CES RAISONS QUI PEUVENT EMPÊCHER UNE VICTIME DE VIOL DE CRIER
Le violeur, pour passer à l’acte, peut menacer le plus souvent sa victime avec une arme blanche, s’il ne la violente pas ou ne l’assomme pas jusqu’à ce qu’elle perde connaissance
Le violeur, pour passer à l’acte, peut menacer le plus souvent sa victime avec une arme blanche, s’il ne la violente pas ou ne l’assomme pas jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Souvent, lorsqu’une victime raconte son viol, la question insidieuse fuse à son propos : «pourquoi n’a-t-elle pas crié?». Dr Habiballah Sy revient d’ailleurs sur ce doute émis parfois sur les «cris silencieux».
Au Sénégal, on ne reproche presque jamais à une victime d’agression physique ou de vol à main armée de n’avoir pas crié ou résisté. Le plus souvent, on compatit par ces mots: « yaw kay, santal yalla, comme rayoula» (rends grâce à Dieu puisque tu es en vie). Mais quand il s’agit d’une victime de viol, la réaction est tout autre.
Souvent, c’est une question dubitative qui revient. «Pourquoi la victime n’a-t-elle pas crié au moment de l’acte ?». Une victime qui arrive à l’hôpital le plus souvent en larmes ou avec une grande peur. Quand l’acte a duré, c’est la honte et la culpabilité qu’elle ressent. Parfois, son récit est clair, parfois il faut au médecin accueillant des astuces pour la faire parler. Mais dans l’imaginaire populaire, il n’y a pas eu viol. La société demande même pourquoi la victime n’a-t-elle pas poussé des cris stridents pour empêcher son bourreau de passer à l’acte sexuel ? Une question insidieuse qui peut irriter voire révolter car culpabilisant et insinuant que la victime a été consentante. Or, il est parfaitement normal qu’une victime de viol ne se débatte pas contre son agresseur au moment de l’acte. Elle hurle sans bruit jusqu’à la fin de l’acte. Ce n’est pas par faiblesse féminine, mais parce qu’elle a été menacée avec arme blanche, assommée ou violentée. Pour beaucoup, c’est incompréhensible qu’une personne ne pipe mot quand elle se fait violer. Pour la société, «qui ne dit mot consent».
Or, dire non ou se laisser faire, ce n’est pas un consentement. C’est subir de force. Pourtant, bien que n’osant pas crier, la victime parle et se débat intérieurement. Des études montrent que la plupart du temps, les femmes subissent une paralysie involontaire au moment de l’acte d’assouvissement sans consentement. Que des personnes qui essayent de s’approprier un plaisir sexuel sans le consentement d’autrui, ne réagissent pas comme on le pense. Dans cet écœurant dé- tournement de l’intimité, elles endurent un supplice dans le cœur. La femme reste passive tout en implorant, on ne réagit donc pas, soit pour survivre soit parce qu’on a été blessée profondément ou paralysée.
Selon docteur Habiballah Sy, la réponse à la question pourquoi elle n’a pas crié est «toute simple». En cas d’agression sexuelle, dit-il, «la surprise est tellement grande, la violence est parfois tellement extrême que la victime pense d’abord à sauver sa vie». Du coup, elle ne peut parfois qu’obtempérer et se laisser faire. «N’oublions pas qu’un violeur ou un voleur peut tuer pour aboutir à ses fins ou pour masquer son crime. Des cas de viol ou de vol suivis de meurtre existent n’est-ce pas ? L’intention de départ du voleur/violeur n’était pas de tuer. Mais, face à la résistance de sa victime ou au risque d’être reconnu, il peut tuer», explique le mé- decin. Il attire l’attention sur le fait que si beaucoup de personnes victimes de viol ne crient pas, c’est surtout parce qu’il y a eu menace par arme blanche ou violence physique exercée.
Dr Habiballah Sy donne l’exemple d’une femme d’une trentaine d’années victime de viol qu’il avait reçue dans un centre de santé. Une femme qui, en pleine brousse, aurait été attaquée par un inconnu qui l’a soulevée en l’air puis la terrassée avant de la violer. Une dame qui, sous le coup de la surprise, n’a pas pu crier, car sa langue était complètement paralysée. «Elle ne pouvait pas parler encore moins crier parce qu’elle avait une luxation de la mâchoire. Il a fallu que je fasse appel au chirurgien-dentiste pour réduire la luxation c’est-à-dire remettre la mâchoire à sa place afin qu’elle puisse ré- pondre aux questions et décrire les circonstances du viol. Qui osera lui reprocher de n’avoir pas crié?», demande le médecin.
En réponse à ce doute émis du côté de la société dont la plupart des membres refusent l’existence du viol, un spécialiste de la santé, sous l’anonymat, estime qu’»il faut toujours chercher les signes de lutte, ou même des coups et blessures pour déterminer le viol. C’est pour cela, dit-il, qu’il est important de collaborer avec tout autre spécialiste: médecin légiste, gynécologue, pédiatre, urologue, neurochirurgien...’’ Il explique en effet que «le viol c’est l’affaire du juge. Le médecin, quant à lui, précisera juste s’il y a eu ou non pénétration et/ou coups et blessures».