LES PETITS MENDIANTS PULLULENT TOUJOURS DANS LA BANLIEUE DE DAKAR
MALGRE LA CAMPAGNE DE RETRAIT DES ENFANTS TALIBES DE LA RUES
La banlieue est envahie par de nombreux mendiants dans la rue. Les talibés en particulier traînent dans tous les coins et recoins de ces quartiers populeux où promiscuité et insécurité rythment le quotidien des habitants.
Dans une logique de lutter contre la mendicité des enfants, le gouvernement du Sénégal a entamé une opération de retrait des enfants mendiants des rues de Dakar. La mesure de retrait des enfants des rues entrée en vigueur depuis le 30 juin dernier sur instruction du chef de l’Etat. Et depuis le début, 377 enfants ont été récupérés et 55 étaient issus des pays limitrophes du Sénégal, selon Niokhobaye Diouf, le directeur des Droits de protection de l’enfance et des groupes vulnérables.
Ils arpentent les coins et recoins de la banlieue pour avoir la «cotisation quotidienne»
Cette opération qui a suscité des débats, depuis son début, ne semble pas concerner la banlieue de Dakar. Dans cette partie de la ville, les talibés sont plus que jamais présents dans les rues. Les marchés et autres lieux à forte concentration humaine comme les gares routières et les terminus de bus sont envahis par des hordes d’enfants mendiants, des talibés essentiellement.
Ces enfants, la plupart du temps, très jeunes, pointent le bout de leur nez dans les rues et ruelles de ces quartiers périphériques de la capitale dès les premières lueurs de la matinée. En quête de pitance, ils arpentent les coins et recoins de la banlieue dans une promiscuité indescriptible, pour avoir la «cotisation quotidienne» à remettre au marabout.
Lundi dernier, à l’heure où la chaleur des rayons de soleil commençait à se faire sentir, les talibés avaient fini de remplir le croisement Hamo VI. Cet endroit qui constitue le terminus des bus Tata et des taxis clando, est devenu pour ces enfants-talibés leur point de convergence matinal. Ici, dès qu’ils arrivent, ils font tout pour faire plein de petite monnaie le plus vite possible, afin de rentrer l’esprit tranquille.
Des gamins dont le seul rêve est de rentrer chez leurs parents
A côté de la station d’essence du quartier se tient un groupe de talibés qui se partage des pièces de monnaie. Quand on s’approche d’eux, ils nous prennent pour des bienfaiteurs venus leur offrir une pièce, un morceau de pain du sucre ou encore des bougies.
Pieds nus, le visage innocent, A. D., un talibé âgé d’à peine 10 ans, est bien au courant de l’opération de retrait des mendiants des rues de Dakar. «Je suis au courant, c’est notre marabout qui nous a informés. Mais il nous réveille chaque jour à l’aube pour aller mendier. Je viens de la Casamance, mes parents sont là-bas et je voudrais bien renter auprès d’eux. Parce que mon marabout me frappe souvent et la vie qu’on mène ici est très dure», confie le jeune talibé.
Au niveau du garage des clandos, nous trouvons un autre groupe d’enfants. Parmi eux, se trouve Seydou, un talibé d’un âge plus mûr. Comme son camarade, il a aussi été mis au parfum de d’opération de retrait par son marabout. Originaire également du sud du Sénégal, le talibé explique : «C’est notre marabout qui nous a informés et il nous demande de faire attention aux personnes à qui on parle. Moi, je vous assure que je ne veux pas mendier, je veux juste rentrer chez moi, auprès de mes parents et vivre avec eux».
A Guédiawaye, les talibés mendient comme si de rien n’était
Au coin de Guédiawaye dit «Marché Jeudi», sur la corniche, c’est le terminus des Tata ligne 38 qui est le fief des mendiants. Là, les talibés se retrouvent et font le tour des bus pour mendier. Et des bagarres ne manquent pas entre eux. Les plus grands bastonnent souvent les plus jeunes pour un rien. M. B. ne connaît pas son âge, mais donne l’air d’un enfant de moins de 10 ans.
«Je donne à mon marabout 500 francs Cfa par jour. Notre ‘daraa’ se trouve à ‘Marché Bou bess’. C’est bien loin d’ici, mais quand même, chaque matin je me lève à l’aube et je marche jusqu’ici pour avoir la somme à donner à mon marabout. Car, si je n’apporte pas le montant qu’il m’a fixé, c’est une bonne correction qui m’attend. J’ai entendu mes amis talibés dire que les talibés sont retirés de la rue. Mais je crois qu’on n’est pas concerné. On n'a vu personne ici et on continue à mendier dans les rues pour avoir de l’argent pour notre marabout et aussi de quoi manger», renseigne le petit bout d’homme.
Son camarade qui s’intéresse à la discussion lance : «Moi, je connais des talibés qui sont rentrés chez eux. Ils ont quitté la rue, parce qu’ils allaient à Dakar et ils ont été pris et ramenés chez eux. C’est notre marabout qui nous a dit ça. Et après, il nous a demandé ne pas parler à tout le monde, de faire très attention aux personnes qui nous interpellent dans la rue».