier 1999 et a été mis sous mandat de dépôt 26 fé- vrier 2016. Le juge Samba Kane, président de ce tribunal chargé de juger les personnes détenues pour associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, blanchiment de capitaux dans le cadre d’activités terroristes en bande organisée, d’actes terroristes par menace ou complot visant l’instauration d’une base au Sud du pays et apologie du terrorisme, l’a référé à un tribunal pour mineurs. S’agissant des autres exceptions soulevées par la défense sur l’arrestation des prévenus avant l’adoption de la loi sur le terrorisme qui date de 2016 et la modification de l’ordonnance de renvoi, le président du tribunal a décidé de les joindre dans le dossier.
PROCES POUR APOLOGIE DU TERRORISME Ibrahima Diallo, Imam Ndao… et les 44 billets de 500 euros
Comme Mouhamadou Ndiaye, alias Abou Youssouf, l’accusé Ibrahima Diallo a lui aussi sé- journé au Nigéria, dans les rangs de Boko Haram. Toutefois, devant le tribunal, hier mardi, il a récusé avoir participé à des combats. Le président Samba Kane, lui a rappelé ses déclarations préliminaires selon lesquelles il a été initié à l’usage des armes. Ce que le prévenu a totalement nié. Ibrahima Diallo pour sa part a soutenu avoir participé à la réunion tenue au Lac Rose. Cependant, il infirme toute idée d’une réunion pour établir une entreprise de riposte à l’attaque de la mosquée de l’Imam Ndour à Diourbel. A l’en croire, cette rencontre visait à revenir sur les modalités de fonctionnement d’un daara qu’il tenait au Lac Rose. Selon le dossier de l’enquête, Ibrahima Diallo a fréquenté le daara de l’Imam Aliou Ndao, un argument que le suspect a totalement réfuté. Dans sa dé- claration, Ibrahima Diallo a avoué avoir connu Makhtar Diokhané qui a intercédé en sa faveur auprès d’Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, quand il était au Nigeria. Mieux, a déclaré l’accusé, l’épouse de Makhtar Diokhané, Coumba Niang lui a remis 44 billets de 500 euros, un montant estimé à plus de 13 millions de F Cfa. Et dans cet argent remis à Makhtar Diokhané par Abubakar Shekau, il prendra 12 billets de 500 euros pour les remettre à un autre revenant de Boko Haram. Ibrahima Diallo soutient avoir confié le reste de l’argent à Imam Ndao. Pour les motifs de ce geste, il a expliqué que le fait de lui remettre l’argent est une marque de confiance seulement car ce dernier était en partance pour la Gambie. L’accusé soutient aussi avoir prêté de l’argent à Imam Ndao un montant estimé à million de frs. Il lui a rendu visite en trois reprises dont en une occasion pour retirer un coli de Makhtar Diokhané. L’argent n’était pas destiné à la création d’une base en Casamance et en Guinée-Bissau, s’est défendu le prévenu.