Célébration de la journée du 8 mars : Ces femmes qui sortent de l’ombre
Il y a un proverbe indien qui dit : «Elever une fille, c’est comme arroser le jardin de son voisin.» En d’autres termes, l’investissement ne serait pas rentable. Mais, c’est Mahatma Gandhi qui a raison : «Eduquer un homme, c’est éduquer un individu. Eduquer une femme, c’est éduquer une famille.» La route est certes longue, mais le mouvement est toujours en marche. Même dans les pays où la femme a été niée, elle devient une perspective d’avenir, une voie pour sortir de la pauvreté et une garantie de stabilité. Il faudra vaincre les traditions, l’obscurantisme religieux pour permettre encore de faire entendre ces silencieuses, ces étouffées et ces absentes.
Car elles sont victimes de la violence normalisée et acceptée par la communauté à cause du poids des traditions, des pressions de la belle-mère et du mari. Ce qui encourage les femmes à s’éliminer elles-mêmes. On les appelle les «mamans criminelles». On ne leur laisse pas le choix : on leur ressasse qu’une fille est une malédiction. Dans la Moitié du ciel, (Enquête sur des femmes extraordinaires qui combattent l’oppression de Nicolas Kristof et Sheryl WuDunn), l’on nous informe qu’il manque plus de 100 millions de femmes dans le monde. On les appelle les «femmes manquantes» ou «l’Absente». Le saviez-vous ? Cinq mille femmes meurent chaque année dans le monde victimes de «crimes d’honneur». Deux millions de petites filles meurent de faim chaque année parce que leurs parents ont préféré nourrir et soigner leurs frères.
Aujourd’hui, le monde a compris qu’il y a des moyens pour rompre le silence et vaincre la violence institutionnalisée. L’éducation est à la base de tout. La Chine est l’exemple d’un pays où le boom économique est directement lié à leur intégration dans l’économie. Au Rwanda, elles ont participé activement au redressement de l’économie du pays et occupent 55% des sièges du Parlement. Mieux qu’au Sénégal. Nous avons choisi de sortir de l’ombre des leaders qui se battent pour la bonne cause et qui ont brisé les chaînes de la fatalité dans plusieurs secteurs.
Aïda Samb, artiste-chanteuse : Xalam Awards !
C’est vrai qu’elle vous laisse sans voix. On est bouche-bée devant ce talent à l’état pur. Artiste au talent confirmé et affirmé, Aïda Samb est une étoile naissante qui brille de mille feux sur le ciel des ténors de la musique sénégalaise. Couronnée «meilleur artiste féminin de l’Afrique de l’Ouest en musique traditionnelle» lors des Kora Awards de décembre 2012, elle a touché précocement le sommet. A 25 ans. L’humilité en bandoulière, cheveux feuilletés par un vent frisquet, elle a le ton modeste. «Ce prix est comme un encouragement, une invite à la persévérance. Aïda est restée la même personne et je resterai toujours ainsi. Ce serait très égoïste de ma part de ne pas me comporter de la sorte. Ce sont les gens qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Dieu m’a conféré le statut d’artiste et je Lui rends grâce», bredouille l’artiste, la mine juvénile.
Bon sang ne saurait mentir. Petite fille de l’instrumentiste Samba Diabaré Samb, virtuose du Xalam, elle court, court et ne s’arrête jamais depuis la sortie de son album intitulé Saraaba. Cet album est un hommage rendu à son grand-père qui a vieilli sous le harnais. «Je parle tout le temps de lui parce que c’est grâce à mon grand-père que je joue de la musique», confie-t-elle. Bel hommage ! Une belle complicité règne entre eux. Signe de leur savoureuse entente, elle donne la réplique à son grand-père dans une séquence du documentaire de Laurence Gavron consacré à Samba Diabaré Samb. Et récemment lors d’une soirée «Sargal» (hommage) à la suite de sa consécration aux Kora Awards.
Depuis, la «digne» héritière de la lignée des Gawlo continue à creuser son sillon sous l’ombre des autres divas de la musique sénégalaise. En attendant, elle fait fantasmer ses groupies qui s’inclinent devant sa voix suave et cristalline. Aujourd’hui encore, elle affole et continue encore de surprendre son monde. Depuis près de deux ans, elle assure les chœurs au Super étoile de Youssou Ndour et remplace la défunte Ndèye Marie Ndiaye Gawlo, l’artiste à la voix polychrome et merveilleux trait d’union entre la tradition et la modernité. Avant que son leader ne monnaye le groupe à l’aune de sa carrière politique. «C’est une grande fierté pour moi. Dans le passé, j’avais déjà travaillé avec Youssou Ndour pour l’album Alsamaday», lance-t-elle furtivement en se préparant pour une tournée intitulée Casa tours, initiée par label Prince arts sa maison de production, du 8 au 10 mars courant au Sud du pays, à Ziguinchor. «Prince Arts s’est rendu compte que la plupart des artistes ne jouent plus trop en Casamance. Et c’est une situation regrettable. En tant que musiciens, on doit s’y produire pour égayer le public, rassurer leurs esprit et cœur», avoue-t-elle. «Trop féministe», l’artiste chante tout l’honneur des femmes de se voir attribuer une journée spéciale. «C’est une grande fierté pour nous et on ne peut que s’en réjouir. La femme est à la base de tout : elle est mère, épouse, sœur, tante, cousine», déclame-t-elle.
