ÉTAT-SYTJUST, LES RAISONS D’UNE RECULADE
Le gouvernement devrait boire le calice jusqu’à la lie. Au nom de la continuité de l’Etat et de la préservation des droits acquis, l’actuel ministre de la Justice devrait entériner le processus enclenché par son prédécesseur.
C’est toujours le bras de fer entre le ministère de la Justice et le Sytjust. Les travailleurs de la justice exigent l’application des accords signés avec le gouvernement qui aujourd’hui semble vouloir se dérober. Entre autres raisons justificatives de cette reculade, la hausse vertigineuse du coût des actes judiciaires.
Le gouvernement devrait boire le calice jusqu’à la lie. Au nom de la continuité de l’Etat et de la préservation des droits acquis, l’actuel ministre de la Justice devrait entériner le processus enclenché par son prédécesseur. Tout au moins, c’est la conviction du Syndicat des Travailleurs de la Justice (Sytjust) qui rappelle que de longues négociations ont abouti à la signature des décrets présidentiels n°2018-2259 du 14 décembre 2018 et n° 2018-2261 du 14 décembre 2018.
Ces deux textes consacrent respectivement l’entrée en vigueur formelle des nouveaux droits de délivrances des actes judiciaires et l’uniformisation de leur application sur l’ensemble des greffes des juridictions du Sénégal. Il demeure évident que Me Aya Boun Malick Diop et ses camarades ne baisseront pas les bras sitôt. Mieux, ils ont intensifié le combat en décrétant mercredi dernier 48 heures de grève renouvelables couvrant les jeudi 23 et vendredi 24 juillet 2020.
Et la situation risque de se compliquer puisqu’en face les travailleurs de la Justice ont un garde des Sceaux qui n’a nullement envie d’appliquer les accords signés par son prédécesseur et déjà actés par des décrets dûment signés par le président de la République, selon le Sytjust. Ce qui gêne Me Malick Sall, c’est la hausse du coût des actes judiciaires qui est pratiquement le goulot d’étranglement pour trouver une issue heureuse à ce problème ; et par ricochet bloque la publication des décrets précités dans le Journal officiel.
Toutefois, même s’il y a un souci de préserver les entreprises et les contribuables de l’augmentation du coût de certains actes judiciaires, cela n’excuse pas le gouvernement qui veut se parer de ce prétexte pour balayer d’un revers de la main les acquis du Sytjust entérinés par décret. Cela est aussi le fruit de longues négociations entre le ministère de la Justice sous Ismaëla Madior Fall et Me Sidiki Kaba et les travailleurs de la justice.
VERS LA HAUSSE DU COUT DES ACTES JUDICIAIRES
Le gouvernement veut ainsi se rétracter parce que justement, il ne veut plus élargir l’assiette du fonds commun en augmentant les coûts des actes judiciaires. Il se retrouve ainsi entre le marteau des populations et l’enclume des travailleurs de la justice.
D’après nos sources, ce qui fait réfléchir à deux reprises le gouvernement, c’est la multiplication par cinq, dix voire vingt de certains coûts liés à l’enregistrement et à la délivrance des actes de justice. Pour le gouvernement, «l’augmentation généralisée du coût des actes judiciaires irait dès lors à rebours de la politique d’accessibilité de la justice.»
Aussi, d’après nos informations, le ministère de la Justice soutient que cette augmentation généralisée va impacter négativement sur l’environnement des affaires. En augmentant de manière significative les droits d’enregistrement et de délivrance des actes liés au registre du commerce, le ministère de la Justice pense que cela va prendre le contrepied de la politique d’attraction des investisseurs.
Pour preuve, le gouvernement relève l’évolution des coûts des actes liés à l’environnement des affaires. Il s’agit entre autres de la Certification d’inscription au RCCM qui passe de 1500 à 10 000 ; du procès-verbal de dépôt d’acte au RCCM qui passe de 1200 à 25 000 francs CFA ; du Certificat de nationalité de l’entreprise qui passe de 1200 francs à 10 000 francs ; de l’Attestation de faillite d’une société commerciale qui passe de 2400 à 8000 francs CFA, etc.
Pour ce qui est des actes liés aux droits de la famille, il a été cité entre autres, le jugement de divorce qui passe de 600 à 8000 francs CFA, le jugement d’hérédité qui passe de 2400 à 8000 francs CFA, le Procès-verbal de renonciation de succession qui passe de 5000 à 10000 francs CFA, le procès-verbal d’ouverture de testament qui passe de 4 000 à 20 000 francs CFA, etc.
Tout compte fait, le gouvernement reconnait que le principe d’une revue à la hausse des coûts de délivrance des actes judiciaires est légitime. Juste qu’il n’en demeure pas moins nécessaire de la maintenir dans des proportions compatibles avec les objectifs du gouvernement en matière d’accessibilité de la justice, a-t-il relativisé.