LA JUSTICE PIÉTINÉE
CONSTITUTIONNALITÉ DES CAE, FAUX DE MIMI ET INSULTES DE SIDIKI KABA
Sur la Constitutionnalité des CAE, mais aussi, au sujet du faux de Mimi Touré et des insultes du ministre Sidiki Kaba, la justice sénégalaise a été mise à l'épreuve et elle a opté pour un véritable déni de justice, selon les avocats de Hissein Habré.
Le 12 mars 2015 a été une journée bien particulière pour les avocats de Habré. Au total, trois de leurs recours ont été examinés par le tribunal. Il s’agit d’abord de la question relative à la constitutionalité des Chambres africaines extraordinaires. Un examen du recours pour excès de pouvoir relatif au décret portant nomination des magistrats des CAE, suite à la décision du Conseil constitutionnel. Pour les avocats de l’ex-président
tchadien, c’est trop dire que de parler d’examen. Car selon eux, "la Chambre administrative a annoncé qu'elle rendrait sa décision, aujourd'hui même (NDLR : hier vendredi) et dans une heure !! Diable ! Autant dire que la décision était déjà prise et qu'il ne lui restait plus qu'à la communiquer". Ils ne seraient pas étonnés d’un rejet du recours de la part d'une "juridiction politisée".
Ce qui, selon eux, se présente comme le comble de l’ironie : c’est la présence parmi les juges de l’entité, d’Ahmadou Bal, ancien directeur de cabinet de Mimi Touré, ex-ministre
de la Justice. "C'est ce même fonctionnaire qui, en son temps, avait défendu la présentation de l'accord portant création des CAE devant l'Assemblée nationale. Autant dire un des orfèvres de cet accord illégal, positionné en juge au sein de la chambre administrative pour décider si son "œuvre" est légale ou non. Hallucinant!", s’exclament les avocats.
Ils estiment que l'exigence d'objectivité et d'impartialité mais aussi la nécessité de l'inexistence d'un conflit d'intérêts sont les attributs qui font le juge et qui confèrent à un processus judiciaire une crédibilité. "Mais dans l'affaire Habré, affaire françafricaine par excellence, c'est la loi du plus fort qui s'applique. C'est la volonté politique qui s'impose en lieu et place de la loi", regrettent-ils.
De la plainte pour injures publiques de Sidiki Kaba
Lors de ce 12 mars, considéré comme la journée de la liquidation des recours de la défense de Habré, la plainte contre Sidiki Kaba pour injures publiques a été traitée. La défense de Habré souligne que le juge, après avoir bloqué plus d'un an la plainte, a finalement décidé que les propos du "bourreau du peuple tchadien" ne pouvaient pas être considérés comme outrageants.
Les avocats renseignent qu’un appel a été introduit. "Le ministre de la Justice a changé son fusil d'épaule. Désormais, il plaide qu'il est passible de la Haute Cour de justice". C’est dire donc qu’un "ministre peut insulter qui il veut et même tuer quelqu'un et dire qu'il ne peut être jugé que par la Haute cour de justice qui, pour se réunir a besoin du vote d'une résolution à l'Assemblée nationale !
Laquelle résolution peut ne pas être votée par les députés, si le ministre appartient au camp de la majorité. On imagine aisément le scandale", fulminent les avocats.
D’autant que, renseignent-ils, la loi dit clairement que le ministre n'est passible de la Haute cour de justice que pour les actes accomplis dans l'exercice normal de ses activités professionnelles et qui ont un rapport direct avec sa fonction. Les conseils de rappeler l’exemple du ministre français Hortefeux qui, pour avoir lancé des propos racistes, s’était vu condamner par la justice française, tout ministre qu'il fut.
De l’avis des défenseurs de Habré, "des ordres politiques ont été clairement donnés pour le lancement de ce train fou dans le but de se débarrasser de tous les recours introduits par les avocats du Président Habré et ce, au mépris du Droit et de la Justice".
Du faux de Mimi Touré
Le recours numéro trois a concerné le "faux" de Aminata Touré dite Mimi. L'arrêt du Conseil constitutionnel a fragilisé sa position, selon les avocats de l’ancien président tchadien. Mais, ils restent convaincus qu’il est "certain qu'elle sera sauvée par le gong de la politique et des instructions données en conséquence de cause dans cette troublante affaire Habré".
D’en déduire que ce qu'il faut comprendre, "c'est qu'il est important pour le pouvoir de blanchir et d'organiser une totale impunité pour tous ceux ou celles qui, obéissant à ses instructions, ont eu les mains sales dans l'affaire Habré". La loi exige de Mme Touré d'être présente, pour que son avocat puisse avoir droit à la parole. Mais le constat, c’est que lors des deux précédentes audiences, elle ne s'est pas présentée et l'affaire fut renvoyée à une date ultérieure.
"Après Sidiki Kaba, la même chansonnette nous est jouée. Et quid de la déclaration officielle de l'ancien ministre des Affaires Etrangères, Alioune Badara Cissé, selon laquelle il n'a pas signé l'Accord de pleins pouvoirs brandi par Mme Touré ?", s’interrogent les avocats qui regrettent que "Madame Touré campe dans cette position d’impunité qu’elle a interdite à d’autres, en d’autres occasions".
Ils s’interrogent à nouveau : "Mépris de la justice de la part d’une ministre dont la fonction avait été d’en assurer le service. Il faut dire qu’elle avait clairement affirmé dans cette affaire de faux qu’elle avait agi sur instructions du président de la République !! N’était-ce pas la meilleure des défenses devant des magistrats nommés par le Président ?"
De l’avis des avocats de Habré, sur tous ces points, la justice sénégalaise a été mise à l'épreuve et elle a opté pour un véritable déni de justice.