TOUT SUR LES TEMOIGNAGES DE MAMADOU SECK, ABDOULAYE DIOP, MATIACO BESSANE, BARA SADY, MADIOR SYLLA, …DEVANT CREI
DOSSIER KARIM WADE
77 témoins ont été cités par la Commission d’instruction près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), dont certains responsables et dignitaires de l’ancien régime. La plupart de ces témoignages enfoncent Karim Wade. Si les anciens ministres Mamadou Seck et Abdoulaye Diop ont dégagé leur responsabilité, Matiaco Bessane, Pape Mael Diop des Ads et Mame Mbaye Kane Niang ont relevé des « nébuleuses » dans les sociétés évoluant dans l’espace aéroportuaire et qui sont imputées au fils de l’ancien chef de l’Etat. Cependant, Bara Sady a nié l’implication de Wade-fils dans la concession du terminal à conteneur Dubaï Port World (Dpw) qui, selon lui, s’est fait dans les règles de l’art.
Le journaliste Madior Sylla a décrit Karim Wade comme un travailleur et patriote qui n’a pas le profil d’un prédateur des ressources du pays. Retour sur les témoignages dans un dossier qui cache encore des secrets. Deuxième jour du procès Karim Wade. On est loin d’en arriver aux débats d’audience et « l’As » revient sur les déclarations de certains témoins principalement celles des dignitaires de l’ancien régime devant la commission d’instruction près la Cour de répression de l’enrichissement illicite. A charge ou à décharge, chacun y est allé de ses déclarations. Abdoulaye Diop et Mamadou Seck dégagent leur responsabilité
Devant le juge Cheikh Ahmed Tidiane Bèye et son équipe, Mamadou Seck, ancien ministre des Transports aériens, interrogé sur la procédure accordant l’agrément aux sociétés de Handing, notamment AHS et SHS, a juré n’en rien savoir. Lorsqu’il est revenu au ministère de l’Equipement, des Infrastructures, des Transports terrestres, aériens et maritimes, la société Air Afrique n’existait plus et le matériel qui appartenait à cette compagnie était géré par un comité de pilotage qui le louait aux sociétés AHS et SHS. Ainsi, il n’a joué aucun rôle dans le processus de création de ces sociétés. Il s’est rendu au domicile de Karim Wade dès sa nomination. Il a trouvé Eli Manel Diop et Pape Pouye que son hôte a présentés respectivement comme Directeur général et conseiller, mais également ses amis. Karim Wade a ajouté qu’ils avaient des activités à l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar et les a recommandés à lui. Toutefois, Mamadou Seck soutient n’avoir pas connu Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi, tout comme il ignore s’il a joué un rôle aux côtés de Karim Wade dans la création de AHS.
BARA SADY «BLANCHIT» KARIM
Bara Sady a été interrogé par rapport à la concession du terminal à conteneur à Dpw. Devant la Ci, l’ex-Dg du Pad a déchargé Karim Wade. Ce dernier, jure-t-il, n’est jamais intervenu dans le processus de concession du terminal à conteneur. Mieux, il n’a jamais été au courant d’une intervention de Karim Wade dans le processus et il ignorait les relations que ce dernier entretenait avec les dirigeants de Dpw.
L’ancien ministre de l’Economie et des Finances Abdoulaye Diop a été interrogé sur le rôle qu’un argentier de l’Etat pouvait jouer dans les procédures d’attribution des baux ainsi que leur transformation en cession définitive. Car Bibo Bourgi avait bénéficié d’un bail pour le terrain de 33520m2 sur la corniche Ouest. Abdoulaye Diop a répondu que « le ministre de l’économie et des finances, en tant que chef du département, se préoccupe de la bonne marche des services ainsi que la bonne image et de la diligence avec lesquelles les dossiers sont traités et à ce titre, il peut, sur demande d’un usager du service public ou d’une plainte ou d’une récrimination, interpeller les services sur les dysfonctionnements ou retards observés dans le traitement des dossiers ».
Concernant le bail obtenu par Bibo, il affirme que Bibo Bourgi qu’il connaissait l’a appelé pour se plaindre du blocage du dossier au niveau de la Direction des Domaines dirigée par Ibrahima Wade. C’est alors qu’il a interpellé ce dernier pour lui demander d’établir le bail avec diligence, parce que le bénéficiaire courait après leur service depuis plusieurs mois. S’il a agi ainsi, explique-t-il, c’est pour préserver l’image de son ministère et la célérité dans le traitement du dossier.
