MADAMA, DERNIER POSTE AVANCE FRANÇAIS AU CŒUR DU DÉSERT DU SAHEL
MADAMA (Niger), 1 jan 2015 (AFP) - Extrême nord du Niger, le désert s'étend à perte de vue: soudain, une rangée de tentes et des engins de terrassement émergent au milieu de nulle part. Dans ce décor inattendu, 200 militaires construisent en accéléré une base aux portes de la Libye.
Bienvenue à Madama, dernier poste avancé de l'armée française au Sahel, au plus près des sanctuaires jihadistes du sud libyen, qui se développent en toute impunité et inquiètent les pays voisins.
"Là-bas, à 100 kilomètres au nord, vous avez la frontière libyenne. Un peu à gauche, c'est la passe de Salvador", point de transit pour les trafics vers le Niger et le Mali, explique le lieutenant-colonel Thomas Finidori au ministre français de la Défense, tout juste débarqué d'un Transall.
Jean-Yves Le Drian scrute dans cette direction l'ennemi invisible qui menace de déstabiliser, depuis la Libye, le nord du Mali, tout juste libéré de l'emprise d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) et de ses mouvements dérivés, Mujao et Ansar Dine.
L'harmattan, vent mythique descendu droit de Méditerranée, balaie l'horizon, avec son cortège de sable qui s'insinue partout, mettant à l'épreuve hommes et matériels. La chaleur écrasante a cédé la place à un froid hivernal tout aussi rude, avec des températures nocturnes en dessous de zéro.
Inhospitalier à souhait, l'endroit offre pourtant une richesse incommensurable face au défi humain et logistique qu'il pose à chaque instant: l'eau abonde, dès 13 mètres de profondeur, alimentant le chantier de la piste d'atterrissage et le camp de base.
"On a eu de la chance, les Libyens avaient creusé des puits à l'époque de la construction de la route transsahariene, un grand projet de Kadhafi abandonné depuis", raconte Thomas Finidori, qui dirige l'installation du campement.
Presque incongru, un vieux fort colonial français, investi après l'indépendance par des soldats nigériens, se dresse encore fièrement, à quelques mètres à peine de la nouvelle base, même si le vent a rogné au fil du temps les créneaux dentelant les murailles.
- 'Rien ne nous fait peur' -
A quelques centaines de mètres, des camions surmontés de montagnes de marchandises attendent d'acquitter la douane, après un contrôle de leurs précieux chargements par l'armée nigérienne.
Détritus et restes d'ossements d'animaux jonchent le sable tout autour. "D'ici deux à trois jours, le checkpoint sera reculé de deux à trois kilomètres.
On accepte (sa présence à proximité) parce que c'est ponctuel mais d'un point de vue tactique, c'est une situation à bannir", concède le général Jean-Pierre Palasset, commandant de la force française Barkhane au Sahel.
Pour sécuriser la zone, les Français ont installé un fortin sur une ligne de crête, à deux kilomètres de là. Les hélicoptères survolent aussi régulièrement le secteur et, en cas d'urgence, des avions chasseurs Rafale peuvent être appelés en renfort de N'Djamena à 1.100 kilomètres de là.
"Ils peuvent être là en 40 minutes", note le général Palasset. Depuis longtemps, les soldats français sont rompus à la rusticité du désert. "C'est du camping, même si les tentes sont climatisées.
Rien ne nous fait peur!", s'amuse le sergent-chef Alexandre, du 19e Régiment de génie. Rien n'est toutefois laissé au hasard, y compris au plan médical. Douze spécialistes, chirurgiens, anesthésiste, infirmiers animent une antenne chirurgicale avec bloc opératoire, matériel de radiologie et de transfusion.
"Nous travaillons ensemble depuis trois ans. En traumatologie de guerre, il est très important d'avoir un esprit d'équipe", souligne le chef de l'antenne, le colonel anesthésiste Patrice Ramiara.
"Le contrat, c'est de ramener les blessés. Il faut pouvoir les rapatrier en 24 heures en France", explique-t-il. Dans un atelier improvisé tout juste protégé par une bâche, des mécaniciens s'affairent à l'entretien des matériels, avec les moyens du bord.
"On a pu changer ici un moteur d'hélicoptère Caracal", raconte le général Palasset. Les camions qui ravitaillent la zone mettent 15 jours à venir de Niamey ou N'Djamena, et les avions de transport militaire, seule alternative, sont souvent tributaires des vents de sable. A cette distance, la débrouille reste une valeur sûre. vl/bpi/tmo