QUAND LA FAMINE MENACE CERTAINES FAMILLES DE LA CAPITALE
COUTS ELEVES DE LA VIE
La famine a fini de s’installer dans la campagne. Les mauvaises récoltes de l’année dernière ainsi que celles de la qualité des semences sont passées par là. Les populations rurales touchées, crient au secours et leur ras-le-bol aux autorités sénégalaises. Plus prés, dans la capitale sénégalaise, le «gobar diassy» fait son apparition dans certaines familles, dans des quartiers huppés de Dakar. Le chef de famille n’arrive plus à assurer les trois repas quotidiens. Le soir, c’est chacun pour soi et Dieu pour tous : c’est la grande ruée vers les vendeurs de bouillies et de «thiéré». Reportage.
Les temps sont durs au Sénégal. C’est une ritournelle que de l’affirmer. Ces difficultés sont plus manifestes dans les ménages où le chef de famille n’est plus en activité ainsi qu’à la campagne.
Avec la seconde alternance pacifique survenue au Sénégal, laquelle a vu l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, les Sénégalais avaient placé beaucoup d’espoir sur l’actuel locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor.
Après deux années d’exercice du pouvoir, rares sont les populations qui applaudissent des deux mains. Les conséquences sont plutôt dramatiques.
Jugez-en vous même : le chef de famille n’arrive plus à assurer les trois repas quotidiens, la prostitution déguisée prend de l’ampleur dans certains foyers, les maladies infectieuses se multiplient….
Pendant ce temps, les vendeuses de bouillies se frottent les mains et prient pour que la situation perdure.
«GOBAR DIASSY» OU UN PLAT POUR DEUX REPAS :
Face à la crise économique qui sévit dans le pays, toutes les initiatives sont bonnes pour réduire les dépenses journalières des ménages. «Qu’il pleuve ou qu’il neige, nous allons continuer à manger et à boire. Par la grâce d’Allah, je m’arrange à ce que mon mari ne prenne pas de crédit pour prendre en charge sa famille. On vit avec ce qu’on a.
Ce n’est pas trop compliqué. Il suffit d’identifier et de supprimer les niches de gaspillage», avance Mariétou Sylla, assistante de direction dans une entreprise de bâtiment. Pour elle, le contexte actuel est très difficile pour les chefs de famille.
La preuve, les femmes font toutes les combinaisons possibles pour permettre à la famille de manger. Bakary Tambédou, ingénieur en génie civil, casquette vissée sur la tête soutient que son sang ne fait qu’un seul tour lorsqu’il entend sa douce moitié prononcer la phrase : «Qu’est-ce que tu veux manger aujourd’hui ?».
Dans son for intérieur, M. Tambédou pense que s’il annonce sa préférence, cela suppose pour lui que sa femme veut lui imposer une augmentation du budget.
Pour toute réponse et afin d’éviter de tomber dans son piège, il rétorque souvent : «Préparez ce que vous voulez, l’essentiel, c’est de manger».
Pour cet ingénieur en génie civil, le «gobar diassy», c'est-à-dire réserver une partie du déjeuner pour le dîner, existe partout. Interrogé, Mamadou Touré, un ancien enseignant à la retraite soutient qu’il n’a plus les moyens de subvenir aux frais de toute sa progéniture.
«J’ai plus d’une quinzaine d’enfants et je ne peux plus assurer les trois repas quotidiens. Je ne paie qu’un bon déjeuner. Parfois, ma femme garde quelques cuillérées de riz pour les tous petits. Les adultes n’ont qu’à se débrouiller, le soir. Chacun pour soi et Dieu pour tous», narre-t-il.
Les conséquences d’une telle attitude ne sont pas insensibles à M. Touré. «Je sais qu’une telle attitude peut être assimilée à un désengagement surtout pour les filles qui sont laissées pour compte. Mais, elles sont majeures et responsables de leur vie», peste-t-il.
RUEE VERS LES POINTS DE VENTE DE COUSCOUS ET DE BOUILLIE :
Maguette Séne, la trentaine est originaire de Fandéne. Elle est vendeuse de couscous prés de Score liberté depuis plus d’une décennie. «Chaque soir, je prépare plus de 5 kgs de couscous et rien ne m’accompagne au retour. Les gens viennent de partout (Grand-Dakar, Sicap-Dieupeul, Karack…) pour l’acheter», soutient-elle.
Remarquant que parfois des mères de familles viennent acheter beaucoup de couscous pour le repas du soir. «Ces mères de familles ont la paresse ou ne savent pas préparer du couscous.
Pour le Tamkharit, par exemple je reçois beaucoup de commandes que je n’arrive pas toujours à honorer», indique-t-elle. Avec sa noirceur d’ébène, un foulard de couleur multicolore sur la tête, Maguette est accompagnée de sa sœur qui l’aide à ne pas trop faire attendre les clients qui font la queue pour se servir.
«Je suis sur place de 19h à 00h 30 tous les jours et durant tout ce temps, cela ne désemplit pas», chuchote-t-elle. Interrogée sur les raisons de la ruée vers sa marchandise, Maguette Séne ne trouve pas de réponse mais tente d’éclairer notre lanterne, dans un souffle, par le fait que les temps soient durs et qu’assurer les trois repas deviennent de plus en plus difficile.
Pour sa part, Ndéye Fatou Gning , originaire de Dougar, habite dans une maison inachevée à Karack, avec sa famille. Son mari, maçon et charretier c’est selon, arrive laborieusement à joindre les deux bouts.
Pour l’aider un peu dans la dépense quotidienne, elle prépare de la bouillie qu’elle vend prés de la mosquée de la localité. Dans ce quartier considéré comme nanti, les gens se bousculent le soir pour se remplir la panse.
«La gent féminine compose ma principale clientèle», souligne-t-elle. Expliquant que des jeunes filles viennent avec des bols, calebasses et autres récipients, pour se payer beaucoup de bouillie pour leur famille.
Que l’on soit dans un quartier huppé ou dans la lointaine banlieue, les gens ont tendance à prendre d’assaut les vendeuses de bouillie et de couscous. Ces dernières qui se frottent les mains, veulent que cette situation perdure.
Celle-ci est surtout due à la pauvreté galopante qui continue de gagner les ménages sénégalais. Pour mesurer ce phénomène qui est en train de gagner du terrain, il n’y a qu’à voir les rues et ruelles de la capitale qui pullulent de mendiants.
Des pères de familles, des femmes et même des jeunes pour la plupart, venus des villages environnants, arpentent les grandes artères des villes, à la gare routière, au marché etc., en étalant leurs misères pour apitoyer le passant et déclencher sa générosité.
Déshérités, ils errent dans les rues dans une misère matérielle et morale absolue à la recherche de pièces ou de nourriture.