S’agissant de la société HARDSTAND S.A, il a soutenu l’avoir connue par Bibo et qu’il est également intervenu auprès des services techniques sur ce dossier à la demande de Bibo.
PAPE MAEL DIOP ET MATIACO BESSANE ENFONCENT KARIM
Par ailleurs, l’ancien Mef a déclaré que c’est Karim Wade qui a signé avec la société Black Pearl Finance (BPF) des contrats d’assistance financière avec l’Etat du Sénégal pour la recherche de financement au profit des sociétés nationales. Ce, non sans préciser que ces sociétés n’étant pas sous tutelle du MEF, il n’était mis au courant de certains contrats qu’après leur signature.
Abdoulaye Diop a étéégalement interpellé sur le fait que BPF reste devoir à l’Etat du Sénégal une dette fiscale de 360 millions de francs depuis 2011, et que la société n’ait jamais fait l’objet de poursuites en recouvrement. Sur ce point, il a expliqué que sur intervention de Karim Wade, il a reçu le DG de BMCE qui est devenu BPF, pour les prestations échues et non payées et que ce dernier lui a précisé qu’il ne pouvait pas payer parce que l’Etat du Sénégal lui devait beaucoup d’argent. Il ignore totalement que BPF était détenue par des sociétés écrans basées au Luxembourg.
Les magistrats de la Ci près la Crei ont également entendu le directeur général de l’agence des aéroports du Sénégal (Ads). Pape Mael Diop n’a pas manqué d’enfoncer le fils de Wade. Dans tous les aéroports du monde, dit-il, la société chargée de la gestion de l’aéroport détient au moins 40% des actions des activités de Handing, à l’exception de l’aéroport de Dakar. A l’en croire, à l’aéroport de Dakar l’activité de Handing est contrôlée à 100% par des sociétés de Handing ; l’Etat n’y gagne rien. L’Anacim est le premier responsable de tous ces dysfonctionnements, pour avoir cautionné tous ces montages sous le couvert de l’autorité de tutelle.
L’équipe du juge Cheikh Ahmed Tidiane Bèye a aussi entendu le syndicaliste Léon Michel Seck. Agent d’exploitation et gestionnaire de vol à SHS, il a apporté des éclairages sur la constitution de AHS et SHS. C’est à la suite de la disparition de la société Air Afrique, explique-t-il, que Me Wade a demandé à des Mauriciens de voir ce qu’ils pouvaient faire à l’aéroport. Ces derniers ont voulu s’occuper de l’assistance au sol avec un contrôle à 100% des activités. C’est ainsi qu’ils se sont opposés au SG Baïla Sow qui a exigé que les nationaux soient présents dans le capital et que les travailleurs de l’ex-Air Afrique détiennent 10%. Ce qui n’a pas abouti. C’est par la suite qu’ils ont été rejoints par d’autres partenaires pour la mise en place de la société SHS. A leur grande surprise, AHS également a vu le jour. Toutes les deux sociétés devaient démarrer leurs activités le même jour, le 2 Février 2003, mais ils ont appris la tenue d’une réunion au ministère des Transports aériens, à l’issue de laquelle il a été décidé que l’Etat n’accordera qu’une seule licence et celle-ci revient à AHS.
Lorsqu’ils ont menacé de paralyser le système, l’Etat est revenu sur sa décision. Néanmoins, SHS qui gérait 70% du portefeuille du marché de l’aéroport LSS était lésée dans le partage des locaux et du matériel de l’ex-Air Afrique au profit de AHS. Mbaye Ndiaye, directeur général des Ads prenait ouvertement partie pour AHS au détriment de SHS et les compagnies aériennes subissaient des pressions pour travailler avec AHS au détriment de SHS. Des accusations confirmées par Mme Alda Fall, employée à la SHS. Elle renseigne qu’ils ont subi la réduction des « touchées » (nombre de fréquences de vols).
