UNE PÉNURIE DE MOUTONS EN VUE À DAKAR
À cinq jours de l’Aïd El Kébir ou Tabaski, les moutons se font encore désirer à Dakar et sa banlieue

A cinq jours de l’Aïd El Kébir ou Tabaski, les moutons se font encore désirer à Dakar et sa banlieue. C’est du moins le constat au niveau de certains points de vente. Des vendeurs de bétail font état d’une probable pénurie de moutons cette année.
Au Sénégal, on a coutume de préparer cette fête avec toutes les difficultés du monde. A l’occasion de cette plus grande fête musulmane, les pères de famille remuent ciel et terre pour non seulement habiller toute leur progéniture—en plus d’eux-mêmes bien sûr—, mais aussi satisfaire la ou les épouses. Surtout, le gros du budget est consacré à l’achat du mouton. Une bête que l’on préfère grosse avec de grandes cornes.
A l’heure actuelle, le mouton est l’animal le plus recherché alors qu’il ne reste que six jours—cinq à partir de ce vendredi—d’ici la fête de la Tabaski. On voit certes des moutons pratiquement à tous les coins de rues mais, à vue d’œil, il semble y en avoir moins que les années précédentes à pareille période. C’est du moins le constat au niveau de la plupart des points de vente visités.
Au foirail de Diamaguène-Sicap-Mbao, l’un des points de vente les plus fréquentés de la région de Dakar, Il est11 heures en cette matinée du mercredi 15 août 2018. Comme à chaque période de laTabaski, le décor est campé.
Des bâches et des barrières sont installées un peu partout. Des tubes ou des pieux en fer ou en bois sont fixés dans le sol. Elles servent à attacher les ruminants. Contrairement à celle qui prévalait les années précédentes à une semaine de l’événement, l’ambiance est actuellement morose. Seuls les moutons élevés dans les maisons dakaroises ou ‘’Kharou Yar’’ (moutons de case)sont exposés sur les lieux. Ce alors qu’à cette période de l’année dernière, les principaux points de vente de Dakar étaient bien approvisionnés.
Selon les vendeurs officiant dans ce foirail de Diamaguene-Sicap Mbao, il est fort probable qu’il y ait, cette année, une pénurie de moutons. Boubou traditionnel bleu, ceinturon attaché au ventre, bâton posé sur les pieds, Mamadou Salif Sow, vendeur de moutons, souligne que « la fête de la tabaski sera célébrée dans moins de six jours. Mais jusqu’à présent, les moutons ne sont pas nombreux». Même si le décor a changé dans certaines rues de la capitale dakaroise avec notamment la présence en quantité de moutons élevés dans les domiciles, beaucoup craignent une pénurie de ruminants.
Venu acheter un mouton pour la Tabaski, Cheikh Ndiaye confie qu’il a eu beau sillonner les rues de Dakar et sa banlieue, mais ne voit pas de moutons à la portée de sa bourse ou remplissant les critères physiques requis. « Les moutons que j’ai vus ne peuvent pas être sacrifiés pour la Tabaski compte tenu de leur âge. Ils sont également trop petits.»
Agé d’un peu plus de 30 ans et vendeur de moutons au foirail de Diamaguene, Yankhoba Daffé soutient que les moutons ne seront pas suffisants cette année. Ce qui explique leur cherté. « Nos prix varient de 100 mille à 900 mille francs CFA. La cherté de nos moutons est due aussi à la cherté de l’aliment de bétail. Un sac de foin coûte entre7500francset8000francs.Cesans compter d’autres frais pour le bon entretien de nos bêtes », confie-t-il.
Autre endroit, même constat. On est au foirail de Rufisque. Ici, les vendeurs rencontrés soutiennent eux aussi que les moutons ne sont pas aussi nombreux que l’année dernière. Ce qui explique également la hausse des prix. «Il n’y a pas beaucoup de moutons à Dakar. Par conséquent, ils sont très chers. Même avec 90.000 francs Cfa, c’est difficile de trouver un bon bélier », soutient Modou Ndiaye, vendeur de moutons. Taille élancée, teint noir, la quarantaine dépassée, Sidya Samb croit savoir lui aussi qu’il y aura cette année une pénurie de moutons à Dakar. «Vous voyez le visage qu’offre ce foirail ? On est à moins de six jours de la Tabaski et les téfankés ne sont pas encore là. Si des mesures ne sont pas prises, on risque de vivre une situation catastrophique cette année » », soutient notre interlocuteur.
DES PRIX VARIANT ENTRE 150.000 ET PRES DE 2 MILLIONS DE FRANCS
Au niveau des points de vente éparpillés un peu partout à travers les artères de Dakar, ce sont les moutons de race qui dictent leur loi et en mettent plein la vue aux clients ou simples curieux. Ce en l’absence des moutons des « téfankés » ou autres bêtes de troupeaux. Une situation qui inquiète déjà des ‘’goorgoorlou’’ de la capitale qui vivent de plein fouet la flambée des prix des ovins. D’après quelques informations recoupées auprès des vendeurs déjà installés, le prix varie entre 100et300mille francs CFA pour les «peulh-peulh» (moutons qui ne sont pas de race et n’ont pas été élevés dans les maisons). Naturellement, il faut débourser une fortune pour acquérir des moutons de race «Ladoum» par exemple. A la Seras, plus précisément au foirail de Pikine, qui est le plus grand marché de ruminants de la région de Dakar, même si les « téfankés» (vendeurs de bestiaux) arrivent au compte - gouttes, la situation laisse à désirer.
Installé à l’intérieur du foirail, Yatma Samb, éleveur de son état, pense que « l’Etat doit faire de son mieux pour qu’il y ait suffisamment de moutons ». Selon lui, chacun doit pouvoir s’acheter un mouton selon les moyens dont il dispose. A en croire Mor Kane, un père de famille, le gouvernement doit venir en aide à la population pour que la fête se passe dans les meilleures conditions. « Moi, contrairement aux autres, je trouve qu’il y’a beaucoup de moutons et les autorités étatiques nous ont promis d’autres qui doivent venir. Je ne me focalise pas sur des promesses qui ne tiennent pas. J’attends de voir pour y croire », confie-t-il.
A en croire Assane Ba, un autre vendeur, les gens ont compris que les moutons peuvent tarder à venir ou même ne pas venir. C’est pourquoi, dit-il, ils courent pour acheter malgré les assurances du gouvernement. Aux Hlm, les prix planchers sont à 150.000 frs comme dans les autres points de vente de la capitale. Mohamed Diène, éleveur de moutons de race, jure qu’il n’est pas question pour lui de vendre à moins de 100.000 francs. « Les moutons dont je dispose, c’est moi qui les ai élevés. Je me suis toujours tué pour leur donner une bonne alimentation. Vous les voyez bien gras. Le plus petit d’entre eux, je ne l’offrirais pas à moins de 150.000 francs ».
Face à cette probable pénurie de moutons, beaucoup d’éleveurs rencontrés ont demandé aux populations de se doter très tôt d’un mouton pour éviter toute mauvaise surprise. « Nous ne pouvons pas garantir qu’il y aura assez de moutons sur le marché. Beaucoup de bêtes sont mortes dans le Nord et dans d’autres contrées tout dernièrement. Compte tenu de ces paramètres, il est quasi impossible de promettre qu’il y en aura pour tout le monde », soutient en conclusion Mohamed Diène. Parole de vendeur qui veut vendre tout son stock au prix le plus élevé possible en apeurant les acheteurs à propos d’une éventuelle pénurie ?