HARO SUR L'EXTERNALISATION DES VISAS
Lassées par les files d'attente interminables et les passeports bloqués pendant des mois, des ONG sénégalaises exigent de plusieurs chancelleries occidentales une réforme du système des visas qu'elles jugent compliqué et opaque

L’externalisation des démarches dans les procédures de demande de visas au Sénégal est fortement décriée dans le pays. C’est pourquoi, vingt-sept organisations de la société civile ont décidé de prendre à bras le corps le problème et d’écrire aux différentes ambassades concernées. Elles exigent ainsi une réforme de la procédure avec une annulation ou une suspension de l'externalisation des démarches de demande de visas.
Les ambassadeurs de la France, du Royaume de Belgique, du Canada, de l’Afrique du Sud, du Royaume d’Espagne, des USA, de l’Allemagne et de l’Italie au Sénégal sont interpellés sur les procédures de demande de visas au pays de la Teranga.
En effet, vingt-sept organisations de la société civile leur ont adressé une lettre ouverte dans laquelle elles attirent leur attention sur les nombreuses difficultés rencontrées par les Sénégalais désireux de se rendre dans leurs pays pour obtenir un visa.
Ces organisations de la société civile (OSC) ont de ce fait décidé de partager avec eux quelques idées de solutions pour pallier cet état de fait.
Indiquant que la demande de visa est devenue un vrai chemin de croix pour nombre de Sénégalais qui éprouvent des difficultés pour trouver un rendez-vous auprès du prestataire extérieur du consulat, elles ont appelé à repenser le système pour le rendre plus simple et capable de mieux servir ceux qui y ont recours.
Selon les organisations signataires de la lettre, il paraît important, à cet égard, de suspendre le recours à l’externalisation des démarches, qui est non seulement source de frustrations mais aussi de trafics multiples, ce qui, d’une certaine manière contribuera à réduire drastiquement les frais de visas, et offrir aux Sénégalais, à qui le visa a été refusé, des voies de recours efficaces afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits.
Face à la hausse régulière de demandes de visas, rappellent elles, la plupart des ambassades et consulats ont fait le choix de recourir à des prestataires de service extérieurs pour des tâches dites « non régaliennes » liées au recueil de ces demandes. Il s’agit principalement de la prise de rendez-vous, l’accueil du demandeur, l’acquittement des droits de visas, la collecte des documents nécessaires à l’instruction des visas et le recueil des données biométriques.
«Les rendez-vous de visas revendus jusqu’a 400 000 fcfa»
“Ce recours à un prestataire privé avait pour objectifs de désengorger les consulats, améliorer, de manière significative, la qualité de l’accueil des demandeurs, et de dépolitiser la délivrance des visas, mais aucun de ces objectifs ne semblent avoir été atteints au Sénégal pour preuve les files d’attentes sont toujours démesurées devant les entrées et lieux de dépôts, les passeports restent bloqués, en moyenne un à deux mois, entre le Centre et le Consulat et il est très difficile pour le demandeur d’accéder à une information fiable sur la procédure ou d’approcher les agents consulaires”, fustigent les signataires de la lettre ouverte dont “L’AS” détient une copie.
Pire, apprend-on, un véritable trafic s’est installé avec des intermédiaires qui «gèrent» les rendez-vous de visas et les revendent à prix d’or, jusqu’à 400.000 FCFA, transformant ainsi la procédure en un «commerce» très lucratif.
Les organisations signataires de la lettre ouverte estiment que les pays cités dans leur document doivent mettre un terme à cette pratique immorale et aller dans le sens de la mise en place d’une procédure plus démocratique et transparente que nombre de pays ont adoptée, à savoir le Evisa, qui a l’avantage de permettre un traitement en ligne des demandes de visas. Non sans indiquer qu’ils doivent aussi arrêter de faire peser sur le demandeur les carences des services publics consulaires, incapables d’organiser eux-mêmes un accueil décent dans leurs locaux et avec leurs propres personnels. Elles demandent aussi aux consulats de bien motiver les refus de visa et de bien informer les demandeurs des voies de recours qui s’offrent à eux.
Elles font savoir dans la foulée que la migration est un droit humain fondamental, consacré par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui dispose en son article 13 alinéa 2 que «Toute personne a le droit de quitter tout pays y compris le sien et de revenir dans son pays». Ce principe, disent-elles, est renforcé par d’autres instruments internationaux et régionaux auxquels ces pays et le Sénégal ont souscrits.
En ce sens, soutiennent-elles, il urge d’humaniser la procédure et de faciliter la tâche à ceux qui ne souhaitent, à travers leur mobilité, qu’à rapprocher nos peuples et raffermir davantage leurs liens.
Face à cette situation incompréhensible, force aussi est de constater pour le regretter le silence assourdissant de l’État du Sénégal, se sont désolés les signataires de la lettre ouverte. “C’est comme si les autorités au premier chef la Présidence de la République, la Primature, le Ministère des Affaires étrangères, le Ministère de l’Intérieur, l’Assemblée nationale (pour ne citer que celles-ci) n’étaient pas au courant de cette situation”, lit-on en définitive dans la lettre ouverte signée par vingt-sept organisations de la société civile dont le Réseau Migration Développement (REMIDEV), le Forum Social Sénégalais (F.S.S), la Confédération Nationale des Travailleurs du Sénégal(C.N.T.S), Enda Diapol (Enda Dialogue et Prospective), la Rencontre Africaine Pour la Défense des Droits de l’Homme (R.A.D.D. HO),...