«NOUS POUVONS VOIR DIEU AVEC NOS PROPRES YEUX»
CHEIKH MOUSSA TOURÉ, GUIDE SPIRITUEL DES «YALLA YALLA»
Cheikh Moussa Touré, guide spirituel de la communauté dénommée «YallaYyalla» n’est pas avare en mots pour présenter son mouvement. Il revient largement sur la philosophie de sa communauté, se prononce sur certaines questions d’actualité et explique l'objectif de la journée du 14 janvier prévue.
Pourquoi vous appelle-t-on « Yalla Yalla »?
On nous appelle « Yalla Yalla yi » parce que toutes nos discussions, toutes nos actions ne tournent qu'autour de Dieu. C'est depuis les travaux champêtres de Khelcom que les gens subjugués par la bravoure et les chants des disciples nous ont attribués ce nom. On ne l'a pas choisi, on l’a fait pour nous et cela nous fait un grand honneur. Quand une personne oeuvre sur le chemin de Dieu jusqu'à ce qu'on l'appelle par le nom propre de son Seigneur, cela ne peut que lui faire un immense plaisir. Nous sommes des musulmans et disciples de Serigne Touba.
Vos disciples disent qu’ils voient dieu, comment expliquez- vous cela ?
Voir Dieu est la chose la plus facile. Ça à l'air extravagant dans l'entendement populaire, mais je vous confirme que tout le monde voit Dieu. On le voit par les yeux du coeur. Ce qui est bizarre, c'est de ne pas le voir. Et le connaître est encore beaucoup plus difficile que le voir. C'est Dieu lui même qui dit : « Je suis l'Apparent». Les hommes disent que Dieu est très loin au 7ème ciel alors qu’il est au fin fond de la terre. Il faut que l'on réfléchisse pour voir Dieu. Il faut le chercher en soi dans son coeur, pas très haut dans le ciel. Dieu est apparent et très proche de nous, donc le voir est chose simple. C'est l'exemple d'une âme sans corps, on ne peut pas définir sa forme ni sa couleur mais on le sent. C'est aujourd'hui que les gens commencent à critiquer cela mais voir Dieu existe depuis les temps prophétiques.
Qui est cheikh Moussa Cissé ?
Cheikh Moussa Cissé est un musulman mouride fils de Serigne Modou Khouradjia Cissé, fidèle compagnon de Seirigne Touba. Ce dernier l'a éduqué avec Serigne Amadou Fadiama Niang. A la fin de sa formation spirituelle et religieuse, Serigne Touba l’a élevé au rang de Cheikh et lui a attribué des disciples. Dès lors, il a tracé son chemin et appelé à l'unicité de Dieu. On l’a chassé de la ville après de rudes périodes et il a fondé Darou. Ce village est aujourd'hui à 12 km de Passy dans le Saloum. L'islam doit être renouvelé constamment et il doit y avoir des guides qui aident la communauté pour laver les coeurs.
Une partie de vos disciples ne prie pas. est-ce une tolérance dans votre mouvement ?
Ce n'est pas de ma responsabilité si certains ne prient pas. Ils ont leur raison. Dans le mouridisme, vous verrez les disciples de Cheikh Ibrahima Fall qui ne prient pas alors que Serigne Touba ne l'a jamais ordonné à leur guide. Tu vois des musulmans qui font pire que de ne pas prier et tu ne peux pas dire qu'ils ne sont pas musulmans. Je ne l'ai jamais ordonné, mais par leur sentiment en Dieu, certains prient, mais autrement.
Quelles sont vos attentes par rapport à la journée que vous organisez aujourd’hui ?
Le but est d’exhiber notre idéologie et montrer au monde qui nous sommes. Il ne s'agit pas de démenti par rapport aux critiques acerbes que les gens portent à notre égard mais de leur démontrer que cette voie-ci est celle de Serigne Touba. Après, ils pourront analyser et interpréter en connaissance de cause.
Comment jugez-vous le terrorisme dans le monde ?
Les terroristes sont des gens qui n'ont pas de guide. Ils tuent pour d'autres raisons que l'islam. Ceux qui ont des guides respectent l'autorité et ne font jamais exploser des bombes en tuant des innocents musulmans. Le rôle du guide spirituel, c'est de mettre son disciple dans le droit chemin. Ici, au Sénégal, vous ne verrez jamais des enseignants disciples revendiquer quoi que ce soit ni aucun étudiant religieux brûler des pneus ou barrer des routes. Être en désaccord avec un homme n’autorise personne à prendre en otage tout un peuple. Ce n'est pas de l'éducation.
Comment appréciez-vous la pratique politique au Sénégal ?
C'est une pratique malsaine. La façon dont les dirigeants font la politique est vraiment à changer. Combien de partis politique avons-nous dans ce pays ? Chacun lève la main pour demander la gestion et le contrôle du pays. Ils se critiquent et se contredisent. Dans ce petit pays, comment est-il possible qu'il y ait plus de 200 partis politiques ? Pourquoi accuser tous les gouvernements de mauvaise gestion ? On se prend pour des Européens mais nous ne serons jamais comme eux.
QUI SONT LES YALLA YALLA : Cette frange du mouridisme qui fait polémique
C'est à Darou à 12km de Passy que Serigne Modou Khouradia Cissé père de Cheikh Moussa Cissé "Diambé Borom Darou" a créé la frange qui sera plus tard appelé "Yalla Yalla" en 1991. La succession au Khalife dans cette secte érigée de la communauté mouride n'est pas patriarcale. Car le fils aîné de Cheikh Moussa Cissé, Serigne Omar n'est pas l'actuel Khalife parce qu'il n'en voulait pas mais c'est son porte-parole et homonyme Cheikh Moussa Touré qui en est l'héritier. Son second fils Aladji Kéba Cissé gère son lègue au village à Darou. "Diambé Borom Darou" tel l'appellent ses disciples, n'avait pas véhiculé le message d'héritier de père en fils.
"Ce n'est pas notre manière, bien vrai que tout Khalife dans toutes les communautés se verra succédé par ses propres enfants et petits fils" déclare Seydina Souleymane Sène un fervent disciple Yalla Yalla. Cheikh Moussa Touré fait partie des premiers enfants qui ont été allaités par le savoir religieux et spirituel de son homonyme dès son bas âge dans le village. Au tout début, quand le Cheikh Moussa Cissé terminait son prêche, c'est lui qui était automatiquement désigné pour parler aux gens. Il a un verbe facile et une voix qui accroche le public. Quand son "père" avait des hôtes, c'est lui qui les recevait et leur donnait les enseignements contenus dans les différents livres de la religion et sur les écrist de Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba. Jusqu'à présent, c'est lui aussi qui parle au nom et en présence des fils de Cheikh Moussa Cissé. D'autres disciples de ‘’Diambé Borom Darou’’ dirigent la secte partout dans le Sénégal c'est l'exemple de Serigne Cheikh Niane à Kaolack "Mboudaye sérère".
Après le grand magal de Touba les "Baye Fall" de Cheikh Moussa organisent chaque année une ziarra annuelle à Darou dont celle de cette année prévue le 8 avril 2016. Des dizaines de milliers de fidèles "Yalla Yalla" y prennent part.