"LA PREMIÈRE DAME DOIT IGNORER LES ATTAQUES CONTRE SA FONDATION"
BABA TANDIAN, PATRON DE PRESSE ET MÉCÈNE "SOLIDARITÉ PARTAGE" ET "ÉDUCATION SANTÉ"
Homme d’affaires et patron de presse, Baba Tandian a été au cœur des actions sociales menées par les fondations dirigées par les deux ex-premières dames du Sénégal, Elisabeth Diouf et Viviane Wade. Il souligne que ces deux structures ont contribué à soulager des personnes démunies. C’est pourquoi, l’homme d’affaires s’oppose aux voix qui demandent la fermeture de la fondation "Servir le Sénégal" dirigée par Marième Sall, l’épouse du chef de l’Etat. Pour M. Tandian, l’actuelle Première dame doit fermer les yeux sur les critiques et continuer à assister les nécessiteux.
Baba Tandian, quelle appréciation faites-vous des attaques qui visent la Fondation "Servir le Sénégal", dirigée par la Première dame Marième Sall ?
Ces attaques sont injustifiées dans la mesure où ceux qui le font ignorent la vocation et le fonctionnement d’une fondation. Une fondation est créée pour venir en aide aux personnes démunies ou aux personnes victimes de catastrophes naturelles. On a eu à voir à l’œuvre la fondation "Servir le Sénégal" lors des inondations de 2012.
Je n’ai pas l’intention de juger ceux qui attaquent la fondation, mais j’estime qu’ils font fausse route. Ce n’est pas le lieu de polémiquer. Une fondation n’est pas un lieu où l’on s’enrichit. Si la Première dame voulait bien s’enrichir, je pense qu’elle n’a pas besoin de la fondation pour réussir son dessein. Dans une fondation, on reçoit et l’on donne.
Ceux qui donnent demandent souvent des comptes. J’ai eu à participer au financement de plusieurs fondations. Des documents me sont souvent envoyés pour faire le bilan. Mme Elisabeth Diouf a créé sa fondation en 1994. 20 ans après, la nécessité d’assister les personnes démunies est toujours là. La pauvreté a considérablement augmenté. Ce serait une très mauvaise idée de demander à la Première dame de fermer la fondation.
Pourquoi ?
J’ai assisté à l’élaboration de la fondation, "Solidarité Partage" de Mme Elizabeth Diouf. J’ai participé au financement de cette fondation par le biais des galas et autres. J’ai souvent entendu vos confrères dire : dans les soirées de gala, les gens vendaient des tableaux qui n’avaient pas de valeur. Les gens ignoraient que les tableaux qu’on achetait étaient produits par de grands peintres de chez nous comme Kalidou Kassé. Ils étaient offerts à la fondation par ces artistes.
Nous connaissions les prix des tableaux, mais quand une Première dame organise une soirée de gala et met des tableaux en jeu pour récolter des fonds, ce n’est pas pour vendre, mais c’est pour trouver des donateurs, avoir des gens capables de participer au fonctionnement de la fondation. Il arrive que celui qui gagne offre à nouveau le tableau à la fondation. Quand Mme Diouf a démarré sa fondation, elle voulait surtout sauvegarder la mère et l’enfant. Le but était d’inciter les mères à vacciner leurs enfants.
Les premières affiches ont été imprimées à l’imprimerie Tandian. On voyait la Première dame encourager les mères des banlieues. Elle se déplaçait dans les banlieues avec des médecins pour des séances de vaccination. Les actions sociales sont venues se greffer. La fondation recevait énormément de lettres de demandes d’aides surtout à l’approche de la tabaski. C’est ainsi que la Première dame a élargi la fondation par une distribution d’aides. Pour cela, il a fallu revoir la formule de la fondation et créer un nouveau logo.
