MANŒUVRE POUR TRADUIRE DES MINISTRES DEVANT LA HAUTE COUR DE JUSTICE
«L’As» a reçu un projet de proposition initié par des députés de l’opposition pour que les ministres cités dans l’Affaire des Fonds Force Covid-19, soient poursuivis devant la haute Cour de Justice
Alors que la Cour des comptes a déjà saisi le garde des Sceaux en vue du déclenchement des poursuites judiciaires contre les personnes mises en cause dans ce qu’il est convenu d’appeler la covidgate, «L’As» a reçu un projet de proposition initié par des députés de l’opposition pour que les ministres (Mansour faye, Abdoulaye Diouf Sarr, Abdoulaye Daouda Diallo, Moustapha Diop, Abdoulaye Diop, Aissatou Sophie Gladima, Zahara iyane Thiam, Ndèye Saly Diop Dieng, Aminata Assome Diatta, Néné fatoumata Tall) cités soient poursuivis devant la haute Cour de Justice. Même si cela a peu de chance d’aboutir d’autant qu’il faut les 3/5 des députés, des manœuvres sont en cours pour faire rallier les députés du Parti Démocratique Sénégalais (Pds).
De belles empoignades en perspective de la mise en accusation des différents ministres éclaboussés dans le rapport de la Cour des comptes portant sur la gestion des fonds force Covid. En effet, des parlementaires dont Guy Marius Sagna et Mimi Touré seraient à l’initiative d’une proposition de résolution pour faire déférer devant la Haute Cour de Justice les ministres mis en cause. Pourtant, il est établi que le président de la Cour des comptes a saisi le garde des Sceaux en vue d’une suite judiciaire devantla chambre disciplinaire de la Cour des comptes qui devrait connaître des dossiers concernant les comptables et les Dage en cause dans la gestion. Mais visiblement, l’opposition n’en est pas satisfaite et actionne la Haute Cour de Justice pour y déférer les ministres épinglés. Dans le document dont «L’As» détient copie, les initiateurs déclarent dans l’exposé de motifs que «plusieurs ministres sont cités directement ou indirectement dans ce rapport, mais curieusement, seuls les Directeurs chargés de l'Administration générale et de l'Equipement de certains ministères ont fait l'objet d'une demande d'information judiciaire dans les recommandations adressées au ministre de la Justice.Dès lors que le rapport de la Cour des comptes relève des manquements graves quant à l'utilisation du fonds et considérant que les ministres sont les principaux ordonnateurs de crédits, objet des manquements graves relevés par la Cour des comptes, il est de la responsabilité de l'Assemblée nationale, en vertu de ses pouvoirs constitutionnels, d'éclairer l’opinion sur la responsabilité des ministres impliqués dans l'exécution du fonds. La présente résolution de mise en accusation vise à lever tout obstacle tendant à absoudre les ministres ou à les soustraire de la chaîne de responsabilité». D’après les initiateurs de la résolution, «le Premier ministre etles autres membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou de délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice. Surtout que cette disposition confère à l’Assemblée nationale le pouvoir de mettre en accusation les ministres pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions etfait d’elle l’organe privilégié du contrôle de la régularité des actes des ministres dans l’exercice de leurs fonctions, et que cette disposition trouve son application dans les termes de l’article 120 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, qui précise : «La Haute Cour de Justice est composée de membres élus par l'Assemblée nationale». Le document souligne en outre que le rapport de la Cour des comptes a relevé plusieurs infractions graves prévues et punies par le Code pénal et recommandé l’ouverture de plusieurs informations judiciaires et que ces recommandations visent directement et indirectement plusieurs ministres
SUR LES INFRACTIONS REPROCHEES AUX MINISTRES
Il est reproché à Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé et l’Action sociale au moment des faits, la non-production des pièces justificatives de plusieurs dépenses, la non-assistance à personnes en danger, abus de confiance, complicité de détournement de deniers publics, dépenses sans lien avec la Covid-19, association de malfaiteurs, complicité dans la prévarication des ressources publiques, complicité de malversations financières, faux et usage de faux sur des documents administratifs, complicité d’escroquerie sur les derniers publics, favoritisme au profit d’entreprises n’ayant aucune expérience dans le domaine sollicité, le tout préjudiciable à l’Etat.
Quant à Abdoulaye Daouda Diallo, ministre des Finances et du Budget au moment des faits, il mérite d'être traduit devant la Haute Cour de Justice pour négligence, défaut d'encadrement des procédures appliquées en cas de situation exceptionnelle de manière à encourager les détournements des deniers publics, mais aussi complicité de non-production des pièces justificatives de plusieurs dépenses, paiement de plusieurs dépenses fictives, paiement de dépenses sans lien avec la Covid-19, pour non-assistance à personnes en danger, abus de confiance, complicité dans le détournement de deniers publics. Mansour Faye, ministre du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale au moment des faits, soulignent les initiateurs de la résolution, doit être poursuivi pour complicité de surfacturation sur l’achat 110 001,5 tonnes de riz et évalué à 2 749 927 498 (recommandation 55, p.101.).
