GRIS, GRAS, ZAM : L’ÉLAN BRISÉ D'UN TRIO MAGNIFIQUE
Avec un look qui détonait (n’est-ce pas, Zam ?), une belle insouciance et une complicité sans pareille autant sur le terrain qu’en dehors, le trio d’attaque avait même sorti le village traditionnel de Ouakam de sa torpeur
Ils ont en commun d’avoir été des footballeurs de grand talent et de n’avoir jamais disputé une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations (Can). Pour une raison ou pour une autre. Nous vous proposons d’aller à la rencontre de cette belle brochette de joueurs qui auraient certainement fait bonne figure dans cette compétition si courue. Aujourd’hui, la triplette Gris, Gras et Zam.
Gris, Gras, Zam ! C’est le tube des années 1989 – 1990. À l’état civil, c’étaient les jumeaux Al Hassane et Al Ousseynou Sène et leur compère Amadou Ndoye Ndiaye. Mais pour le monde du football, c’étaient simplement Gris, Gras et Zamadou ! Un trio magnifique débarqué en cours de saison, de Besançon en France, dans l’équipe nouvellement promus de l’Us Ouakam qui se morfondait dans les bas-fonds du classement de la D1 et qui avait complètement transfiguré cette formation. Avec un look qui détonait (n’est-ce pas, Zam ?), une belle insouciance et une complicité sans pareille autant sur le terrain qu’en dehors, le trio d’attaque avait même sorti le village traditionnel de Ouakam de sa torpeur. L’Uso faisait se déplacer les foules et ses trois attaquants, Gris avec le dossard 12 à droite, Gras avec le numéro 14 à gauche et Zam en pointe avec le maillot floqué du 13, servis par l’excellent gaucher Youssou Mbengue en meneur de jeu, martyrisaient les défenses.
Un match, remporté (1 – 0) face au Port qui jouait alors les premiers rôles, leur avait suffi pour se faire sélectionner dans l’équipe nationale qui préparait le Cabral de Bamako en 1989. Et c’était parti pour un bail avec la Tanière. Amadou N. Ndiaye Zam se souvient même avoir été la doublure de Jules Bocandé, lors du fameux match Sénégal – Tunisie où les « Lions » s’étaient imposés 3 buts à 0 à L.S.S, en éliminatoires de la Can Algérie 90. « D’ailleurs, à un moment du match, alors que le score était nul et vierge, Bocandé souffrait terriblement de problèmes gastriques et quand je suis allé sur le bord du terrain lui apporter une bouteille d’eau, il m’a dit de me tenir prêt à entrer. Je lui ai rétorqué qu’il devait continuer à jouer », rigole Zam. Il avait bien fait de s’être rétracté, puisqu’en seconde période, Boc a frappé deux fois et Lamine Ndiaye avait conclu le festival.
Au retour, à Tunis, Zam n’était pas du groupe. Mais Gras si ! « J’étais le seul attaquant sur le banc. Et lorsqu’au bout de quelques minutes Youm s’est blessé, je me suis aussitôt levé pour m’échauffer. Mais Claude Le Roy avait préféré faire entrer le milieu de terrain Baytir Samb », se souvient Al Ousseynou Sène. Qu’importe, le Sénégal était qualifié à la phase finale après avoir raté la précédente au Maroc. « Moi qui ai toujours été titulaire lorsque les Senefs n’étaient pas là, j’étais en droit d’espérer être du voyage final. Mais, suite à un choc, lors d’un match de championnat face au Port, je me suis blessé aux adducteurs et n’ai pas été retenu », regrette Gras. Reparti entre-temps en France, Zam non plus. « Pour avoir fait la plupart des matches amicaux et de qualification, et étant la doublure du meilleur attaquant sénégalais voire africain de l’époque, je pouvais logiquement espérer faire partie du groupe », témoigne Zam. « Peut-être que si j’étais resté au Sénégal, j’aurais disputé cette Can et eu une autre carrière ».
Encore plus amer est Al Ousseynou Sène Gras, mais à propos de la Can suivante en 1992, au Sénégal. Et il s’indigne pour deux, parce qu’il témoigne aussi pour son double, Gris. « Cette fois, Claude Le Roy n’est pas allé au bout de ses idées ; il n’a pas été courageux ; il a simplement eu peur, a renié ses idées pour composer avec celles des autres », témoigne-t-il. Et d’expliquer : « pendant un mois, il nous prenait tous les matins de 05h30 à 06 heures, avec mon jumeau, au stade L.S.S, et nous entrainait comme latéraux : Gris à droite et moi à gauche. Il avait même insisté auprès de l’Uso pour qu’on nous fît jouer de temps en temps à ces postes. Mais notre coach tenait à son trio Gris, Gras Zam ». Après les avoir « fait travailler comme des fous » (tactique, tacling, etc.), alors que presque tout le monde était encore au lit, dans ce qu’il présentait comme « sa surprise tactique lors de la Can », Claude Le Roy les a laissés en rade au profit de pros trentenaires, dont certains ne jouaient même pas en club. « On avait une bonne équipe de locaux qui auraient pu faire quelque chose lors de cette Can ; mais on a presque tous été mis sur la touche », regrette Gras. « C’est cela qui a faussé mon palmarès. J’avais le talent et la volonté. Mais mon rêve a avorté d’entendre l’hymne national, vêtu du maillot de mon pays et de jouer aux côtés de Oumar Guèye Sène pour profiter de ses caviars ». Selon lui, sans aucun doute, « 1992 reste la plus mauvaise année de ma carrière. Pire même que 1994 où je m’étais fracturé la jambe. Et c’est la même chose pour mon jumeau, Gris ». Même à deux pour tenter d’oublier cet épisode, ça reste compliqué pour Gris et Gras. Si Zam y ajoute son spleen de 1990, cela ne peut donner qu’un tableau bien sombre pour ce trio qui avait conduit l’Uso jusqu’en quarts de finale de la Coupe des vainqueurs de Coupe en 1990 après avoir bouffé les Requins de l’Atlantique (Bénin) et le Tonnerre de Yaoundé (Cameroun) avant de tomber face aux Nigérians de Bbc Lions.