Daddy Maky et son combat pour faire du reggae une musique de référence au Sénégal
Dakar, 12 mai (APS) - Le renouveau du reggae et sa bonne perception au Sénégal doivent nécessairement passer par un travail qui l'imposerait comme "une musique normale", a soutenu l'artiste Daddy Maky, directeur artistique du Djoloff Reggae Festival.
Le reggaeman s'est désolé d'une perception courante au Sénégal, tendant à assimiler les spectacles de reggae comme des moments destinés à fumer du chanvre indien sans retenue. Daddy Maky s'entretenait avec l'APS, en marge d'un spectacle organisé samedi soir au Grand théâtre national à Dakar, pour le compte de la fête du 11 mai, commémorant la mort de Bob Marley.
L'initiative du Djoloff Reggae Festival a réuni sur scène plusieurs artistes dont Nubian Mady (Sénégal-USA), Royal Messenger (Gambie), Timshel Band, Naby, Metzo Diatta, Daddy Maky, Sangue Bi, Iba Guèye Massar et Baba Maal (Sénégal).
Ce dernier a fait un long témoignage sur Nelson Mandela qu'il a rencontré, avant de remettre un certificat de reconnaissance à l'artiste et animateur Amala Doucouré.
Daddy Maky, à l'origine de cette manifestation, a expliqué avoir voulu faire se rencontrer Bob Marley et Nelson Mandela, le premier président de l'Afrique du Sud post-apartheid, "deux combattants de la liberté, deux symboles de la lutte contre l'oppression, contre la tyrannie, deux géants, deux fils du continent africain qui ont tout donné à l'Afrique".
Un public timide et diversifié, composé de jeunes couples, d'enfants mais aussi des personnes âgées, a assisté à ce spectacle dont la faible affluence s'explique, selon Daddy Maky, par le fait que "le public reggae préfère aller au stade" pour plus de liberté.
"Ces histoires de fumer du chanvre indien, c'est ce qui nous amène tous les problèmes du monde. L'idée c'est d'amener le reggae là où des couples mais aussi des mères de famille viendront. Moi, j'ai des dreadlocks, je fais du reggae et pourtant je ne fume pas. Beaucoup sont comme moi et combattent cela", a expliqué l'artiste.
"Cela fait 20 ans qu'au Sénégal, on est bloqué dessus chaque 11-Mai ne parle que de fumer, mais le défi pour nous, c'était de montrer qu'on est des gens civilisés, qu'on peut venir dans des lieux comme le Grand Théâtre et respecter les règles", a-t-il dit.
"Nous avons la chance au Sénégal d'avoir un renouveau du reggae avec des artistes comme Natty Jean. Ce que je veux, c'est que le reggae soit une musique normale, c'est-à-dire une musique qu'on peut venir écouter au Grand Théâtre, à l'hôtel et pas forcément dans les stades. Celui qui veut fumer n'a qu'à rester chez lui", a déclaré Daddy Maky.
Selon lui, le fait de fumer était utilisée comme une provocation durant la période où les Noirs et les adeptes de la philosophie rasta étaient marginalisés. "C'était une stratégie marketing", a-t-il souligné, tout en reconnaissant que cette réalité n'a pas tout a fait disparu même si elle ne doit pas être assimilée au reggae.
"La musique, c'est un business. Nous sommes dans un monde de communication. Si l'on veut demain avoir des partenaires et voir les gens venir à nous, il va falloir se rendre à l'évidence et arrêter de fumer. C'est ça le problème au Sénégal", a-t-il argumenté.
La Côte d'Ivoire n'a pas ce problème avec Alpha Blondy, ni même la Guinée Conakry qui a réussi à faire émerger un jeune chanteur reggae, Takana Zion, car selon lui le public de ces deux pays a pris de la hauteur par rapport à tout cela. "Ce qui les intéresse, c'est l'artiste", a-t-il noté.
"Nous sommes des Sénégalais qui revendiquons nos racines africaines qui sont dans la philosophie reggae. Notre démarche, qui n'est pas forcément singulière, c'est d'aller vers le progrès social et économique. Nous voulons apporter notre pierre à l'édifice", a ajouté Daddy Maky.