"LA VENTE AMBULANTE EST SOUVENT LA CAUSE DES PROBLÈMES"
Mamoudou Ndiaye Dit Samba Niang, président de l'association des sénégalais de Cannes et Paca
Il a vécu en Europe pendant une trentaine d'années. Un séjour au cours duquel il a acquis une certaine notoriété et un background au point d'être porté à la tête de l'association des Sénégalais de Cannes et Paca. C'est fort de cette expérience que Mamoudou Ndiaye dit Samba Niang s'est confié à EnQuête pour parler de la situation de nos compatriotes en Europe. Un contexte marqué par la mort de plus en plus troublante de Sénégalais dont le dernier cas en date est celui de Mor Sylla à Salou, en Catalogne.
Les décès dans des conditions troublantes de Sénégalais vivant à l'extérieur sont légion. Le dernier cas en date est celui de notre compatriote Mor Sylla mort en Espagne. Quel commentaire cela vous inspire ?
De manière globale, nous vivons ces situations en Europe. Il y a toujours des tensions entre les forces de l'ordre et nos compatriotes qui évoluent dans la vente ambulante. En tant que président de l'association des Sénégalais de Cannes et Paca (Provence Alpes Côte d'Asur), je suis souvent sollicité pour intervenir en faveur des Sénégalais qui ont des problèmes avec la police. S'agissant de la mort de ce Sénégalais en Espagne, je ne sais pas encore les tenants et les aboutissants. Tout ce que je peux dire, c'est qu'en ce moment, c'est très dur en Europe. Et la situation est beaucoup plus compliquée que les gens ne le pensent. J'ai vu de mes propres yeux des maisons perquisitionnées. Je discutais souvent de ces questions avec l'ancien Consul général du Sénégal à Marseille en l'occurrence Makhtar Kouyaté.
Ce dernier faisait un compte-rendu au commissaire de Cannes sur la situation des Sénégalais. A un moment donné, les autorités m'ont appelé et m'ont fait comprendre que les Sénégalais vendaient des produits contrefaits et qu'ils ne l'acceptaient pas. La première chose que j'ai eu à faire, c'est d'appeler les Sénégalais afin de les sensibiliser sur cette affaire. Dieu merci, ils ont suivi mes conseils. Par contre, ce qu'il faut déplorer, c'est que des fois, il y a des problèmes entre Sénégalais et il arrive souvent que ce sont des Sénégalais qui dénoncent leurs compatriotes. Parce qu'ils ont un différend avec un vendeur de produits contrefaits, certains n'hésitent pas à fournir toutes les informations le concernant à la police. Dès lors, la police est assez informée pour demander l'ordre de perquisitionner la maison du mis en cause.
Qu'est-ce qui explique cet état de fait ?
Nous l'avons vécu plusieurs fois, et ça ne doit pas se passer ainsi. J'en discute souvent avec mes compatriotes. Il faut reconnaître que ce sont les Sénégalais eux-mêmes qui appellent les forces de l'ordre pour dénoncer un compatriote. Ce n'est pas sérieux ! Les Européens savent que les Sénégalais ne sont pas des voyous, ni des voleurs. Ils sont conscients qu'ils gagnent leur vie honnêtement. Il m'arrive de saisir le maire de la ville. Actuellement, avec ce qui se passe en Europe, il faut que les gens fassent très attention. Je ne suis pas d'accord sur la manière de perquisitionner les maisons des Sénégalais, mais je ne peux pas affirmer que ce sont les policiers qui ont tué tous ces Sénégalais morts en Europe.
Les tensions entre la police et certains Sénégalais vivant et travaillant en Europe découlent souvent de la vente ambulante auquel se livrent des compatriotes, surtout dans les zones touristiques. Qu'en pensez-vous ?
C'est vrai qu'au niveau de la côte d'azur, une zone touristique très fréquentée pendant l'été, la vente ambulante y est interdite, mais il n'empêche que des Sénégalais y vendent leurs produits. Si la police les interpelle, elle saisit leurs marchandises. Dans cette zone, des Européens y tiennent boutique. Les Sénégalais achètent des articles en gros, pour ensuite les revendre à des prix moins chers. Comme la zone est très fréquentée, ils parviennent à écouler rapidement leurs marchandises, au grand dam des commerçants européens qui y tiennent boutique. Ce qui pose un grand problème. Les Européens ne digèrent pas certaines choses, tout n'est pas autorisé dans leurs villes. La vente ambulante y est considérée comme un délit. D'ailleurs, c'est même plus grave que certaines infractions routières. Je demande souvent à mes compatriotes d'éviter ces zones, mais c'est très difficile pour eux. Car ils doivent vivre et faire vivre leurs parents restés au Sénégal.
Selon vous, quelle est donc la solution pour remédier à cette situation?
Je pense que le problème de la vente ambulante peut être réglé entre autorités. S'il y a des difficultés, je pense que les autorités doivent intervenir pour faire des médiations. J'en profite pour rendre hommage au chef de l'Etat Macky Sall qui ne ménage aucun effort pour mettre les Sénégalais de l'extérieur dans de bonnes conditions. Ce qui me réconforte, c'est que les dirigeants européens vouent un grand respect à notre président. Peut-être que beaucoup de nos compatriotes qui sont à l'étranger ne le savent pas, mais c'est la réalité. L'Etat doit ouvrir des discussions avec les pays européens où il y a une forte colonie sénégalaise afin d'apporter des solutions à ce problème de la vente ambulante.
