QUAND LES HOMMES OPTENT POUR LE MARIAGE INTERESSÉ
Autres temps, autres mœurs. Il fut une époque où le fait pour un homme de se lier à une femme financièrement plus assise était considéré comme avilissant
Qui l’eut cru ? Autres temps, autres mœurs. En effet, il fut une époque où le fait pour un homme se lier à une femme financièrement plus assise était considéré comme avilissant. La fille ou la femme qui cherchait à avoir une liaison avec un homme nanti était également taxée de matérialiste. Aujourd’hui, ce sont les hommes qui se bousculent et crient partout qu’ils n’épouseront pas des « cas sociaux ». Autrement dit, des filles ou femmes qui attendent tout de l’homme et qu’il faudra prendre en charge ainsi que leurs familles…
Beaucoup de femmes ont renoncé à une carrière professionnelle parce que leur mari refusait catégoriquement que son épouse gagne plus que lui. Des vies ont été ainsi chahutées. Certains hommes, pour montrer leur toute-puissance, n’hésitaient pas à prendre une deuxième épouse plus malléable et soumise. D’autres femmes ont dû ainsi mettre un terme à leur emploi pour être femme au foyer . Leur crainte était de voir leur mariage se briser. Bref, rares sont les hommes qui pouvaient souffrir de voir leur épouse se trouver à un palier social ou financier supérieur à celui où eux-mêmes stagnent. D’ailleurs, la plupart des hommes jugeaient avilissant de se faire entretenir par une femme. Aujourd’hui, la donne a carrément changé avec l’évolution de la société sénégalaise et des mentalités. Ce n’est plus une honte de voir son épouse à un palier supérieur. C’est même devenu valorisant pour certains. Une manière de dire que les hommes sont devenus matérialistes comme les femmes. En tout cas, beaucoup parmi ces dernières le pensent pendant que d’autres s’en accommodent pour ne pas mourir vieilles filles. Elles s’investissent même plus dans le mariage que leurs rivales qui dépendent entièrement de leurs époux. Bel homme, I. Massaly savoure sa nouvelle vie. Son chemin a croisé celui d’une dame qui vit aux Usa et qui, sans être belle, possède cependant ce charme caractéristique aux sénégalaises. L’art du « Jongge ». D’ailleurs son mari ne parle plus que d’elle, oubliant qu’il a une première épouse chez lui. Alors que sa « awo » vit en location dans un quartier de banlieue, la deuxième, elle, habite dans dans sa propre maison. Quand elle est au Sénégal, I. Massaly dit retrouver une nouvelle jeunesse. « C’est la quiétude, contrairement à chez l’autre avec d’incessantes demandes et des querelles à n’en plus finir », dit -il. Autant dire qu’il est bien entretenu par la deuxième, plus nantie et qu’il a rencontrée via le réseau social Facebook. Après quatre mois d’échanges virtuels, le mariage a été célébré quand la dame a débarqué à Dakar. Depuis deux ans, à chaque fois qu’elle revient au pays, notre homme une nouvelle lune de miel.
L’enfer sur terre pour Fary F.
La dame Fary F, elle, a vu sa vie transformée en enfer. C’est dans une chambre qu’elle a vécu durant 13 ans avec son mari. Trois enfants sont nés de ce mariage qui a traversé beaucoup de turbulences. Durant treize ans dans la promiscuité, Fary F. a tout supporté. « J’aimais mon mari », se justifie- t-elle. Et un beau jour, tout s’est écroulé quand cet époux qu’elle adorait a pris une deuxième femme. « Au début , je ne comprenais pas comment il a pu oser faire ça alors que l’on vit en location dans une seule chambre », dit-elle. Ce n’est que plus tard, avec le changement vestimentaire de son époux, qu’elle a su que sa coépouse était une riche dame qui vivait à l’extérieur. « Elle l’a pris en charge en soldant toutes ses dettes. Certes, nous avons quitté la chambre pour un petit appartement mais c’est à peine si j’existe quand ma coépouse est au Sénégal ». Son mari s’est complétement éloigné d’elle. De sorte qu’ il arrive des moments où elle ne peut contenir sa rage face à la traitrise de celui-ci. « Ma belle-famille et tous les amis de mon mari se sont rangés derrière la « niarel » qui les gâte. Je ne veux pas demander le divorce à cause de mes enfants et des préjugés des gens qui diront que ‘’djiguén mo ko dawlo’’ (Ndlr, c’est à cause d’une coépouse qu’elle a fui le domicile conjugal », dit-elle. Mbène Faye, la quarantaine, pense que les hommes n’ont maintenant plus de dignité et n’ont aucun respect pour la femme. « Ces hommes qui se vantent de ne pas épouser des « cas sociaux » sont dépourvus de dignité et sont plus misérables que les femmes moins nanties qu’ils fuient », estime notre interlocutrice qui rappelle que l’islam fait obligation à l’homme d’entretenir son épouse, de la nourrir, la vêtir, la loger et l’habiller. Ce quel que soit le statut social de celle-ci.