Moustapha Diop qui occupait les fonctions de ministre du Développement industriel et des Petites et moyennes industries au moment des faits doit être poursuivi pour complicité dans les procédures financières appliquées en cas de situation exceptionnelle de manière à encourager les détournements des deniers publics, détournement de deniers publics (sur les retraits répétitifs sur le compte du Fonds d’appui à la promotion de la petite et moyenne industrie (FAPPMI) pour un montant cumulé de 2. 500 000 000 Fcfa, Cf. recommandations de la Cour n° 60 et 61, pp.109-110)
Ministre des Mines et de la Géologie au moment des faits, Aissatou Sophie Gladima doit être poursuivie pour paiement non justifié et absence de service fait pour un montant de 73 200 000 FCFA, et ce, sur la base de la recommandation N°67 de la Cour, (p.119).
Concernant Zahara Iyane Thiam, ministre de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire au moment des faits, la Cour des comptes a relevé l’exécution de dépenses sans lien avec la Covid19 évaluées à 49 586 598 Fcfa, l’utilisation non justifiée d’un montant de 11 191532 Fcfa, de la recommandation n°52 de la Cour (p.94.).
Ndèye Saly Diop Dieng, ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants au moment des faits, est épinglée pour défaut de justification de dépenses, paiements d’aides et secours aux mêmes personnes par le MFFGPE d'un montant de 93 209 500 Fcfa, et ce, sur le fondement des recommandations n° 62, 63, 64 et 65 de la Cour (pp.112-117).
Ministre de la Jeunesse au moment des faits, Néné Fatoumata Tall doit être poursuivie pour complicité de surfacturation sur le prix du gel hydro-alcoolique d’un montant de 41 217 580 FCFA,(Cf. recommandation de la Cour N°56 de la Cour, p.102).
Aminata Assome Diatta qui occupait les fonctions de ministre du Commerce et des Petites et Moyennes entreprises au moment des faits, doit être poursuivie pour complicité de surfacturation sur le prix du gel hydro-alcoolique d’un montant de 805 000 000 FCFA,(Cf. recommandation N°56 de la Cour, p.102), mais aussi pour abus de confiance, complicité dans le détournement de deniers publics par des dépenses fictives et des dépenses sans lien avec la Covid19, association de malfaiteurs en vue de piller les deniers publics, complicité dans la prévarication des ressources publiques, complicité pour malversations financières, complicité de blanchiment de capitaux, faux et usage de faux sur des documents administratifs, faux en écritures publiques, complicité d’escroquerie sur les derniers publics et toutes autres qualifications dont ces faits pourraient être interprétés par la Commission d’instruction de la Haute Cour de Justice. Abdoulaye Diop, ministre de la Culture et de la Communication au moment des faits, doit être poursuivi pour absence de certaines pièces justificatives sur un montant de 1 120 000 000.
Politisation du dossier pour anticiper sur un flop judiciaire ?
En demandant la mise en accusation des ministres devant la Haute Cour de Justice, l’opposition contourne la justice saisie par la Cour des comptes et semble anticiper sur un flop judiciaire. Cette précipitation qui consiste à saisir directement la haute Cour de Justice alors que le Président de la Cour des comptes vient de saisir la justice est fort suspecte, car elle montre qu’on veut sacrifier le droit à l’autel de la politique. Pour une fois au Sénégal, la majorité et l’opposition s’étaient entendues sur un point : demander l’arbitrage des juges après le rapport de la Cour des comptes. Une exigence de l’opposition qui a rencontré l’assentiment du pouvoir. Donc le bon sens veut qu’on attende la décision des juges. Cette démarche de l’opposition est purement politicienne, mais c’est de bonne guerre. Pour que la mise en accusation puisse réussir, il faut avoir les 3/5 des députés alors que l’opposition parlementaire comme son nom l’indique est minoritaire. Ce qui fait au meilleur des cas que cette initiative est une opération de communication, et au pire des cas une anticipation sur un éventuel flop judiciaire parce qu’après les sorties et les explications du ministre des Finances, on est passé d’une présomption de culpabilité au relativisme, des certitudes au doute. C’est probablement ce passage de la présomption de culpabilité au relativisme qui a fait qu’il n’y avait pas la foule des grands jours à la place de l’Obélisque lors de la manifestation de la société civile, mais aussi que l’esprit de la fête ait noyé le concert de casseroles.