UNE ENQUÊTE SANS SUSPECT
Malgré les deux mois d’audition devant les enquêteurs de la Division des investigations criminelles, presque un mois devant le doyen des juges d’instruction, les autorités judiciaires semblent avoir du mal à trouver un inculpé, dans l’affaire Petro-Tim
Malgré les deux mois d’audition devant les enquêteurs de la Division des investigations criminelles, presque un mois devant le doyen des juges d’instruction, les autorités judiciaires semblent avoir du mal à trouver un inculpé, dans l’affaire Petro-Tim. Ce qui fait croire à certains que le dossier file droit vers un enterrement de première classe.
Quelquefois, la justice marche à la vitesse de croisière. D’autre fois, elle est comme une tortue. Prenant tout son temps, n’en déplaise à ses détracteurs. Dans l’affaire Aliou Sall, rien ne semble presser, pour les autorités judiciaires. Hier, le doyen des juges d’instruction a bouclé ses auditions, avec la déposition des représentants de Franck Timis. Au total, ils étaient près d’une vingtaine de personnes à défiler devant le juge d’instruction Samba Sall, toutes entendues à titre de simples témoins.
Du côté de la plateforme Aar Linu Bokk, on prend acte, tout en bandant les muscles. ‘’Nous invitons le doyen des juges à agir, d’une manière rapide et impartiale, pour retrouver et sanctionner tous ceux qui se seront rendus coupables d’acte de corruption dans la gestion du pétrole et du gaz’’, indiquent les camarades de Guy Marius Sagna dans leur déclaration. D’ores et déjà, la structure prévient qu’elle va rejeter toute décision judiciaire tendancieuse et inéquitable.
Depuis le démarrage de cette procédure, les commentaires n’ont jamais cessé. Pendant que certains accusaient Aliou Sall et Cie d’avoir perçu des fonds indus dans l’affaire Petro-Tim, d’autres parlaient simplement de corruption et de délits connexes. Pour le moment, rien n’a filtré sur les faits visés par le procureur de la République dans son réquisitoire introductif. Certains s’étonnent d’ailleurs que, malgré la gravité des faits incriminés, que personne n’ait été inculpé. Même Aliou Sall et Franck Timis, qui sont les principaux concernés dans cette affaire. A en croire cet avocat qui ne peut dévoiler son nom à cause de l’interdiction du bâtonnier, les choses sont quand même un peu bizarres et inhabituelles. Il se dit convaincu que le procureur avait suffisamment d’éléments pour inculper ou classer l’affaire sans suite.
‘’On a comme l’impression, souligne-t-il, qu’il y a une volonté, soit de passer la patate chaude au magistrat instructeur, soit une volonté de noyer le poisson. Autrement, je ne vois pas comment ne pas inculper certains, quitte même à leur accorder la liberté provisoire ou les placer sous contrôle judiciaire’’.
Généralement, explique la robe noire, quand on saisit le juge d’instruction, c’est parce qu’on estime qu’il y a des éléments pouvant constituer une infraction. Et on lui demande d’ouvrir une information pour savoir qui sont les véritables coupables et si les soupçons sont avérés ou pas.
Ainsi, pense-t-il, ‘’dans cette affaire, vu toutes les péripéties qui ont émaillé la procédure, on peut s’étonner que le juge d’instruction ait été saisi sans que personne ne soit inculpé’’.
Toutefois, de l’avis de Maitre El Hadj Diouf, avocat de Franck Timis et Aliou Sall, il n’y a pas à fouetter un chat. Selon lui, le procureur aurait bien pu classer l’affaire sans suite. Mais, essaie-t-il de comprendre, ‘’peut-être, s’il l’avait fait, on aurait dit que c’est parce qu’il reçoit des instructions du gouvernement. Vous le savez, le procureur dépend hiérarchiquement du ministre de la Justice. Ce qui n’est pas le cas du juge d’instruction qui fait librement son travail. Qui ne reçoit aucune instruction de la part d’aucune autorité’’.
Selon Me Diouf, toute cette accusation repose sur du toc. ‘’C’est du vent’’, clame-t-il. Avant d’enchainer : Il n’y a pas d’hypothèses possibles. Une grosse farce, ça aboutit à quoi ? Des accusations mensongères, diffamatoires, ça aboutit à quoi ? Quand vous racontez des histoires, il n’y a pas d’hypothèses envisageables. Vous êtes même passible de poursuites.’’
Par rapport aux auditions du représentant de Timis Corporation hier, il peste : ‘’Timis Corporation est venue démonter les accusations de la Bbc ! Nous avons démontré qu’il n’y a jamais eu de corruption dans cette affaire. On ne montrera aucun compte, dans aucune banque de la place, pour prouver ces accusations. Cela a été inventé de toutes pièces par la Bbc. On ne peut pas inculper des gens sur la base d’un simple reportage sans fondement.’’
Pourquoi l’affaire n’a pas été classée ?
Il faut rappeler qu’avant même que le juge d’instruction ne soit saisi de cette affaire, des plaintes avaient été agitées. La Division des investigations criminelles saisie pour en connaitre davantage. Mais malgré toutes ces formalités, rien ne semble convaincre le parquet sur la culpabilité des principaux concernés. Renforçant ceux qui se demandent déjà pourquoi l’affaire n’a pas été classée.
Mais si l’on en croit ce magistrat, il n’y a jusque-là rien d’anormal. Cela veut dire simplement que le procureur n’avait pas estimé, au vu des informations en sa possession, qu’il y ait d’éléments probants pour justifier l’inculpation de qui que ce soit dans cette affaire.
‘’En saisissant le juge d’instruction via un réquisitoire introductif, le parquet considère, peut-être, qu’il y a bel et bien infraction. Mais il n’a peut-être pas trouvé d’indices graves et concordants de nature à motiver l’inculpation d’une personne. C’est pourquoi il a saisi le juge d’instruction qui, en toute indépendance, a ouvert une information judiciaire. Si ce dernier, au cours de ses auditions, constate qu’il y a des indices graves et concordants contre quelqu’un, il va l’inculper et prendre contre lui les mesures qui s’imposent’’, analyse notre interlocuteur.
A ce jour donc, la justice est toujours à la recherche d’informations. Maintenant que tous les protagonistes ont été entendus, elle peut soit inculper certains, soit estimer qu’il n’y a pas matière à continuer les poursuites, indiquent les experts.