J’ai moi-même créé ce nouveau logo. L’action que faisait la fondation "Solidarité partage" a marché à merveille et cela a incité des chefs d’entreprise à venir soutenir des actions sociales. Je peux me permettre d’en citer un qui est un ami : Baba Tall qui a construit une maternité dans sa ville à Thiès, de façon désintéressée et a envoyé la clé de la maternité à la fondation. Mme Elizabeth a inauguré ce centre de santé. D’autres structures sanitaires ont été créées par la fondation par le canal d’autres mécènes à Golfe et à la Médina.
Mme Diouf a quitté le pouvoir, il y a plus de 10 ans, pourtant ces maternités fonctionnent à plein régime. Si Mme Diouf n’avait pas l’idée de faire cette fondation, est-ce que ces maternités existeraient ? Ceux qui demandent la suppression de la fondation de la Première Dame doivent se rappeler du bien fait des fondations qui ont existé dans ce pays.
Au delà des dons, existe-t-il de mécanismes particuliers de financement de ces fondations ?
Les fondations des Premières dames fonctionnent comme toutes les autres fondations du monde. L’ancienne première Dame des Etats-Unis, Laura Bush avait une fondation pour soutenir l’école sénégalaise. Mme Bush a investi en trois ans plus de 10 millions de dollars pour l’impression de manuels scolaires. Laura Bush était même venue aux Parcelles assainies pour inaugurer la distribution des manuels scolaires.
Cette Première dame a choisi de faire ces actions pour le Sénégal depuis un pays distant de 8500 kilomètres. Elle aurait pu le faire aux Etats-Unis. Cela prouve l’importance des actions sociales que mènent les Premières dames. Mme Bush a bénéficié du soutien de mécènes. C’est ainsi que fonctionne une fondation. Une fon- dation ne puise pas dans les caisses d’un Etat. Une fondation reçoit des dons. Je n’ai jamais vu une fondation recevoir des dons et demander aux donateurs de prouver l’origine des fonds.
Est-ce que vous avez le sentiment que la fondation "Servir le Sénégal" suit les traces des anciennes fondations des deux ex-Premières dames ?
Je ne joue pas beaucoup d’actions dans la fondation "Servir le Sénégal". J’ai joué des rôles importants dans les deux premières fondations, mais quand j’ai fait l’évaluation, je trouve que la première dame actuelle fait plus d’actions. Qui dit fait plus d’actions, dit fait plus de bruits. Peut- être, en faisant plus de bruit, les gens pensent qu’il y a anguille sous roche, alors qu’il n’y en a pas. Il n’y a pas de raison que les gens se posent des questions.
Je ne sais pas à quoi l’affaire de la Bmce retourne, mais si cette structure décide d’offrir 600 millions de Fcfa pour la construction d’un daara, je dis pourquoi pas. Bara Tall a eu à construire une maternité à Thiès, Saïd Fakhry a participé à la rénovation de la maternité du Golfe avec Tandian. Si ce daara est construit, les générations actuelles et futures peuvent en bénéficier. Demain, la Première dame ne sera plus là, parce qu’aucune personne n’est éternelle au pouvoir, mais ce daara sera toujours là.
Les détracteurs soupçonnent un manque de transparence...
On n’est pas une Première dame pour rien. Ce n’est pas devant les caméras de télévision qu’une Première dame peut s’enrichir. Quand quelqu’un veut s’enrichir, ce n’est pas devant les caméras. Même le fait d’annoncer les 600 millions répond à un souci de transparence. Si c’était pour d’autres buts, ça aurait dû se passer entre quatre murs.
Vous avez été témoin de l’évolution des fondations des Premières dames, pourquoi il y a plus d’attaques sur "Servir le Sénégal" que sur les autres ?
Il faut dire que la démocratie s’est tellement développée au Sénégal que tout le monde se permet de tout dire. L’esprit n’était pas la même chose à l’époque de Mme Diouf ou de Mme Wade. Aujourd’hui, il y a une grande liberté de ton. Les attaques contre l’Exécutif sont devenues banales. Les attaques font vivre la démocratie, mais elles doivent être justifiées pour être efficaces. Je suis très à cœur dans la solidarité. J’ai choisi cette ligne. C’est pourquoi, je défends les fondations des Premières dames.