Prenant le cas de Brussels Airlines, elle a expliqué qu’à cause du refus du dirigeant de cette compagnie d’intégrer le portefeuille client de AHS, elle a vu le nombre de ses touchées réduit de 14 à 4. SHS a fait l’objet d’une menace de non renouvellement de son agrément. Lors du premier vol du Hajj de 2011, pour un problème d’attribution de siège à deux dames, Karim Wade, en présence de Mbaye Ndiaye, Matiaco Bessane et Cheikh Tidiane Senghor, l’a interpellée à la coupée de l’avion en la pointant du doigt avec arrogance » pour lui intimer l’ordre de ne pas revenir s’occuper des prochains vols et a donné instruction à Matiaco Bessane de prendre toutes les dispositions pour installer l’autre société d’assistance au sol, en l’occurrence AHS, en lieu et place de SHS. La non attribution de sièges, affirme-telle, n’a été qu’un prétexte pour retirer l’assistance au sol à SHS pour la confier à AHS.
MADIOR SYLLA CROIT AU «BON» KARIM
Le directeur général de l’agence nationale de l’aviation civile du Sénégal (Anacs) de janvier 2005 à avril 2008 et d’avril 2009 à Décembre 2011 a été convoqué à la Crei. Matiaco Bessane a été interpellé sur l’intervention de Karim Wade dans la procédure par laquelle BMCE devenu BPF obtenait des mandats de conseil financier de l’Etat. « Je pense que oui », at- il d’emblée soutenu avant de poursuivre :« je me rappelle que sur la redevance pour le développement des infrastructures aéroportuaires (…), Air France et Air Sénégal n’avaient pas payé en 2005 et 2007 parce que ces compagnies estimaient qu’elles devaient payer en Francs Cfa et non en euros, étant donné qu’elles étaient au Sénégal et bien que le décret ait fixé le montant en euros. Et un jour, Karim Wade a piqué une crise et a menacé de me virer si les redevances n’étaient pas payées le vendredi suivant, parce que le non paiement, qui représentait environ 3 milliards de francs Cfa, menaçait le projet.
Finalement, Air France avait payé au bout de 48 heures plus de 2 milliards de francs Cfa. Quant à Air Sénégal International, une solution n’avait pas été trouvée, compte tenu des relations qui existent entre l’Etat du Sénégal et le Maroc, mais aussi l’Etat était actionnaire de la compagnie à hauteur de 49%. D’ailleurs, Air Sénégal est partie avec une dette sur la RDIA de près de 4 milliards de francs Cfa ». Sur la question concernant un intérêt quelconque de Karim Wade dans l’une des sociétés évoluant dans l’espace aéroportuaire, il a soutenu n’avoir aucune preuve, mais que des sociétés comme Sénégal Airlines, AHS et ABS étaient bien protégées. La mère de Pape Mamadou Pouye a été également interrogée à titre de simple renseignement par l’équipe du juge Bèye. Mme Fatou Guèye Samb, patronne de la société INFINITO SERVICES, assurait le nettoyage de la direction générale et des locaux affectés à la société AHS à l’aéroport.
Selon elle, c’est à la suite de demande de renseignement et de prix où il y avait d’autres sociétés qu’elle a été choisie. Elle ignorait que son fils était actionnaire dans d’autres sociétés que AHS. Le garde du corps de Karim Wade quant à lui est auditionné sur deux versements de 50 millions à la SGBS et 36.495.000 francs cfa à la CBAO. Pour Victor Kantoussan, les versements effectués sur les comptes de Karim, c’est à la demande de Abdoulaye Wade qui lui remettait les sommes à verser. Le patron de l’hôtel Terrou bi, Samir Eric Rahal, a soutenu que Karim n’est pas actionnaire dans son hôtel.
Madior Sylla et El Hadji Malick Sy, journalistes à la Rts, se sont expliqués sur la création de la société Terra Vision. Ami de Karim Wade, Madior Sylla a soutenu avoir eu l’idée avec El H Malick Sy. Il s’agissait de produire des documentaires t de les vendre à des émissions comme « Envoyé Spécial » de la chaîne France 2. Il en a parlé à Karim qui s’est engagé à les appuyer. Mais la société n’a jamais fonctionné et c’est plus tard qu’il a su que le capital a été libéré par le fils de l’ancien Président. Karim Wade, témoigne-t-il, est un travailleur doublé d’un patriote qui a toujours oeuvré pour le bien du Sénégal. Il ne doute pas que des erreurs aient pu être commises durant son parcours entre 2005 et 2012, mais il ne lui connaît pas un profil de prédateur des ressources du pays.