NGOUNDIANE TOUSSE !
Exploitation de carrières
La caravane de sensibilisation et de vulgarisation à l’actif de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie), organisée ce dimanche dans les zones minières de la région de Thiès, a été une occasion pour les populations de la commune de Ngoundiane de se scandaliser du taux très élevé, chez elles, de la tuberculose.
Ngoundiane éternue, Ngoundiane tousse ! En «terrain fertile», la tuberculose y fait des ravages. Dans sa marche funèbre, la pathologie dissémine ses bactéries dans la localité. Conséquence : «Nous avons le taux le plus élève de tuberculeux au Sénégal», renseigne Ousmane Faye.
S’exprimant lors de la caravane de sensibilisation et de vulgarisation organisée par l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) dans les zones minières de la région de Thiès, le conseiller municipal à la commune de Ngoundiane d’estimer : «Nous ne sommes pas en mesure de donner un chiffre exact, tellement le taux est important.» Pour cause, explique-t-il, «la poussière que dégage les machines à concasser la pierre».
Dégradation des terres et situation sanitaire «alarmante»
Dame Sène, le représentant des jeunes de Ngoundiane, d’ajouter : «Si vous faites la comparaison sur le plan sanitaire dans les années 1980 et 2000, on voit que la situation est alarmante.» Même son de cloche du côté de nombre de chefs de village de la commune. «Nous nous réveillons, nous mangeons et dormons dans la poussière», crache Baye Daouda Sène, chef du village de Diane 2.
Un tableau sombre auquel s’ajoute la dégradation du sol cultivable. Selon Ousmane Faye, conseiller municipal en charge de la Commission hydraulique à la commune de Ngoundiane, «avant l’exploitation des carrières de Ngoundiane, on arrivait à récolter plus de 10 tonnes de céréales par an. Aujourd’hui, on ne peut même pas dépasser 3 tonnes avec la dégradation du sol, tellement la production a baissé».
Il évoque aussi «le manque criard d’eau potable du fait de la contamination du sous-sol par ces industries extractives», mais également d’infrastructures éducatives, sportives, entre autres points énumérés sur une liste loin d’être exhaustive. Sans manquer de s’offusquer du fait qu’«il y a peu de jeunes qui travaillent dans les carrières. Pis, ils sont employés comme main-d’œuvre ou concasseurs en général, conducteurs de voiture et d’engin avec tous les risques encourus».
A ce sujet, le représentant des travailleurs, Serigne Mbacké Ndao, de renseigner : «Il règne une insécurité totale au niveau des carrières avec, souvent, des cas d’accidents mortels. J’ai arrêté de travailler dans ces carrières parce que j’ai assisté à un accident tragique. Le défunt afaitunechutede25metest mort sur le coup.»
D’où ce cri du cœur : «Nous demandons la délocalisation du village de Ngalèlle qui subit le plus les émanations de poussières, mais également la construction d’une muraille verte pour protéger les villages de la poussière.»
D’autant que, informe Dame Sène, «il y a une carrière qui a érigé une muraille verte pour protéger sa zone d’habitation qui est, du coup, épargné de la poussière. Mais le hic est qu’en même temps, l’entreprise, se faisant, pollue d’autres villages environnants alors qu’elle pouvait faire la même chose à leur profit». Un avis largement partagé par le secrétaire municipal de la commune de Ngoundiane, Isma Tine, qui soutient que «les besoins en santé sont urgents, car avec l’inhalation de la poussière les populations souffrent de beaucoup d’infections respiratoires aiguës».
Il reste d’avis que «ce serait bien que dans le cadre de la Responsabilité sociétale d’entreprise (Rse) comme du respect des normes environnementales que ces carrières aident à financer des projets de reboisement pour ériger des murs susceptibles de casser la poussière qui est source de pas mal de dégâts au niveau des ménages».
C’est d’ailleurs à ce titre que l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) a démarré son plan de dissémination à travers une caravane de sensibilisation dans les zones minières de la région de Thiès. A cet effet, le coordonnateur de l’Entente régionale de la Coalition des organisations de la société civile «Publier ce que vous payez», Abdou Aziz Diop, a indiqué que «le Sénégal a adhéré à une norme internationale appelée : Itie».
En d’autres termes, «les entreprises minières, gazières et pétrolières sont dans l’obligation de divulguer tout ce qu’elles payent à l’Etat, lequel, à son tour, est tenu de déclarer tout ce qu’il reçoit aussi».
