LES VICTIMES DE HABRÉ TOUJOURS DANS L’ATTENTE D’UNE RÉPARATION
Quatre après la condamnation de l'ancien président tchadien, les victimes n’ont rien reçu. Elles appellent l’Union Africaine (UA) et N'djaména à respecter les décisions prises par les deux tribunaux
Les victimes de Habré sont dans l’expectative. Après la condamnation de l’ex-président tchadien à la prison à perpétuité pour crime contre l’humanité, crime de guerre et tortures, les chambres africaines extraordinaires et la justice tchadienne avaient ordonné le paiement de millions d’euros d’indemnisations au profit des victimes. Mais quatre ans après, ces dernières n’ont rien reçu. C’est pourquoi, elles appellent l’Union Africaine (Ua) et l’Etat tchadien à respecter les décisions prises par les deux tribunaux.
Les victimes du régime de Hissein Habré sont déçues de l’Union Africaine et de l’Etat tchadien. Pour cause, depuis la condamnation de l’ex-homme fort tchadien, elles n’ont toujours rien reçu en guise de réparation pour les crimes qu’ils ont subis sous son règne. « Les victimes de l’ancien dictateur tchadien Hissein Habré attendent toujours de recevoir un début d’indemnisation quatre ans après sa condamnation historique au Sénégal, et demandent qu’il regagne sa cellule après que la crise du Covid-19 sera passée», a indiqué un communiqué de Human Right Watch reçu à «L’As».
Revenant sur les décisions retenues lors de la condamnation de l’ancien président tchadien, l’organisation de défense des droits de l’Homme rappelle que quand la cour d’appel a confirmé la condamnation de Habré en avril 2017, et octroyé 82 milliards Fcfa (environ 125 millions d’euros) à 7 396 victimes identifiées, elle a mandaté un fonds fiduciaire de l’Union africaine. Le but visé, indique l’organisation, était de lever de l’argent en recherchant les avoirs de Habré et en sollicitant des contributions volontaires.
Mieux, Human Right Watch (Hrw) renseigne que, bien que l’Union africaine ait alloué 5 millions de dollars au fonds fiduciaire, ce dernier n’est toujours pas opérationnel trois ans plus tard. Donc pour alimenter ce fonds, indique Hrw, le Président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, avait promis en février 2020 la tenue d’une conférence de mobilisation des ressources. «Hissein Habré, accusé d’avoir volé des dizaines de millions d’euros du Trésor tchadien, n’a versé aucune indemnisation. Dans le procès tchadien des sbires de Habré, la Cour criminelle de Ndjaména a également octroyé 75 milliards Fcfa (environ 114 millions d’euros) d’indemnisation pour les 7 000 victimes, à charge pour l’Etat tchadien d’en payer la moitié et les condamnés l’autre moitié», renseigne Hrw dans son communiqué consacré au 4ème anniversaire de la condamnation de Habré.
En outre, la Cour a enjoint le gouvernement tchadien d’ériger un monument dans un délai n’excédant pas un an en hommage aux personnes tuées sous le régime Habré, et de créer un musée au sein du quartier général de l’ancienne police politique (Direction de la Documentation et de la Sécurité - DDS), où les détenus étaient torturés. «Mais le gouvernement n’a exécuté aucune de ces décisions à ce jour», s’offusquent Reed Brody et Cie.
Pour obtenir une réparation le plus rapidement possible, les victimes de Habré demandent à l’Etat tchadien et l’Union Africaine de respecter leurs obligations. «L’Union africaine et le gouvernement tchadien doivent mettre en œuvre ces décisions de justice afin que les victimes puissent enfin recevoir des réparations pour ce que nous avons souffert», tonne Clément Abaifouta, président de l’Association des Victimes des Crimes du Régime de Hissein Habré (AVCRHH).
«HISSEIN HABRE EST TRANQUILLEMENT CHEZ LUI, TANDIS QUE NOUS, LES VICTIMES QU’IL A FAIT EMPRISONNER, TORTURER ET ASSASSINER…»
Hissein Habré purgeait sa peine de prison à perpétuité à la prison de Cap Manuel. Mais depuis le 6 avril, à cause du Coronavirus, il a été autorisé à regagner son domicile pour une durée de 60 jours. Toutefois, à en croire le gouvernement Sénégal, après la pandémie du Covid-19, l’ancien président tchadien va retourner dans sa cellule, écartant ainsi toute idée de le faire gracier. Par ailleurs, la coordinatrice du collectif des avocats des victimes et présidente de l’Association tchadienne pour la défense et la protection des droits de l’Homme (ATPDH), Jacqueline Moudeïna, déclare qu’ils surveillent la situation de très près. «Hissein Habré est tranquillement chez lui, tandis que nous, les victimes qu’il a fait emprisonner, torturer et assassiner, nous mourons les unes après les autres en attendant qu’il nous verse des indemnisations», fulmine Abdourahmane Guèye, 74 ans, commerçant sénégalais jeté en prison avec son compagnon Demba Gaye lors d’un voyage au Tchad en 1987.
Abdourahmane Guèye a été libéré au bout de sept mois grâce à l’intervention du gouvernement du Sénégal, mais Demba Gaye est décédé en prison dans la fameuse cellule de la mort de Hissein Habré. A rappeler que le Comité des Nations Unies contre la torture avait mis en garde l’Etat du Sénégal le 23 décembre 2019, pour l’avertir que la libération prématurée des auteurs des crimes internationaux les plus graves n’est pas conforme aux obligations découlant de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.