«UNE MESURE EXCEPTIONNELLE QUI PERMET A L’ETAT D’AVOIR LES MOYENS ... POUR RESTREINDRE LES LIBERTES FONDAMENTALES»
Professeur du droit pénal à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Iba Barry Camara dégage les contours de l’Etat d’urgence décrété par le président de la République, Macky Sall, hier, lundi 23 mars.

Professeur du droit pénal à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Iba Barry Camara dégage les contours de l’Etat d’urgence décrété par le président de la République, Macky Sall, hier, lundi 23 mars. Interpellé par Sud quotidien, le spécialiste du droit pénal tout en saluant cette décision du chef de l’état a indiqué que cette mesure exceptionnelle permet à l’Etat d’avoir les moyens juridiques et même constitutionnels pour restreindre les libertés fondamentales.
« L’Etat d’urgence est une mesure exceptionnelle qui permet à l’Etat d’avoir les moyens juridiques et même constitutionnelles pour restreindre les libertés fondamentales telles que la liberté d’aller et de venir, la liberté de réunion, la liberté de presse… On peut même y ajouter la mesure de confinement. Ceci pour dire qu’avec cette mesure, l’Etat aura les coudées franches pour prendre toutes les mesures appropriées, y comprises celles qui vont dans le sens de restreindre drastiquement, comme je l’ai déjà dit, les libertés fondamentales telles que prévues par la Constitution ».
COMMENT VA S’EXECUTER L’ETAT D’URGENCE
« L’Etat a les moyens de sa politique et pour faire exécuter cette mesure de manière préventive, toutes les mesures dans le cadre de cet Etat d’urgence. Le président de la République aura la possibilité d’utiliser l’armée, la gendarmerie, la police nationale et les agents du service national d’hygiène... De manière tout à fait légale, les agents des forces de défense et de sécurité seront déployés dans les rues pour contraindre les populations qui ne se plient aux consignes données à respecter les mesures qui seront prises dans le cadre de cet Etat d’urgence. Ils (agent des forces de défense et de sécurité) seront donc déployés dans les rues ».
IL Y’AURA DES CAS EXCEPTIONNELS, NOTAMMENT QUELQUES DEROGATIONS QUI SERONT PREVUES.
« C’est vrai qu’avec l’Etat d’urgence, il y a une contrainte mais il faut savoir que ce sont des mesures qu’on va appliquer de manière intelligente. Autrement dit, il y aura des cas exceptionnels notamment quelques dérogations qui seront prévues. On ne va pas appliquer toutes les règles qui seront prises dans le cadre de cette mesure les yeux fermés mais de manière intelligente. On attendra que la mesure soit prise pour être informé par rapport aux détails ».
UNE MESURE PLUS ADEQUATE POUR LUTTER CONTRE LA PROPAGATION DE LA MALADIE ACTUELLEMENT AU SENEGAL
« S’il y a une mesure plus adéquate pour lutter contre la propagation de la maladie actuellement au Sénégal que celle de l’Etat d’urgence, j’avoue que je ne sais pas pourquoi l’Etat a tardé à prendre une telle décision puisque nous savons tous que des mesures qui étaient préconisées pour endiguer la propagation de cette pandémie dans notre pays, n’ont pas été suivies. Car, les Sénégalais avec leurs habitudes qui ne sont pas d’ailleurs celles des autres pays touchés par cette pandémie, nous exposent. Donc, la première mesure que l’Etat devrait prendre, c’est décréter l’Etat d’urgence.
Car, l’Etat d’urgence intervient lorsque la nation est en péril et là, nous le vivons parce que nous savons tous que c’est une maladie très grave qui peut nous mener très loin en termes de conséquences négatives. Et si, on parle aujourd’hui de contamination communautaire, c’est parce que les gens circulent librement comme ils veulent, les rassemblements pourtant interdits se poursuivent toujours. Il appartiendra donc à l’armée et aux autres agents des forces de défense et de sécurité, d’exiger le respect de l’ordre tel qu’indiqué par les pouvoirs publics pour lutter contre cette pandémie ».
MESSAGE DU PRESIDENT MACKY SALL EN CONTEXTE DE COVID-19 : Ce que disent les articles 69 et 77 de la Constitution
Dans son message à la nation hier, lundi 23 mars 2020, annonçant l’Etat d’urgence soutenu par un couvre-feu de 20h à 6h, à compter de minuit, en ce contexte de propagation du coronavirus (Covid-19), le chef de l’Etat a fait référence aux articles 69 et 77 de la Constitution. Voici ce que disent ces articles cités.
Article 69 – «L’Etat de siège, comme l’état d’urgence, est décrété par le Président de la République. L’Assemblée nationale se réunit alors de plein droit, si elle n’est en session.
Le décret proclamant l’état de siège ou l’état d’urgence cesse d’être en vigueur après douze jours, à moins que l’Assemblée nationale, saisie par le Président de la République, n’en ait autorisé la prorogation.
Les modalités d’application de l’état de siège et de l’état d’urgence sont déterminées par la loi.»
Article 77 - «L’Assemblée nationale» peut habiliter par une loi le Président de la République à prendre des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Dans les limites de temps et de compétence fixées par la loi d’habilitation, le Président de la République prend des ordonnances qui entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant la date fixée par la loi d’habilitation. «L’Assemblée nationale» peut les amender à l’occasion du vote de la loi de ratification.»