«ON VEUT L’APPLICATION D’UNE TAXE DE PRIVILEGE DU LITTORAL AUX OCCUPANTS»
MOCTAR BA PRESIDENT DE LA PERL
Le président de la Plateforme pour l’environnement et la réappropriation du littoral (Perl), Moctar Ba, est plus que jamais déterminé à défendre le littoral, malgré la sortie musclée des promoteurs hôteliers. Dans cet entretien que l’expert-comptable a accordé à «L’As», il revient sur le travail abattu par la Perl et les solutions qu’elle préconise. Moctar Ba enfile aussi une robe d’avocat, pour prendre la défense de Pierre Goudiaby Atépa pilonné par les promoteurs hôteliers.
L’As : On vous accuse d’avoir interrompu des chantiers sur la corniche ouest, vous êtes puissant à ce point ?
MOCTAR BA : Ils n’ont pas encore vu la puissance de la Plateforme pour l’environnement et la réappropriation du littoral (Perl). Moi ça me dépasse. Jamais je n’aurais imaginé que cela aurait cette puissance. Nous sommes saisis de partout, à Dakar, Saint-Louis etc. La Plateforme est née de la construction de l’ambassade de la Turquie sur la corniche ouest. C’est la première fois que des citoyens se sont levés spontanément (12 000 signatures) pour défendre le littoral. Avec la Perl est née la riposte citoyenne.
Vous avez tordu la main au président de la République…
Non. Nous n’avons pas tordu la main au président Macky Sall, mais il s’est approprié notre combat. C’est insolent, lorsque les promoteurs hôteliers disent que nous avons influencé le président de la République. Nous avons plutôt convaincu le chef de l’Etat.
Pourtant Aliou Aidara Sylla a soutenu que c’est Pierre Goudiaby Atépa président d’honneur de la Perl qui lui avait indiqué le terrain sur lequel, il veut construire un hôtel. Est ce que cela n’entrave pas vos actions ?
C’est un problème très complexe. Je ne suis pas bien placé pour parler de cette situation. J’ai été le premier à poser cette question à Pierre, pour lui demander d’expliquer. Lors d’une émission sur la Tfm, il avait donné ses explications, que je comprends. Pour cela, il a dit : comme je ne peux pas empêcher les gens de construire sur le littoral, autant participer à son élaboration, orienter… Donc, il peut rentrer dans une situation de cette nature pour orienter, guider et penser qu’il pourrait influencer.
Est ce que le combat qu’il mène à vos côtés ne discrédite la Perl ?
Pierre est aujourd’hui président d’honneur de la Perl. Et on sait les prérogatives d’un président d’honneur. C’est quelqu’un qui rend service. Il a mis à notre disposition, un cabinet où nous pouvons imprimer. Ce n’est pas Pierre qui donne les terrains, mais il était conseiller d’un président de la République et il avait une influence sur lui.
Est ce que vous n’êtes pas en retard, quand on sait que tout le littoral est pratiquement occupé ?
La première réaction de la France pour la protection de son littoral date de 1970-71. Même le président Senghor qui disait : ne touchez pas à mon littoral, s’était inspiré de la France. A cette époque, la France avait mis en place le Conservatoire du Littoral pour le récupérer. Il était doté d’un budget colossal pour se réapproprier le littoral en indemnisant des occupants et en refusant de renouveler des baux etc. Tout le monde a eu le même problème. Par exemple en Espagne, il y a une loi sur la réappropriation nationale du littoral. Depuis l’an 2000 je suis dans le combat. J’avais écrit une contribution dans un journal pour dire que les pontes de la République se partageaient la corniche. Tous les régimes sont responsables de cette situation. L’ancien président Léopold Sédar Senghor, avait laissé des terres. Dès qu’il est parti, les pontes socialistes ont pris des terrains à Mermoz. Ils ont pris la corniche vers chez Pierre Goudiaby. Tous les anciens ministres y ont leur maison. Ensuite ils ont pris vers l’hôtel Ngor Diarama. Ils ont pris le «blockhaus», vers le bloc des Madeleine. On s’était battu pour obtenir l’arrêt de tous les travaux sur le littoral. C’est avec Me Abdoulaye Wade, qui avait donné un terrain à un colonel vers les Mamelles et Pape Diop, que les choses ont repris de plus belle. Donc, le combat date de longtemps.
Vous êtes en train de vous battre contre des gens qui ont des titres fonciers ?
Vous pouvez avoir des papiers. Mais pourquoi on a crée l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) ? C’est pour contrôler. Aujourd’hui, on peut contourner la Loi. Si vous rentrez dans le fond de ce dossier, vous trouverez des gens qui ont des titres précaires et révocables, mais qui font la dure tête. Il y a des gens qui ont des autorisations de construire, alors qu’au préalable, il n’y a pas eu des études d’impact environnemental, des consultations citoyennes etc. On sait de quelle manière on obtient des papiers au Sénégal.
Quelle est la solution que vous préconisez ?
C’est l’économie qui va décider. Ce qu’on a démontré en terme de benchmarking avec le Maroc. C’est que le prix du m2 est tellement élevé sur le littoral qu’il peut financer la démolition des constructions, l’indemnisation et les projets. Donc quelqu’un qui a un milliard d’assiette et qui construit une maison d’une valeur de 50 millions, peut parfaitement indemniser sa démolition. Le premier principe, c’est que l’approche doit être rationnelle et facile. Autrement dit, il faut stopper d’abord les chantiers le temps de faire l’état des lieux de l’occupation du littoral. Ensuite travailler à sécuriser les parties du littoral qui ne sont pas encore touchées, travailler à exercer des droits de reprises à ceux qui n’ont pas respectéleurs obligations dans le cadre des baux. On discute avec ceux qui ont déjà construit. On prend par exemple le Terrou bi. Nous disons au Gouvernement de travailler dans le cadre d’une taxe sur le littoral. Lors de la COP21, le président Macky Sall parlait de pollueur payeur. On est dans le même sillage. Nous disons que ceux qui nous empêchent de voir la mer, paient. Ceux qui bloquent la brise marine, paient. On va dire par exemple, le Terrou, on va lui appliquer la taxe de privilège du littoral. Mais on attend son résultat net et lui appliquer la taxe pour financer des aménagements et leur entretien. On ne pense pas à la démolition. Nous allons accompagner l’Etat pour la réappropriation du littoral. Après l’épisode de l’ambassade de Turquie, le président de la République avait crée le Comité mixte de réflexion sur le littoral (Cmrl) qui est tombé en désuétude. Nous avons fait un rapport de synthèse envoyé au chef de l’Etat. Donc, on attendait que les choses bougent après sa réception du rapport. Nous demandons sa réactivation. L’un de ses rôles, c’est d’assurer le suivi des investissements.