MACKY DEMANDE UN AUDIT DU PATRIMOINE DE L’ETAT A L’ETRANGER
En soulevant ce dossier fort sensible, nul doute que le président de la République risque de découvrir bien des cafards dodus ! Il n’empêche, il était temps...
L’audit du patrimoine de l’Etat dans les pays étrangers est l’une des mesures phares prises par le président Macky Sall. C’était hier, mercredi, lors du Conseil des ministres. Selon le communiqué ayant sanctionné cette réunion hebdomadaire, le Chef de l’Etat a ordonné au ministre des Affaires étrangères, en relation avec celui des Finances et du Budget, d’engager le recensement exhaustif et l’audit intégral du patrimoine de l’Etat. Qu’est ce qui motive une telle décision ?
Difficile de répondre à cette question. Ce qu’on peut dire avec certitude, c’est que ces instructions présidentielles sont données dans un contexte politico-diplomatique particulier. En effet, le weekend dernier seulement, le media Réseau News faisait état d’un scandale au consulat général du Sénégal à Milan. Il informait, ce média, que la diplomate Rokhaya Ba, patronne de ce consulat, est engluée dans un « deal » de près de 850 millions de francs pour l’achat de l’immeuble abritant les locaux de la représentation diplomatique du Sénégal dans cette ville italienne. Désavouée par sa hiérarchie qui refuse de débloquer les fonds pour vice de procédure, Rokhaya Ba est sous le feu des projecteurs. La société immobilière italienne serait dans une perspective de trainer l’Etat du Sénégal en justice pour refus de paiement après un contrat dument signé par la représentante diplomatique.
Avec cette décision d’auditer le patrimoine du Sénégal à l’étranger, le Chef de l’Etat Macky Sall semble prendre les devants afin de faire la lumière sur notre patrimoine immobilier à l’étranger. L’Etat dispose en effet d’un fabuleux patrimoine immobilier à l’étranger. Il suffit de mentionner l’hôtel particulier abritant notre ambassade à Paris et qui avait été acheté du temps où M. André Guillabert était notre représentant dans la capitale française. A l’époque, tout le monde était unanime sur le fait que le Sénégal avait fait une excellente affaire. Un patrimoine qui s’est énormément valorisé depuis lors quand on sait à quel point les prix de l’immobilier flambent sur les rives de la Seine, c’est-à-dire à Paris. De même, le Sénégal est propriétaire de la résidence de son ambassadeur et de quelques autres locaux consulaires. Autres rives, celles du Potomac cette fois-ci.
Sous le magistère de Me Abdoulaye Wade, notre pays a construit une superbe ambassade, inaugurée d’ailleurs par le président Macky Sall, à Washington Dc, la capitale fédérale américaine. Des locaux consulaires situés à deux pas de la Maison-Blanche, c’est-à-dire dans la partie la plus huppée de Washington. Toujours aux Etats-Unis, on se rappelle encore le feuilleton de la construction d’un immeuble nommé « Maison du Sénégal » à New york, la capitale économique Us. Une affaire d’achat de terrain et de construction d’un immeuble dans laquelle les noms de l’ancien ministre Samuel Sarr et de l’architecte Pierre Goudiaby Atépa avaient été cités.
Toujours sous le président Wade, la tentative d’achat d’une résidence suisse officiellement pour le compte de notre pays avait défrayé la chronique. Sous le règne des socialistes, la vente de notre ambassade au Portugal, qui était de l’avis de tous un chef d’œuvre architectural en même temps qu’un patrimoine inestimable, avait fait jaser. Par-delà les scandales réels ou supposés, le Sénégal, comme tout pays qui en a les moyens, préfère acheter des biens immobiliers pour y abriter ses représentations diplomatiques et consulaires plutôt que de louer. Dans certaines capitales, notre pays dispose de véritables bijoux immobiliers à la valeur inestimable tandis que dans d’autres, comme en Angleterre, il squatte des taudis. On exagère à peine tellement les locaux occupés par nos diplomates à Londres étaient minables. En Côte d’Ivoire, qui est pourtant notre partenaire de premier plan, notre ambassade a été hébergée pendant une très longue période par la famille Choucair qui a mis un appartement dans un de ses immeubles à la disposition du Sénégal.
Du temps de nos relations avec Taïwan, c’est le gouvernement de pays qui avait mis des bureaux et une résidence à la disposition de notre pays. En fait, les ambassades africaines étaient regroupées dans un grand immeuble obligeamment mis à leur disposition par Taïwan. Au Nigéria, l’ambassade du Sénégal ne payait pas de mine dans les années 90. Par la suite, elle aurait été vendue et le Sénégal a acquis un bel immeuble à Abuja, la nouvelle capitale fédérale nigériane. Plus près de nous, en Mauritanie, au lendemain du conflit qui nous a opposés à ce pays frère, l’ambassadeur Doudou Diop, nommé après la réconciliation, a fait des mains et des pieds pour construire un véritable palais pour abriter la représentation du Sénégal. Il fallait en mettre plein la vue aux Beydanes !
En Mauritanie, d’ailleurs, l’Etat vient de mettre à la disposition des pays disposent d’ambassades une immense superficie foncière où elles avaient l’obligation de construire. Le Sénégal était d’ailleurs en train d’y construire sa nouvelle ambassade. Mais, d’une manière générale, que ce soit en Afrique de l’Ouest, du centre ou au Maghreb, que ce soit dans les pays du Golfe ou en Europe, en Asie voire en Amérique, du Nord comme du Sud, le Sénégal dispose d’un fabuleux patrimoine immobilier acquis souvent dans des conditions nébuleuses. Un patrimoine qui s’est beaucoup valorisé et qui vaut donc une fortune. En soulevant ce dossier fort sensible, nul doute que le président de la République risque de découvrir bien des cafards dodus ! Il n’empêche, il était temps d’auditer enfin ce gigantesque patrimoine…