« VOUS NE DEVEZ TRANSMETTRE VOS DONNÉES PERSONNELLES QU’AU COLLECTEUR MANDATÉ PAR LE CANDIDAT »
Pr Mamoudou Niane, directeur des affaires juridiques de la Cdp - ENTRETIEN
Dans cet entretien accordé à «l’As», le Directeur des Affaires Juridiques de la Cdp, Pr Mamoudou Niane revient sur les mesures prévues par sa structure, pour préserver les données personnelles des citoyens collectées dans le cadre du parrainage par les candidats à la candidature à la présidentielle de 2019. Parmi ces dispositions, la structure a élaboré un miniguide qui est destiné aux candidats, aux collecteurs et aux parrains, sur le traitement des données à caractère personnel.
L’AS : Nous sommes au début du processus de parrainage à l’élection présidentielle 2019, quelles sont les mesures prises par la Cdp pour que les données personnelles des citoyens ne se retrouvent pas dans la rue?
Mamoudou Niane : À l’occasion du parrainage, la Cdp a édité un mini-guide qui porte sur le traitement des données à caractère personnel, parce que nous avons été saisis par un citoyen sénégalais le 24 avril à travers une lettre ouverte, mais également au niveau des réseaux sociaux. Suite à ces différentes interventions la Cdp a essayé d’imaginer, le meilleur format de communication possible pour informer les Sénégalais sur le traitement de leurs données personnelles à l’occasion du parrainage. Donc c’est ce qui a été à l’origine de ce miniguide, qui nous a pris 4 mois de travail au niveau interne et externe avec certains acteurs du parrainage, notamment le ministère de l’Intérieur.
Concrètement quelles sont les garanties que vous offrez pour la sécurisation des données personnelles des parrains ?
Ce mini-guide est structuré en deux parties sous forme de Droit pour les parrains, et sous forme d’Obligation pour les candidats. Ainsi, pour ce qui est des parrains, nous avons voulu attirer leur attention sur les prérogatives que la loi leur reconnait. Notamment le droit d’être informés sur les finalités du parrainage, sur les catégories de données qui seront collectées, sur leur droit d’accès mais également sur les autres prérogatives que la loi reconnait notamment : la rectification et la suppression. Donc au total, ce guide a consacré 4 droits aux parrains : le droit d’être informé, le droit d’accès qui les autorise à consulter si les données qui ont été prélevées sont correctes, actuelles, et si ce sont seulement les données prévues par la loi électorale qui ont été collectées. Enfin le Droit de suppression et de Rectification en cas d’erreurs matérielles de même que celui de supprimer des données, qui ne sont pas exactes, ou qui n’ont pas à être transmises. Par rapport aux candidats, il y a un certain nombre d’obligations, dont : l’obligation d’informer afin de recueillir un consentement libre et éclairé. En effet, le citoyen qui doit donner ses données personnelles doit avoir des réponses claires sur chacune de ses préoccupations relativement à ces données. L’autre obligation c’est celle de la sécurité. A ce propos, il faut que l’on s’assure que toutes les données qui sont collectées ne seront utilisées que dans le cadre de ce parrainage précis, et qu’une fois le processus électoral sera terminé, elles seront archivées ou détruites
Une fois que des données d’un parrain sont rectifiées, qu’est-ce qui prouve leur différence avec les données initiales ?
Il y a quelques mécanismes qui ont été prévus d’abord au niveau de la loi électorale et au niveau de notre loi de 2008-12, sur les données personnelles. Au niveau du droit électoral, il est prévu que ces fiches soient déposées au niveau du Conseil Constitutionnel à des fins de vérification. Et à la fin de ce processus électoral, ces données devront être normalement archivées et sécurisées au niveau du Conseil constitutionnel. Maintenant pour ce qui est des candidats, s’ils gardent par devers eux des exemplaires de ces listes sous forme de copies, ils doivent êtres sûres qu’à la fin du processus électoral, elles seront gardés ou intégralement archivées. Mais également qu’elles soient sécurisées en lieu sûr afin que des tiers non autorisés n’y accèdent pas. Sinon ces données devront êtres détruites de manière définitive, afin qu’une utilisation frauduleuse ne soie pas possible
On note une certaine méfiance des populations quant à la transmission de leurs données personnelles. Doiventelles faire confiance aux collecteurs de signatures ?
