LES TRANSPORTEURS SONNENT L’ALERTE SUR LES CONSEQUENCES DU COUVRE-FEU
Transporteurs et voyageurs en appellent au président Sall pour sursoir le couvre-feu. Les plaies ouvertes par celui de l'année dernière dans le secteur n'ayant pas encore été pansées
Retour à la case de départ ! Plus question de rouler la nuit sur l’axe Dakar - Thiès entre 21 heures et 05 du matin. Les conséquences de l’état d’urgence suivi d’un couvre-feu dans ces deux villes. Ces deux régions totalisent les 90 % du taux de contamination de la Covid- 19. Présageant des mesures de restriction (Ndlr : le reportage a été effectué mercredi 06 janvier), transporteurs et voyageurs en appellent au Président Sall pour sursoir le couvre-feu. Celui de l’année dernière n’ayant pas encore pansé les blessures occasionnées dans le secteur.
A Diamaguène, la vie y est chahutée. Sur la grande route nationale, il faut être zen face au brouhaha qui prévaut dans cette zone de la banlieue. Un véritable capharnaüm avec l’occupation irrégulière de l’espace. Le flux de voitures est impressionnant. Dans un minibus de de la ligne 82 très surchargée et desservant l’axe Diamaguène-Colobane, peu sont ceux qui portent un masque. Si par exploit, ils en portent, l’étoffe est sous le menton. Juste un accessoire. Le sujet de la discussion dans ces moyens de transport où l’on refait le monde, tourne autour du couvre-feu. Les voyageurs manifestent leurs inquiétudes de ne pouvoir disposer de véhicule au retour de leurs courses en ville. Pour un couvre-feu décrété à 21h, ces bus arrêtent de circuler deux heures avant le moment fatidique. A 19h, ils sont obligés de se garer. Développant un embonpoint, sa position debout dans ce minibus surchargé ne met pas à l’aise cette dame. C’est avec colère qu’elle peste sur les autorités tandis que le chauffeur immobilisait le bus à l’arrêt « Poste Thiaroye » pour prendre d’autres passagers alors que les voyageurs étouffaient. Passant du coq à l’âne, elle s’en prend maintenant au chauffeur. Scène habituelle dans ces véhicules. La vie des gens en miniature. Le receveur s’invite dans la discussion et demande aux passagers de faire de la place aux nouveaux clients. Cris de désapprobation des voyageurs intimant l’ordre au chauffeur de circuler puisque le minibus ne pouvait plus supporter d’autres clients. Corona ou pas, ces exploitants de minibus sont plus préoccupés par leurs chiffres qu’à des considérations sanitaires. Ce, malgré l’ampleur et la folle allure virale.
La vie suit son cours à la Gare de Colobane !
Colobane. Au cœur de la capitale. Entre gargotes, eaux usées et odeurs d’urine, l’air est pestilentiel. Rien n’indique que Dakar vit une crise sanitaire. La vie de tous les jours. Tous les jours. Comme avant. Les mêmes habitudes, les mêmes gestes. Aucune des règles édictées par les autorités n’est respectée. Vie insouciante des habitués d’un coin commercial de la capitale. A l’entrée de la deuxième porte de cette gare, sont installées des tentes où cohabitent gargotiers, contrôleurs de bus et « coxeurs ». Les derniers réglementent la ligne de « Ndiaga Ndiaye » à destination de Rufisque et Keur Massar. Ces acteurs du transport disent être surpris par l’instauration du couvre-feu de 21h à 05h. Ce qui risque encore d’impacter négativement sur leurs activités. « Je l’ai su hier soir (mardi). Au début, je n’y croyais pas, pensant à une rumeur. Dans tous les cas, ce couvre-feu va laisser des traces négatives dans notre secteur. Même si on est le président de la République, on ne doit pas se lever comme ça pour confiner les gens. Nous sommes conscients que cette maladie fait des ravages. Mais il faut plutôt mettre l’accent sur le respect des règles avec la plus grande rigueur, plutôt que de priver les gens de leur gagne-pain. Le couvre-feu ne servirait à rien si les règles sont bafouées dans la journée. Les transporteurs sont fatigués et n’hésiteront pas à se faire entendre. Macky doit savoir que nous sommes des pères de famille. C’est à travers ce métier qu’on nourrit nos enfants » s’émeut Madou Niasse qui demande au président de sursoir au couvre-feu. En partance pour Diamaguène, le car Ndiaga Ndiaye de Birahim Guèye est déjà plein. L’apprenti du chauffeur se dirige vers les contrôleurs pour acheter sa quittance lui autorisant son départ. Comme ses ainés, il est contre les mesures prises par les autorités. « Avec ce couvre-feu pour lequel je doute de son efficacité, nous serions contraints de réduire nos heures de travail. Ça sera très difficile pour nous », dit la voix plaintive du chauffeur.
« L’heure de la descente des élèves totalement ignorée
Rassuré de rentrer avant l’entrée en vigueur du couvre-feu, l’étudiant d’un Institut de la place pense que le couvre-feu est tout sauf une mesure sanitaire allant dans le sens d’endiguer le virus. A l’en croire, le président de la République devait d’abord penser au sort des élèves et étudiants qui habitent loin avant de prendre une telle mesure. Car, soutient-il, leurs heures de cours n’ont pas encore été réaménagées en fonction du couvre-feu. « Ceux qui descendent à 19h ou 20h, ils ont une heure pour arriver chez eux. Et s’ils rencontrent des difficultés pour avoir un moyen de transport qu’est-ce qu’on dira ? Ce, d’autant plus, dès 18h, il est difficile de trouver un véhicule pour rentrer. Je pense que le président a pris cette mesure sans réfléchir sur la question », s’offusque l’étudiant en deuxième année en gestion.
A la gare des Baux Maraichers !
Dans cet espace qui accueille les véhicules en partance pour l’intérieur du pays, la vie suit son train –train habituel avec une grande animation. Chez ces acteurs du transport, l’entrée en vigueur du couvre-feu chamboule leur agenda. Beaucoup de véhicules dits « horaires » qui prenaient leur départ le soir sont obligés de se réaménager de nouveaux horaires. « Des clients avaient déjà réservé des billets parce qu’ils pensaient qu’on allait prendre le départ le soir. On a reprogrammé pour demain matin inch’Allah ( Ndlr : hier). Même si ce couvre-feu ne nous arrange pas, nous n’avons pas le choix. Nous sommes tenus de s’y conformer. Je suis conscient que d’ici la fin de la soirée, d’autres mesures vont tomber pour notre secteur » confie Amadou Sarr chauffeur désertant l’axe Dakar-Fouta Une forte effervescence est perceptible aux Beau Maraichers. La rigueur qui y prévalait sur le port obligatoire du masque et le respect des gestes barrières semble être rangée aux vestiaires. Conséquence, un fort brassage, des bousculades. La seule préoccupation pour les usagers, c’est d’être loin de Thiès avant l’heure du couvre-feu. Le parcours du combattant…