LES AVOCATS POSENT LEURS CONDITIONS
Procès Khalifa Sall - Les conseils du maire de la ville de Dakar et de ses co-inculpés exigent la nullité de la procédure

La procédure lancée contre le maire de Dakar et ses co-prévenus doit être déclarée nulle. C’est ce que pensent leurs avocats qui, lors de leurs prises de parole hier, ont dénoncé la violation de leurs droits lors de l’instruction. Les robes noires ont aussi demandé au tribunal de se déclarer incompétent pour juger cette affaire parce que la loi ne le lui permet pas.
Durant toute la journée d’hier, les avocats de l’édile de Dakar et ses co-prévenus ont dénoncé la violation de leurs droits dans toutes les étapes de la procédure ayant conduit à ce procès.
S’exprimant à ce propos, Me Youssouf Camara a renseigné que pour que ce procès soit équitable, il faut tirer les leçons de violation. « Deux personnes sont déférées devant vous. Et elles sont détenues abusivement alors qu’elles pouvaient comparaitre libres. On ne peut pas venir ici nous dire que le procès est déjà lancé. Ibrahima Yatma Diaw et Yaya Bodian doivent bénéficier d’une libération d’office ».
Son confrère de la défense, Me Seydou Diagne, a abondé dans le même sens, disant que la défense de Khalifa Sall demande que toute la procédure d’information soit déclarée nulle et de nul effet. « Khalifa Sall n’a pas été assisté par un avocat lors de l’enquête préliminaire. C’est suffisant pour dire que la procédure est nulle. Même le réquisitoire du parquet ainsi que l’ordonnance de renvoi sont nuls », a déclaré la robe pour qui il y a un déséquilibre et qu’il n’y a pas de légalité des armes. Car, le juge d’instruction a accédé à toutes les requêtes du parquet en rejetant les demandes formulées par la défense.
Venu du Mali pour prêter main forte au pool d’avocats du maire de Dakar, Me Mamadou Ismaïla Konaté s’est désolé du fait que l’Etat du Sénégal casse la dynamique de toutes les personnes qu’il considère comme une menace. « Ce procès met un face à face entre la mairie de Dakar et l’Etat du Sénégal. La justice est de nos jours utilisée comme un instrument pour casser. Nous avons assisté dans cette salle à des procès purement politique. Donc, je compte sur vous Monsieur le Président pour rétablir la justice. Le pouvoir en place ne fait que casser la dynamique de ses adversaires », s’est-il désolé.
La violation des droits de la défense lors de l’instruction
Prochain sur la liste des intervenants, Me Bathily a commencé par dire que cette étape de la procédure qu’est l’instruction est entachée de nullité. Au-delà de cette nullité, dit-il, la saisine de la juridiction n’est pas régulière. « Cette procédure commence par un rapport de l’Ige sur la Ville de Dakar. Elle n’est pas conforme à la loi parce que le principe de la libre administration fait que le Président de la République ne peut pas diligenter une enquête sur la mairie.
Le second maillon de la chaine, c’est le réquisitoire introductif du parquet qui est nul sur la forme et sur le fond. Le Procureur s’est basé sur deux documents qui sont nuls, le rapport de l’Ige et le procès-verbal d’enquête de la police », a déclaré la robe noire. Outre le rapport de l’Ige et le procès-verbal d’enquête, Me Bathily estime que cette procédure pose également des problèmes au stade de l’inculpation. Selon lui, le juge ne pouvait pas clôturer l’instruction parce qu’il y avait un appel qui était pendant devant une autre juridiction. L’appel est suspensif et c’est un maillon essentiel de la chaine d’instruction. « Il ne faut pas qu’on entrave ce droit d’appel. Mieux, c’est un acte d’appel qui date du 7 décembre dernier. Est-ce qu’on peut accepter une procédure où on viole les droits des personnes poursuivies ? », s’est-t-il interrogé. Avant de demander qu’on retourne le dossier au juge d’instruction pour régulariser la procédure. L’avocat estime qu’il y a une violation plus grave, la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall. « L’information n’est pas terminée malgré cela, le procureur a saisi le Garde des Sceaux pour la levée de l’immunité parlementaire. Cet acte est complètement illégal et en plus, il le dépose dans le dossier. C’était au juge d’instruction de demander la levée de l’immunité parlementaire, mais pas le Procureur. En effet, Khalifa bénéficie toujours de son immunité parlementaire et ne peut pas comparaitre devant votre juridiction », a-t-il dit.
L’Exécutif s’immisce dans le travail des collectivités locales
Au cours de son intervention, Me Issa Diop, un autre avocat de la défense, a soutenu que Khalifa Sall est dans cette situation parce que tout simplement il est un adversaire politique. « Voilà quelqu’un qui fait de la politique, qui veut être Président et qui est arrêté. On a tout accéléré pour le juger. Mais, le droit a horreur de l’accélération », a dit Me Diop. Il a été conforté dans ses idées par Moustapha Ndoye selon qui, le problème dans ce dossier c’est le rapport de l’Ige. « L’Ige n’a jamais parlé du délit de détournement. L’Ige a demandé une ouverture d’information sur la création d’une caisse d’avance. Mais, l’Exécutif s’immisce dans le travail des collectivités locales. C’est inexacte de crier partout disant que le maire a détourné des deniers publics. Il s’agit de l’exécution d’un budget d’une collectivité locale », a-t-il dit. Avant de poursuivre : « c’est dans le cadre de l’exécution du budget que l’Etat s’immisce pour parler de détournement de deniers publics.
C’est un règlement de comptes. Ici, les poursuites viennent de Benno Bokk Yaakar (BBY). L’institution qui incarne BBY a saisi l’Ige pour poursuivre un maire. L’Assemblée nationale, composée majoritairement par BBY, a été saisie pour la levée de l’immunité parlementaire, mais c’est toujours BBY.
L’Etat empiète sur le pouvoir des collectivités locales. C’est pourquoi le problème sur l’indépendance de la justice se pose ».
Il faut dire que les avocats de la défense qui ont pris la parole, hier, ont tous dénoncé la violation des droits de leurs clients. L’audience reprend ce matin avec la suite des interventions de la défense sur l’exception de nullité de la procédure.