NIGERIA: ARMÉE ET MILICIENS ONT REPRIS CHIBOK, LA VILLE DES LYCÉENNES ENLEVÉES
Abuja, 16 nov 2014 (AFP) - La ville de Chibok, dans le nord-est du Nigeria, a été reprise ce weekend par l'armée et des miliciens locaux, deux jours après être tombée aux mains du groupe islamiste Boko Haram qui y avait enlevé des centaines de lycéennes en avril.
Cette ville de l'Etat de Borno était tombée aux mains des islamistes jeudi après-midi, au terme de plusieurs heures de combats entre les islamistes et les miliciens locaux.
"L'armée a recapturé Chibok à 18h30 hier (samedi) soir", a déclaré à l'AFP le général Olajide Olaleye, porte-parole de l'armée de terre. "Des opérations de nettoyage sont en cours, mais la ville a été sécurisée", a-t-il ajouté dans un texto.
Même si Boko Haram s'est emparé de plusieurs localités au cours des derniers mois, Chibok était sous les feux des médias en raison de l'enlèvement mi-avril de 276 adolescentes par Boko Haram, qui avait provoqué une vague d'indignation au Nigeria et dans le monde.
Plusieurs chefs d'Etat, de grandes stars internationales et le pape François avaient participé à la campagne #bringbackourgirls lancée sur les réseaux sociaux en soutien aux jeunes filles de Chibok.
Symboliquement, la reprise de la ville par les autorités est importante pour le président Goodluck Jonathan, qui a annoncé cette semaine qu'il serait candidat à sa succession l'année prochaine.
Il avait été vivement critiqué au Nigeria et à l'étranger pour son manque de réactivité lors du rapt des lycéennes, dont 219 sont toujours captives. Pogu Bitrus, le chef des notables de Chibok, a confirmé à l'AFP que "depuis 17H00 hier (samedi) il n'y a plus aucun combattant de Boko Haram à Chibok".
Selon M. Bitrus, qui est en contact avec les miliciens anti-islamistes sur place, la ville a été reprise au terme d'une opération conjointe de la milice locale et de l'armée.
"Les miliciens sont entrés dans Chibok et les soldats sont restés à l'extérieur de la ville pour capturer les insurgés qui essayaient de s'enfuir", a-t-il précisé.
- Les miliciens combattent à la place de l'armée -
Jeudi, plusieurs habitants avaient affirmé que l'armée avait fui à l'arrivée des assaillants à Chibok, laissant les miliciens combattre seuls. On ignorait dans un premier temps le bilan des combats de samedi mais, selon les témoignages recueillis ces derniers jours, Chibok s'était presque complètement vidée de sa population à l'arrivée des islamistes.
Sa prise jeudi avait fait de nombreuses victimes, tant parmi les insurgés que parmi les miliciens, selon plusieurs responsables locaux qui n'ont toutefois pas avancé de chiffres.
Boko Haram avait mis le feu à tous les lieux de culte chrétiens et détruit les pylônes de télécommunication, coupant la ville de toute communication avec l'extérieur.
Seul le chef de la milice locale, équipé d'un téléphone satellite, a pu continuer à tenir informés les habitants et les responsables de la ville, qui avaient fui.
Malgré leurs faibles moyens logistiques, les Civilian JTF, ces jeunes réunis au sein de milices pour combattre les islamistes, semblent s'être substitués en partie à l'armée, mal équipée et en sous-effectifs, dans plusieurs zones du nord-est.
Ce sont notamment ces miliciens armés d'arcs, de machettes, de bâtons et de fusils artisanaux, qui, avec l'aide de chasseurs, ont repris cette semaine aux islamistes la ville de Mubi, carrefour commercial de l'Etat de l'Adamawa, au sud de l'Etat de Borno.
Mais au moment où Boko Haram, qui s'est déjà emparé de plus d'une vingtaine de localités du Nord-Est, progresse et multiplie les tueries, ces milices, qui agissent hors de tout contrôle, sont à leur tour accusées d'atrocités.
Une milice a affirmé avoir décapité 41 islamistes près de Biu, dans l'Etat de Borno, au début du mois : des témoins ont dit avoir vu les miliciens exhiber les têtes de leurs victimes sur des piques.
M. Jonathan a une fois de plus promis, cette semaine, lors de l'annonce de sa candidature à la présidentielle de février 2015, qu'il allait tout faire pour libérer les lycéennes de Chibok.
Mais dans cette ville en ruines, où ni le comissariat de police, ni le siège de l'administration, détruits lors du rapt d'avril, n'ont été reconstruits, et où les habitants vivent dans l'angoisse permanente de nouvelles attaques, les parents des otages se disent usés par toutes ces promesses non tenues.