L'IMPACT "EXTRAORDINAIRE" DE MANDELA SUR LES ARTISTES SUD-AFRICAINS
PARIS, 07 déc 2013 (AFP) - La lutte de Nelson Mandela et la fin de l'apartheid ont suscité un foisonnement culturel exceptionnel en Afrique du sud, dont témoignent les artistes du pays présents en France pour la "saison sud-africaine", interrogés sous le choc de l'annonce de sa mort.
"Mandela a eu un effet extraordinaire sur ma vie et mon travail", témoigne Robyn Orlin, chorégraphe de renom. Née en 1955, elle a grandi sous l'apartheid et subi l'impact du boycott contre l'Afrique du sud à partir de 1980, qui "n'a pas aidé au début, c'est sûr, même si j'étais d'accord avec ce combat", raconte-t-elle.
"Je pense que c'est un miracle qu'a réussi à faire Mandela, je n'aurais jamais pensé vivre la fin de l'apartheid". Elle est surtout reconnaissante à Nelson Mandela d'avoir "parlé ouvertement du sida, en disant que les malades ont les mêmes droits que tous et doivent être traités dignement".
Sa mort est "très très triste, mais c'est aussi l'occasion pour le pays de se livrer à un peu d'introspection, de voir comment progresser de façon plus saine", dit-elle. Lindiwe Matshikiza, 30 ans, n'a jamais connu l'apartheid.
La jeune femme, qui joue la fille de Nelson et Winnie Mandela dans "Un long chemin vers la liberté" de Justin Chadwick, est rentrée d'exil avec ses parents à l'âge de 8 ans en 1991, année de l'abolition de l'apartheid.
"Ce que je fais aujourd'hui, travailler en France avec une compagnie, aller et venir comme je l'entends, me sentir dans mon droit, je pense que ce n'était pas le cas il y a 30, 40 ou 50 ans pour quelqu'un de mon âge", dit-elle.
La jeune poétesse Ronelda Kamfer, 32 ans, en résidence à La Rochelle (ouest de la France) depuis quelques mois, estime devoir beaucoup à la confiance en soi et à l'éducation que lui a donné la jeune "Nation arc-en-ciel". "Nous avions le sentiment que nous pouvions nous réaliser", dit-elle.
"Bien que mes parents aient été pauvres, la fin de l'apartheid signifiait que les choses devenaient possibles". Un extraordinaire appel d'air "Il y a eu un extraordinaire appel d'air, après l'autarcie dans laquelle était plongée le pays", rappelle Laurent Clavel, commissaire de la "saison sud-africaine en France", qui a organisé la venue de près de 800 artistes pour 200 manifestations de mai à décembre 2013.
"Sans ce foisonnement qui a suivi la fin de l'apartheid, nous n'aurions pas eu les saisons France-Afrique du sud de 2012 et 2013", souligne-t-il. "Les artistes ont beaucoup contribué à la lutte, et Mandela a d'ailleurs reconnu leur apport", rappelle-t-il.
Il cite des lieux d'avant-garde comme le "Market Theater" de Johannesburg, où se retrouvaient sur scène des artistes blancs et noirs, et le restaurant voisin "Gramadoellas", qui était ouvert à tous en dépit de l'interdit.
"A la fin de l'apartheid, les artistes ont eu soif d'ouverture au monde, de découverte de leur propre continent", rappelle-t-il. "On est frappé par l'énergie vitale qui se dégage à l'arrivée dans le pays, et qui transparaît dans les créations montrées en France".
On a ainsi pu voir en Europe la chorégraphe Mamela Nyamza et les "kids de Soweto", un groupe de jeunes danseurs de hip hop local, le "Ishbuja", qui dégage une énergie stupéfiante. "Le hip hop est énorme en ce moment", expliquait à l'AFP l'artiste Brett Bailey, de passage à Paris pour deux spectacles fin novembre.
Très critique, il juge que l'état de la Nation arc-en ciel "n'incite pas à l'espoir", évoquant "la détérioration de l'éducation et le peu de transformation économique" ainsi que "la corruption généralisée". "Il y a 20 ans nous avions Mandela. Il n'y a pas de figure aujourd'hui pour mettre une nouvelle vision sur la table".