Je comprends comment fonctionne le mécanisme. Je vous donne un exemple. Une dame avait un cancer du sein terrible. Tous les soirs, elle criait. Les douleurs étaient atroces. Le village de Yoff m’a saisi pour demander de l’aide auprès de la fondation Solidarité Partage. Quand je suis parti voir la Première dame, elle m’a dit que sa structure n’avait pas de budget pour ça, quand j’ai insisté elle m’a de- mandé de prendre la dame en charge au nom de la fondation.
Avec d’autres bonnes volontés, nous avons, pendant huit mois, pris en charge cette dame dont le traitement nécessitait 100 000 fcfa par semaine. Malheureusement, la dame est décédée, mais avec moins de souffrance.
Avec madame Wade, j’ai vécu l’expérience de l’orphelinat de Mbour. Les responsables avaient des difficultés pour transporter les urgences. Quand j’ai dit à la première Dame que des enfants mouraient en cours d’évacuation, parce que l’orphelinat était un peu loin de la ville, elle nous a demandés de trouver une solution et nous avons offert une voiture.
Pour soulager cet orphelinat, Mme Wade est allée visiter les enfants. Avec son appui, plus de 47 millions ont été récoltés au profit du centre. Je peux donner d’autres exemples. J’étais heureux de voir la Première dame sitôt installée aller au cœur de l’action avec les moyens mis à la disposition des populations victimes des inondations en 2012.
Chaque Première dame a son style. L’actuelle Première dame a choisi de se mélanger avec la population souffrante. J’apprécie cela à sa juste valeur.
Les détracteurs demandent la fermeture de la fondation. Cautionnez-vous cela ?
Parler de fermeture, je dis non. S’il y a la possibilité de doubler la fondation, il faut le faire. Ce serait la plus grosse erreur de la Première dame si elle suit ceux qui demandent la fermeture de la fondation. Ceux qui demandent la fermeture de la fondation ne se rendent pas compte de l’erreur qu’ils sont en train de commettre. Le nombre de gens que la fondation a soulagés.
Ces détracteurs ne voient pas l’ampleur. Le fait de demander la fermeture de la fondation relève d’une manœuvre politique qui ne dit pas son nom. Si j’ai un conseil à donner à la Première dame, je lui demande de fermer les yeux et de poursuivre les actions sociales en faveur des personnes démunies. C’est l’histoire qui la jugera.
La Première dame doit-elle faire un recentrage dans le fonctionnement de sa fondation ?
Je ne suis pas dans la fondation, j’estime que le Sénégal est devenu un no man’s land. Chacun fait ce qu’il veut. La démocratie est tellement ancrée dans la tête des gens que chacun peut émettre n’importe quelle critique. Je suis sûr et certain que ceux qui demandent la fermeture de la fondation, ne le souhaitent pas, mais c’est de la politique.
Sur cette voie, j’ai du mal à me prononcer. Je ne suis pas politique, mais je trouve que les politiques doivent épargner la fondation. Cette structure a une très grande importance, notamment pour les personnes démunies. Le jour où cette fondation n’existerait plus, elles seront les premières à voir les conséquences.
Ces critiques sont portées par de jeunes guides religieux...
Je suis un patron de presse. Le journal Direct Info était un peu le siège de ces jeunes marabouts. C’est à travers les colonnes de notre journal qu’ils portaient souvent les plus grosses critiques contre l’ancien président de la République. Je connais un peu ces jeunes marabouts. Je ne veux pas les juger. Ils ont peut-être des raisons qui les poussent à s’attaquer à la fondation, mais je me pose la question de savoir pourquoi ils s’en prennent à la Première dame. Il y a suffisamment de matières pour attaquer le pouvoir.
Je serais un bouclier pour défendre la fondation. Je crois à la solidarité. Je crois à l’entraide et au soulagement des gens pauvres. De plus en plus, la pauvreté gagne du terrain. C’est la plus grosse erreur que ces religieux commettent en de- mandant à la première Dame de fermer la fondation, parce qu’ils ne prendront pas le relais.