M. Diop pense que pour que «le Sénégal soit un pays conforme, il doit satisfaire à toutes les exigences de la norme Itie depuis l’octroi des licences jusqu’à la distribution des revenus».
Il explique que «ce rapport-test nous permet de voir les faiblesses, les difficultés rencontrées et de prendre en compte les préoccupations des communautés, des entreprises, de tous les acteurs et parties prenantes de manière globale pour que le rapport de conformité qui sera publié en 2016 soit un rapport qui puisse nous garantir et nous donner le statut de pays conforme».
«Tous ces problèmes seront pris en charge»
Selon Abdou Aziz Diop, après l’atelier national tenu à Dakar et ceux régionaux de Thiès et de Kédougou, l’Itie a entamé un ambitieux «plan de dissémination», descendant à la base pour s’enquérir de la situation de l’exploitation des carrières et des problèmes corolaires que rencontrent les populations par rapport à ladite exploitation. D’autant que «le secteur minier a toujours été un secteur qui a drainé beaucoup de capitaux, mais souvent l’impact est faible et les collectivités qui les abritent subissent les externalités négatives, les retombées positives étant souvent minimes», souligne M. Diop.
Qui, toutefois, rassure qu’avec l’Itie, «tous ces problèmes seront pris en charge». A cela s’ajoute la réforme du Code minier en cours. Avec cette réforme, de l’avis du coordonnateur de l’Entente régionale de la Coalition des organisations de la société civile, «le fait de publier ce qui est payé à l’Etat du Sénégal garantit, dans son article L83, la transparence dans les contrats, lesquels seront divulgués, exceptés les aspects commerciaux et techniques».
Il fait remarquer que «dans le cadre de l’actuel Code minier qui date de 2003 et qui est assez obsolète, il y a l’article 66 qui garantit les clauses de confidentialité pour les contrats. Ce qui veut dire que tous les contrats ne pouvaient pas être divulgués. Le rapport a produit que c’est seulement 41 milliards de francs Cfa qui est la contribution du secteur pour l’économie nationale, 3 milliards de francs Cfa pour le secteur des hydrocarbures et 38 milliards de francs Cfa pour le secteur minier».
«Nous avons jugé que c’est trop faible parce que de 2003à2012,ilyaplusde2000 milliards de francs Cfa d’investissements. L’Etat du Sénégal a aussi perdu 413 milliards de francs Cfa dans les exonérations fiscales», note encore M. Diop.
«Importantes» avancées avec le projet de nouveau Code minier
Abdou Aziz Diop, qui revient sur les importantes avancées enregistrées avec le projet de nouveau Code minier relatives au respect des droits humains, au fonds d’appui au développement local, au plan de gestion environnemental et social, d’indiquer que «tout sera encadré et tournera autour du développement local, et les populations qui vivent ces externalités négatives relativement liées à la pollution, au sous-emploi des jeunes verront les retombées à travers l’Itie qui, en somme, reste une norme standard internationale qui permet de garantir la transparence, la redevabilité et, à terme, le développement durable de toutes les communautés».
A l’en croire, «le rapport-test que l’Itie est en train de disséminer auprès des communautés pour recueillir leurs avis, attentes et préoccupations par rapport à une meilleure gouvernance des ressources minérales sera pris en compte par le comité qui va mettre ces recommandations en œuvre pour que le prochain rapport soit conforme et que les vrais chiffres relatifs au contrat puissent être publiés».
Il pense que «c’est là que se situe le problème. On a dit que la chaîne des valeurs prend l’octroi des contrats jusqu’à la distribution des revenus au plus bas niveau. Mais aujourd’hui, personne ne peut dire comment se sont passés les contrats antérieurs, comment ils ont été signés ? Et est-ce que c’est entré dans les finances publiques ?».
Dans cette logique, le coordonnateur de l’Entente régionale de la coalition des organisations de la société civile se veut catégorique : «Aujourd’hui, on parle d’Arcelor Mittal, de Petrotim, de Mdl/Gco et tant d’autres entreprises. Mais avec l’Itie, tout sera transparent, clair et publié. Le rapport sera partagé et disséminé avec tous les canaux possibles et les populations auront le droit de dire : ‘’Voilà le contrat, cela a généré tant de milliards, voilà nos attentes’’».