Ils sont nombreux à déclarer que le Sénégal n'a pas de politique migratoire. Etes-vous du même avis ?
J'ai fait une analyse approfondie de la situation. Et je ne suis pas du même avis que ceux qui pensent que la politique migratoire du Sénégal ne l'est que de nom. Nous qui sommes en Europe, sommes conscients du soutien que le gouvernement nous apporte. C'est vrai que dans les années passées, surtout entre 1990 et 1993, ce n'était pas le cas. Actuellement l'Etat nous vient en aide. Personnellement, je mène des actions de bénévolat, je suis en contact direct avec des Commissariats. Et nous intervenons souvent pour tirer nos compatriotes d'affaires. Par exemple pour le cas de Nice, J'ai même demandé au chef de l'Etat d'y ouvrir un bureau consulaire, et c'est presque acquis, car il nous a donné son accord. Les immigrés sénégalais sont nombreux sur la côte d'azur, c'est difficile de faire le déplacement jusqu'à Marseille. Si nous disposons de ce bureau, ça va nous permettre de mieux effectuer notre travail avec les consuls. C'est une demande sociale de tous les Sénégalais qui sont à Nice. Partant de cet exemple, l'on peut sans risque de se tromper dire que le Sénégal à une bonne politique migratoire.
Mais est-ce que cette politique migratoire mise en place accorde une place importante à la protection juridique de nos compatriotes ?
Personnellement, cette politique impulsée par le président Macky Sall me satisfait. Avant, c'était la croix et la bannière pour avoir une pièce d'identité ou un passeport, mais maintenant c'est devenu facile. Il n'y a pas longtemps, je me suis déplacé pour aller à Marseille avec une délégation, voir le consul pour aider les Sénégalais qui avaient des problèmes de papiers administratifs. Aussi à Paris, l'ambassadeur avait tenu des rencontres sans audience. C'était un moment pour les Sénégalais vivant en France d'exprimer leurs besoins et soucis. Vraiment nous sommes convaincus que le gouvernement est en train de faire de son mieux pour nous mettre dans de bonnes conditions. Mais si un compatriote dit qu'il ne peut pas se déplacer parce qu'il travaille, ça, c'est autre chose.
Récemment, un drame s'est produit à Dakar (Yoff Virage), un Espagnol du nom de Manuel Sanchez Yedra s'est suicidé après avoir tué sa femme sénégalaise. Que pensez-vous des mariages mixtes ?
J'ai vécu pendant plus de trente ans avec les Européens. Ainsi je connais un peu leurs habitudes. Sans prendre position sur cette affaire, je pense que si un accident se produit, on doit le considérer comme tel. J'ai vu plusieurs fois des Européens se suicider. En France et ailleurs, dans les autres pays de l'Europe, l'on ne peut pas rester une semaine sans voir un cas de suicide. Et souvent, c'est à la suite d'une dispute entre conjoints ou avec son employeur. Ça arrive souvent en France, je peux dire que cela fait partie de leurs habitudes. Dans le cas de ce drame conjugal qui s'est joué à Yoff Virage, je ne peux pas évoquer comme cause les mariages mixtes. Je ne peux pas m'aventurer sur cette question, car je suppose que c'est un accident qui devait arriver.
A votre avis il s'agit uniquement d'un accident ?
C'est ce que je peux dire, car c'est à cause d'un différend entre un couple que le drame s'est produit. Le mari s'est fâché contre sa femme, l'a tuée et s'est tué lui-même, ce n'est pas nouveau chez les Européens. C'est vraiment une scène banale en Occident. C'est vrai que nous ne connaissons pas cette pratique. J'ai vu des Européens s'interroger sur l'attitude des hommes sénégalais qui, après une dispute avec leur femme, passent l'éponge. Chez les hommes européens, ça ne se passe pas comme ça.
Vous êtes le responsable politique de l'Apr à Cannes et Nice. Comment votre parti se porte dans cette zone ?
Notre parti l'Alliance Pour la République (Apr), se porte bien dans la région de la côte d'azur. Dieu merci nous avons des sections en France. Je rends hommage au chef de l'Etat Macky Sall, je vois ses ambitions pour le Sénégal. Nous allons l'aider dans sa volonté de faire avancer le pays. A vrai dire, c'est la diaspora qui a compris en premier le message du chef de l'Etat. Je demande aux militants de la diaspora de se remobiliser en vue de l'élection présidentielle de 2017.
Vous pensez donc que le président Macky Sall va faire un mandat de cinq ans, comme promis ?
Le président est un homme d'honneur, s'il donne sa parole aux Sénégalais, le mieux, c'est de l'écouter et de croire en ce qu'il dit. Il a soutenu publiquement, devant la presse à Kaffrine, qu'il fera 5 ans. Notre devoir est de le croire et de ne pas verser dans des polémiques stériles. A notre niveau, nous préparons un grand rassemblement politique le 9 janvier 2016, à Cannes. Nous avons pris toutes les mesures et le parrain sera son excellence M. Macky Sall.