Il faut savoir que le Code électoral et les arrêtés qui ont été adoptés par le ministre de l’Intérieur, prévoient les modalités pratiques du parrainage. C’est une compétence qui échappe à la Cdp ; il est clairement indiqué que chaque candidat doit nommer un coordonnateur au niveau national et des collecteurs. Donc ce sont ces acteurs, qui sont censés être des personnes de confiance auprès des citoyens sénégalais. Vous ne devez transmettre vos données personnelles qu’au collecteur qui a été exactement mandaté par le candidat. En principe, ce collecteur doit pouvoir justifier d’un mandat qui fait de lui l’unique représentant du candidat dans une localité déterminée. À ce niveau, c’est le ministère en charge des élections qui doit veiller à ce que les candidats respectent les dispositions de la loi électorale. Au niveau de la Cdp, ce que nous pouvons garantir, c’est qu’en cas de contentieux entre un parrain et un collecteur, si nous sommes saisis que nous puissions vérifier si c’est exactement le mandataire habilité qui a recueilli les données. Parce que si ce n’est pas le mandataire c’est un traitement qui est frauduleux, et c’est puni par le Code pénal. Donc si jamais une personne non autorisée collecte ces informations soi-disant pour le parrainage, alors que tel n’est pas le cas, ce traitement illicite est puni par le Code pénal. Maintenant si c’est le mandataire qui le fait, le degré de confiance dépend à la fois au niveau du candidat et des dispositions qui seront prises par le ministère en charge des élections.
que prévoit la loi sur des éventuels cas de fraudes ?
Il y a des sanctions qui sont prévues par le droit électoral, c'està-dire une peine d’emprisonnement et une amende en cas de certaines fraudes. Il y a aussi des sanctions qui sont d’ordre administratives, voir politiques, avec l’invalidation des doublons ou des parrainages qui sont frauduleux. Du point de vue de notre loi sur les données personnelles, si nous sommes saisis aussi, nous pouvons appliquer les sanctions qui sont prévues par la loi de 2008, des avertissements, des mises en demeure, ou tout simplement saisir la justice afin qu’elle applique les textes de référence
toujours dans le cadre des stratégies que vous comptez mettre en œuvre, envisagezvous de déployer des équipes dans le pays ?
En réalité non, puisque qu’on ne dispose pas d’effectifs nombreux mais nous comptons utiliser les supports médiatiques pour sensibiliser les citoyens au maximum. Nous comptons également dupliquer ce mini-guide en plusieurs exemplaires qu’on distribuera. Pour le reste du travail, nous l’effectuerons au niveau de nos locaux si jamais on est saisi pour certains cas qui relèvent de nos compétences.
Changeons de sujet et parlons du site Seneporno qui continue de diffuser des vidéos. qu’est-ce qui retarde la fermeture de ce site ?
C’est un dossier qui est complexe, puisqu’il a des ramifications au niveau international. Mais au niveau de la Cdp nous avons fait le travail, et l’ensemble des dossiers est maintenant confié à la justice. Donc c’est la justice qui suit son cours. Avec le temps judiciaire, nous verrons son aboutissement.
Apparemment ce dossier prend beaucoup de temps. N’est-ce pas un aveu d’échec de la Cdp ?
Il faut relativiser les choses, parce qu’entre ce que pense l’opinion publique du fonctionnement de la loi ou de la justice et ce qu’il en est réellement, il peut y avoir un écart. Le traitement judicaire de certaines affaires peut prendre du temps, parce que nous ne sommes pas censés ignorer qu’il s’agit d’un dossier complexe, qui ne peut pas être réglé, comme tout se qui passe au Sénégal, où l’auteur présumé des faits et les victimes se font face, et ou la police et la justice ont la plénitude de leurs compétences. Dans ce cas, les choses seraient plus faciles.