Cette vierge (elle est née le 14 novembre 1988 à Mbacké, dans la région de Diourbel) qui idole Youssou Ndour, Coumba Gawlo Seck et Baba Maal, est née pour chanter. Sa mère Fatou Sy Samb a fait les beaux jours du Dandé Leñol, tandis que son père, Ousmane Samb était l’ancien directeur artistique d’un club de théâtre à Mbacké. A l’appel du sang, Aïda Samb répond par le chant en assurant, en classe de Cours élémentaire première année (Ce1), les chœurs d’ouverture pour le théâtre dans son école Cheikh Ibra Fall de Mbacké où elle a passé tout son cycle élémentaire. La chanteuse à la voix de rossignol s’est fait découvrir sur le tard en 2003 au Collège moderne Gaïndé Fatma de Mbacké où elle a décroché son Brevet de fin d’études moyennes (Bfem). Et où elle a imposé ses premières marques dans la musique. «En 2003, j’ai signé une chanson générique pour la campagne de sensibilisation sur la scolarisation des filles à Diourbel», minaude-t-elle. Le Bfem en poche, elle débarque dans la capitale dakaroise et s’échoue au pied du Bac L, malgré deux tentatives au collège Jean de la Fontaine et au lycée John Fitzgerald Kennedy. Pour autant, elle ne baisse pas les bras et compte aujourd’hui encore se présenter en tant que candidate libre. Et cela aussi malgré un emploi de temps «surchargé». Aïda Samb ne s’arrête jamais.
Selly Raby Kane, 26 ans, styliste : Eclectique !
A 26 ans, Selly Raby Kane est éprise de stylisme. Jeune, ambitieuse et sérieuse, elle a réussi à se faire un prénom dans l’univers de la mode sénégalaise. Sous l’ombre de Sira vision, Fashion week, Seraka est un rendez-vous annuel couru par les passionnés de la mode. Instauré depuis 2008, ce gala de la mode a fini de l’extraire de l’anonymat pour la propulser vers la lumière. Depuis toute petite, elle entretenait ce rêve grandiloquent de tenir les ciseaux entre les mains pour en faire une affirmation sociale et personnelle. «Juste après mon bac, je ne me suis jamais dit que je voulais être styliste. J’aimais ça depuis que j’étais toute petite, mais c’est comme le gamin qui veut devenir pilote. C’est un rêve. Ensuite, je me suis dit que j’aimerais être journaliste, avocate. Après, la mode a pris le dessus», décline-t-elle.
Après avoir obtenu son Bac, Selly Raby Kane a entamé des études supérieures en administration-gestion en France avant de faire un master en droit privé. Malgré le temps et l’énergie qu’elle a consacrés à ses études, les professions qui s’y rapportaient ne l’ont pas séduite. «Ça ne ressemblait à rien. Je ne voulais pas être avocate. Rien de tout ça», sourit-elle. Elle se réoriente vers une école de mode afin de trouver sa vocation. Son chemin. «Je suis également chef de produit des industries pour la mode, je m’occupe de produits de mode de sa création à sa mise à la disposition aux consommateurs dans des magasins. Je suis plutôt dans le côté business de la mode», précise-t-elle.
Son look ne laisse personne indifférent. Selly Raby Kane transporte son univers, ses sentiments, ses goûts dans ses créations. Donc il ne faut pas être impressionné de voir dans ses collections des choses qui «sortent de l’ordinaire» «cartoons», ou encore «fantastiques». A l’image de la nouvelle génération ouverte à la culture urbaine, aux nouvelles tendances et fière de ses racines africaines, Selly puise son inspiration dans ce monde. Pour sa prochaine collection qu’elle va présenter en fin 2013, elle annonce un thème porté sur le futur. «L’objectif pour moi, c’est de coller plus loin dans mon univers et de faire en sorte que le côté enfantin, le côté fantastique, l’influence que le cinéma et la musique ont eu sur moi, que les gens que j’ai rencontrés ont eu sur moi, de le matérialiser en quelque chose de futuriste. Ce sera dans cette veine-là», promet-elle.
Célibataire sans enfants, Selly Raby Kane est déterminée dans ses entreprises. Sa réorientation n’a pas heurté un veto familial. «Ça n’a pas du tout été difficile, parce que je suis sérieuse dans ce que je fais, ils se sont rendu compte que c’est quelque chose de sérieux. Je pense avoir fait en sorte que ça soit un projet viable donc je suis allée étudier, je suis allée voir du côté d’école pour permettre de faire vivre un produit de mode (…).»
Elle n’a pas de limites dans ses ambitions. «Je ne suis pas quelqu’un qui se dit que la mode c’est toute ma vie, je ne fais que ça. Non j’ai des goûts pour le cinéma, je fais des costumes pour le cinéma, j’ai écrit aussi des choses en ce sens-là», soutient-elle. «Pourquoi se limiter à une seule chose, on a 24 h dans une journée, 30 jours dans un mois, on a 365 jours dans une année ? Pourquoi on ne ferait qu’une seule chose de tout ce temps-là. Moi je trouve ça dommage», argue-t-elle. Il ne faudrait pas s’étonner donc de voir un jour un film de Selly Raby Kane.
Pour l’instant, son ambition est de faire en sorte que sa marque Seraka ait des points de vente dans les grandes villes de mode. Eclectique elle l’est jusqu’au bout. Mais, son idole se trouve en Inde. Car Manish Arora (un styliste indien) est son inspirateur. «J’ai des goûts tellement éclectiques que je peux trouver des choses qui me frappent dans chacun des créateurs», précise-t-elle.