« NOUS SOMMES LÀ POUR APPRENDRE ET NON POUR DES MÉDAILLES »
Le Sénégal n’a pas pour ambition de décrocher de médailles dans les championnats d’Afrique senior qui se déroulent présentement à Asaba au Nigeria - Pape Serigne Dène, directeur technique national de l’athlétisme se veut clair - ENTRETIEN
Pape Serigne Diène se veut clair. Le Sénégal n’a pas pour ambition de décrocher de médailles dans les championnats d’Afrique senior qui se déroulent présentement à Asaba au Nigeria. Avec une moyenne d’âge des athlètes de 21 ans qui, pour la plupart participent à leurs premières joutes continentales, l’objectif reste l’apprentissage. Toutefois, le directeur technique national de l’athlétisme, demande que soit mis fin à ce qu’il qualifie de «mascarade». Il suggère que l’investissement soit fait à la base, sur les petites catégories au lieu de miser sur quelques athlètes seulement
Après deux journées de compétition (l’entretien a été réalisé jeudi), comment est-ce que vous expliquez techniquement les performances des athlètes sénégalais ?
Par rapport à l’analyse de ces performances, je dirai que les gosses ont couru à leur niveau parce qu’à l’entame même des championnats, j’ai eu à le préciser. Ce sont des gosses qui viennent pour la première fois aux championnats d’Afrique et qui sont pour la plupart au lycée. Donc, ils ont fait des performances intéressantes qui leur permettent de faire des performances pour venir participer aux championnats. Mais pas des performances quand même pour obtenir une médaille dans ces championnats. Donc, je peux dire que l’objectif a été atteint sur le plan de l’apprentissage du haut niveau parce que les championnats d’Afrique, surtout à une année où on prépare la coupe intercontinentale, c’est le haut niveau, le niveau mondial. Par conséquent, s’ils parviennent à faire partie des 16 meilleurs déjà, c’est quelque chose et je pense qu’on a enregistré aujourd’hui. Il reste maintenant à faire le suivi pour que vraiment dans quelques années, on puisse avoir les résultats qui sont souhaités et qui sont le niveau réel du Sénégal
Est-ce que vous pensez que d’ici les prochains championnats d’Afrique en 2020, il y’a une possibilité avec cette équipe, si elle est bien encadrée, d’obtenir quelque chose ?
Je ne dirai pas les prochains championnats d’Afrique. Pour être cohérent il faudra travailler, à moyen terme. Et travailler à moyen terme revient à donner un rendezvous dans deux ans. Parce que, je le rappelle dans la délégation, il y’a pratiquement la moitié qui est âgée de 20 ans à 22 ans. Donc, ce sont des jeunes qui vont apprendre et d’ici deux ans, ils peuvent faire pas mal de choses au niveau des championnats africains voire mondiaux. Je veux nommer par exemple le cas de Louis François (qualifié hier, vendredi 3 août, en finale du 110 mètres haies, Ndlr) alors qu’il n’est même pas encore sénior (il a 19 ans, Ndlr). Donc, je pense que c’est déjà révélateur étant donné qu’il a été le meilleur junior au niveau de l’Afrique de l’Ouest. Donc, on a jugé de le laisser chez les séniors. C’est le cas de Fatou Gaye (elle a atteint les demi-finales, Ndlr) qui est en première année sénior. Fatou Diocou est aussi en première année sénior et tant d’autres. Il faut les accompagner et je pense que dès l’année prochaine au niveau africain, on peut avoir quelque chose. Mais la vraie évaluation doit se faire dans trois ans
Quid des championnats du monde de 2019 et Tokyo en 2020 ?
Oui effectivement, je pense que Tokyo 2020, on peut être ambitieux. Si on veut vraiment travailler, on doit se dire qu’à Tokyo, nous devons être présents. Parler de médaille, je ne suis pas d’avis mais parler de la présence aux championnats du monde ou bien aux jeux olympiques, on doit pouvoir rêver. Sinon, on n’aurait pas notre place ici et on a la capacité. Il s’agit juste de nous accompagner dans notre politique. Parce que le haut niveau, ce n’est pas quelque chose qui se construit dans le court terme. Or, si à chaque fois, quand il y’a les compétitions qu’on soit obligé de reprogrammer, s’il y’a des compétitions on n’y prend pas part, ça impacte sur la performance à long terme. Malheureusement,c’est ce qu’on a vécu cette année. On a eu des problèmes pour les entrainements parce que le stade Léopold Sédar Senghor n’était pas fonctionnel. On a eu des problèmes pour des compétitions qui n’ont pas été tenues parce qu’on n’a pas eu l’accompagnement nécessaire des décideurs. En sus de cela, on voit les conditions dans lesquelles on a eu à faire notre dernier voyage. Toutefois, ça ne nous dédouane pas des manques de performance de haut niveau. Je pense que ce sont des choses qui sont à résorber dans le long terme pour pouvoir espérer quelque chose
On a vu le Sénégal terminer 4ème à Porto Novo 2012 avec plusieurs médailles, à Marrakech 2014, on est revenus sans aucune médaille d’or. On est partis à Durban 2016 pour deux médailles, une en or et une autre en argent avec respectivement Amy Sène (retraitée) et Amadou Ndiaye qui n’est pas là. Qu’est-ce qu’il faut concrètement pour que l’athlétisme sénégalais retrouve son lustre d’antan ?
Je vous remercie même de la question.Je pense qu’il y’a eu trop de mascarade. Ce qu’il y’a lieu de faire, c’est de retourner à la base, essayer de massifier au niveau de la base et préparer notre élite. De tout le temps, on s’est focalisés sur quelques athlètes en investissant le maximum sur eux, en oubliant la base. Tant que nous n’aurons pas une base solide, à chaque fois, nous allons retrouver des zones de turbulences où on n’aura pas du tout d’athlètes. C’est ce que le Sénégal a vécu, il y a quelques années en faisant des mascarades avec quelques athlètes et finalement, on paie les pots cassés. Je pense que maintenant, il faudra vraiment éviter cela, en essayant de travailler à la base des compétitions de petites catégories, détecter les meilleurs sénégalais, les accompagner. Et à chaque fois, on aura une relève qui puisse vraiment représenter dignement le Sénégal
Pour ça aussi, il faut les moyens. Qu’est-ce qu’il faut faire concrètement pour convaincre les décideurs, les autorités ?
Les moyens, c’est de comprendre d’abord pour les décideurs que l’athlétisme, c’est une discipline de base. Quand l’athlétisme marche, ça va drainer pas mal de discipline. Pour que notre sport soit visible, soit performant, il faudra vraiment que tous nos sportifs soient vraiment athlétiques. Et ça passe par une pratique à la base de l’athlétisme. De bons athlètes pourront devenir après de bons footballeurs ainsi de suite. Et si maintenant les décideurs nous permettent de tenir convenablement nos compétitions, de faire des détections, de mettre nos athlètes dans les conditions, je pense que tout le monde va y gagner et principalement l’athlétisme. Donc, on peut avoir de bons athlètes qui seront accompagnés et qui pourront faire des performances au niveau mondial.