NIGERIA: LE "CESSEZ-LE-FEU" MIS EN DOUTE APRÈS PLUSIEURS ATTAQUES DE BOKO HARAM
Maiduguri (Nigeria), 19 oct 2014 (AFP) - La réalité du cessez-le-feu annoncé par le gouvernement nigérian a été mise en doute par des témoignages faisant état d'attaques meurtrières du groupe islamiste Boko Haram dans le nord-est du pays.
Des hommes de Boko Haram ont attaqué jeudi et vendredi la ville de Abadam dans le nord de l'Etat de Borno, tuant au moins 30 personnes et entrainant la fuite de centaines d'autres vers le Niger voisin, ont indiqué des habitants.
"Nous avons tous entendu l'annonce d'un cessez-le-feu mais cela ne semble pas arrêter les insurgés", a témoigné dimanche Mallam Babagana, un habitant d'Abadam.
Un accord de cessez-le-feu avec le groupe islamiste a été annoncé vendredi par le chef d'état-major de l'armée et le premier secrétaire de la présidence nigériane. Mais le porte-parole des services de sécurité nigérians, Mark Omeri, a affirmé vendredi qu'aucun accord n'avait encore été conclu pour la libération des 219 lycéennes enlevées à Chibok en avril.
Des responsables de l'armée et des services de sécurité nigérians ont émis des doutes dimanche sur la réalité d'attaques de Boko Haram, alors que les témoignages corroborant une offensive du groupe dans le nord-est du Nigeria se multipliaient.
Dans l'Etat d'Adamawa (nord-est), Enoch Mark, père et oncle de trois lycéennes enlevées par Boko Haram, faisait état aussi une attaque du groupe islamiste. Samedi, les insurgés auraient submergé le village de Wagga et enlevé une quarantaine de femmes - une stratégie éprouvée du groupe armé au cours de ses cinq années de guérilla.
Huit personnes ont également été tuées vendredi sur une route de l'Etat de Borno, dans le village de Shaffa où un puissant émir de la région avait déjà été tué en mai par les combattants de Boko Haram.
"Selon moi, les miliciens ne prennent même pas en compte le cessez-le-feu, ils ont multiplié leurs attaques à partir le vendredi, le jour même de son annonce. A partir de samedi, ils ont hissé leur drapeau", a témoigné M. Babagana.
Selon lui, des hommes sont en route pour récupérer les combattants tombés dans les huit batailles qui ont fait rage autour d'Azul, dans l'Etat de Borno.
"Les terroristes ont tendu un guet-apens à nos soldats vers 8 heures du matin et de graves combats ont suivi. Nous avons perdu quatre soldats et avons tué trois terroristes", a déclaré M. Babagana.
La vérification de ces violences dans le nord-est du Nigeria est extrêmement complexe. En raison de l'état d'urgence instauré dans le nord-est du pays, les liaisons téléphoniques sont difficiles et les déplacements presque impossibles.
La police et l'armée nigériane ont cessé toute communication au sujet de ces attaques.
Un négociateur peu crédible
Et 48 heures après l'annonce de l'accord par le gouvernement nigérian, le doute persiste toujours sur un éventuel cessez-le-feu entre Abuja et les islamistes.
"Ce genre d'annonce a déjà été faite (par le gouvernment) de nombreuses fois", relève Shehu Sani, avocat et militant des droits de l'hommùe, impliqué dans de précédentes tentatives de négociations.
La principale interrogation porte sur la représentativité de Danladi Ahmadu, présenté comme l'émissaire de Boko Haram et l'interlocuteur du gouvernement dans les négociation portant sur le cessez-le-feu et la libération des 219 lycéennes enlevées en avril à Chibok.
"Danladi Ahmadu ne fait pas partie du commandement de Boko Haram et ne parle pas en leur nom autant que je sache", affirme dans un tweet Ahmad Salkida, un journaliste nigérian réputé pour avoir des contacts de haut niveau au sein de Boko Haram.
Un chercheur d'International crisis group (ICG), Nnamdi Obasi, renchérit : "On ne sait pas exactement qui est le négociateur de Boko Haram et s'il représente tout le groupe ou bien une seule partie".
L'autre question porte sur ce que Boko Haram obtiendrait en échange de la libération des lycéennes. Dans le passé, son chef, Abubakar Shekau, avait demandé une libération massive de ses militants, capturés par l'armée nigérianne.
"Nous n'avons pas de détails sur ce que Boko Haram aurait obtenu", constate le chercheur d'ICG.
Très sceptique, Ryan Cummings, un chef analyste d'Africa at risk consultants Red24 (une société basée en Afrique du Sud spécialisée dans la gestion des risques) estime que, même confirmé, un cessez-le-feu ne serait que temporaire.
"Boko Haram n'a pas subi assez de pression pour déposer les armes et il est très improbable que le gouvernement nigerian cède à toutes les demandes de la secte", a souligné cet expert.