« ñaari loxo moy takk toubey, te moy takk sër »
Mamadou, la trentaine, célibataire, pense qu’aussi bien l’homme que la femme doit participer aux frais et dépenses dans la maison. Ceci, dit-il, au bonheur de tout le monde. « Je ne me suis pas encore marié, mais je n’épouserai jamais une femme qui n’est pas indépendante financièrement. C’est inacceptable d’être avec une femme qui travaille et qui consacre son salaire à ses dépenses personnelles et celles de sa famille. Et l’homme avec qui elle vit, alors, ça veut dire que celui-ci n’a pas d’importance à ses yeux ? », demande-t-il. Selon lui, cette façon de procéder relève de l’égoïsme. « ñaari loxo moy tak toubey te moy takk sër » (Aussi bien le pantalon que le pagne se nouent avec les deux mains). Aujourd’hui, la tendance est de marier une femme qui participer aux dépenses et qui sait se prendre en charge au minimum. C’est ce qui pourrait faire évoluer les mentalités », dit-il, lapidaire. Malick S. opte également pour le partage des frais au sein du ménage. « C’est inadmissible de laisser à l’homme seul les charges de la maison avec les difficultés de la vie », soutient-il tout avouant qu’il ne se liera pas à une femme qu’il prendra entièrement en charge. Gérant d’une boutique , Lamine voit maintenant la vie en rose depuis qu’une femme cadre l’a presque forcé à la marier. « Je ne me suis pas séparé de ma première épouse. J’entretiens d’excellentes relations avec elle ainsi qu’avec la deuxième. La nouveauté, c’est qu’avec cette dernière, en plus de vivre sous son toit, elle ne me demande presque rien. Je ne fais qu’assurer », dit-il en nous faisant un clin d’œil sans entrer dans les détails. Après deux mariages qui se sont soldés par autant de divorces, Ch K reconnaît lui aussi qu’il ne se remariera plus avec une femme qui attendra tout de lui. « Mes précédents mariages ont été un enfer. En plus de prendre en charge mes épouses, je devais également m’occuper de mes gendres. Je n’en pouvais plus. Si avec mon premier mariage, j’ai pu tenir durant trois ans, avec le second , j’ai carrément disjoncté. Je n’en pouvais plus après six mois. Et c’est fini, je n’épouserai plus une femme qui dépendra entièrement de moi », jure-t-il. Autres temps… En tout cas, de plus en plus, les hommes ne rechignent plus à se marier avec plus stables financièrement qu’eux. Et ils fuient comme la peste les cas dits « sociaux ». Mais attention, les femmes attendent plus d’eux. Autrement dit, il faut bien jouer son rôle de mari. Vous avez besoin d’un dessin ?
SELLY BA, SOCIOLOGUE : « Le matériel et l’argent sont aujourd’hui des choses extrêmement importantes dans les relations… »
De l’avis de la sociologue Mme Selly Ba, « nous sommes dans une société matérialiste et ça se confirme ». A l’en croire, l’exemple des jeunes qui prennent les pirogues pour combattre la pauvreté montre amplement que nous sommes dans une société matérialiste parce que ces jeunes subissent une pression dans la société. « On leur fait comprendre que si vous n’avez pas le pouvoir économique et le pouvoir de décision, vous n’êtes pas associés à la prise de décision et vous êtes complètement marginalisés et écartés. Le matériel a aujourd’hui un accent extrêmement important dans les relations et cela a un impact sur les mariages » estime la sociologue. Selon Mme Selly Ba, plusieurs facteurs justifient les nombreux cas de divorces dans notre société. Mais l’un des facteurs phares, c’est le matérialisme. Dans une relation, il y a des calculs du côté des femmes comme du côté des hommes. « Des deux côtés, l’aspect matériel occupe une place centrale parce qu’on vit de plus en plus dans une société de consommation où les besoins ne cessent de s’accroître. Du coup, on doit dépenser plus parce que les besoins ont augmenté. Et un salaire ne suffit plus à gérer les besoins. Donc, les hommes vont essayer de chercher des femmes qui travaillent. Si, dans un ménage, la femme travaille, ça aide énormément le couple à joindre les deux bouts. Ce qui est regrettable, c’est que cet aspect matériel fragilise davantage le couple, car si les deux conjoints n’ont plus d’argent pour se satisfaire, tout s’effondre comme un château de cartes », fait savoir la sociologue