ET SI L’OFNAC SAISISSAIT LE PROCUREUR ?
RAPPORTS DE L’IGE ET DE LA COUR DES COMPTES
Le 20 juin 2015, le président de la République a reçu le rapport d’enquête et d’investigation de l’Inspection générale d’Etat (Ige) des mains du Vérificateur Général, Monsieur François Collin et le 30 du même mois, celui de la Cour des Comptes, remis par Monsieur Mamadou Hady Sarr, Premier président de ladite Cour.
A la réception du rapport de l’Ige, le président de la République a promis que le rapport fera l’objet d’un examen attentif de sa part et que les mesures idoines seront prises. Le président de la République s’est également engagé à «corriger toute imperfection ou pratique contraire au droit et à l’efficacité».
En entendant sur les ondes des radios et/ou en lisant la presse, nombre de Sénégalais ont été choqués du niveau de manquement,
de prédation, de pillage et de fraude, dont certains gestionnaires de deniers publics sont les auteurs. Il en est ainsi de la gestion de l’Autorité de régulation des télécommunications des postes (Artp), de la Société des infrastructures de réparation navale (Sirn), de l’Imprimerie nationale, de la Direction des bourses, de la Caisse de sécurité sociale (Css), du Programme national de lutte contre la tuberculose (Pnt) etc.
La plupart de ces Sénégalais ont eu la même réaction : que le président de la République prenne des sanctions pour que cessent ces pratiques contraires à la gouvernance vertueuse, dont il s’est fait le chantre. L’unanimité s’est aussi faite pour que le président de la République transmette les rapports qui viennent de lui être remis, par les deux organes, mais aussi ceux d’avant aux autorités judiciaires.
Et pourtant, en y regardant de près, la voie présidentielle n’est pas la seule qui mène au procureur de la République.
En effet, l’article 3 premièrement de la loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), Autorité administrative indépendante (Aai) est chargée, dans sa mission de prévention et lutte contre la fraude, la corruption «de collecter, d’analyser et de mettre à la disposition des autorités judiciaires
chargées des poursuites les informations relatives à la détection et la répression des faits de corruption, de fraude et de pratiques assimilées, comme par toute personne exerçant une fonction publique ou privée».
L’analyse de cet alinéa est sans aucun équivoque : l’Ofnac peut manifestement faire le travail de collecte de tous les rapports publiés par les corps de contrôle et de les transmettre au procureur de la République. Ainsi que l’atteste l’article 12 de cette même loi, qui dispose que «l’Ofnac se saisit d’office de tout fait de fraude, de corruption ou de toute infraction visée au 1er de l’article 3 précité dont il a connaissance». Comment l’Ofnac peut-il connaître des faits de fraude, de corruption et de pratiques assimilées?
Ce qui demeure constant, réside dans le fait que l’Ofnac peut avoir connaissance de lui-même (la saisine d’office), des rapports de la Cour des Comptes ou de l’Ige. En effet, selon l’article 13 de la loi portant sa création, «l’Ofnac peut se faire communiquer tout rapport comportant des faits de fraude ou de corruption».
L’autre voie pouvant permettre à l’Ofnac d’avoir connaissance de tout fait de fraude, de corruption ou de pratiques assimilées, est celle indiquée par la deuxième et la dernière phrase de l’article 12 qui indique que l’Ofnac «peut être saisi pour toute personne physique (Ex : le citoyen sénégalais) ou morale».
De plus l’Ofnac n’est pas soumis à la règle de la certitude sur les faits qui lui sont communiqués, pour saisir le Procureur. Une simple présomption de fraude ou de corruption suffit. C’est l’article 14, toujours de la loi de 2012-30 qui nous le fait affirmer.
Selon cette disposition, «à l’issue de ses investigations, si les informations collectées et analysées font présumer de l’existence de l’une des infractions visées au 1er de l’article 3 (fraude, corruption et infractions assimilées), l’Ofnac transmet au procureur de la République un rapport accompagné des pièces du dossier».
En droit, l’indicatif vaut impératif. Donc, suite à la collecte et l’analyse des faits susceptibles d’être qualifiés de fraude, la transmission au maître des poursuites est immédiate.
Enfin, nous osons espérer que le travail d’analyse des rapports de l’Ige et de la Cour des comptes par l’Ofnac ne devra pas prendre beaucoup de temps, compte tenu des inspections, des enquêtes et des vérifications rigoureuses faites par ces organes de contrôle.
Alors l’espoir ne serait-il pas permis avec la présidente de l’Ofnac ?