VIDEOUN SECTEUR, MILLE MAUX
ÉTAT DES LIEUX DE LA DANSE
Tout le monde danse. Mais les artistes respectent-ils les règles de cet art ? Non, pas tous, pensent des acteurs du milieu et certains observateurs. Malgré tout, ils reconnaissent que des écueils, il en existe et pas des moindres.
Avoir les danseurs du ballet La Linguère se mouvoir sur la scène du théâtre national Daniel Sorano, l'on se demande si vraiment le niveau des danseurs a baissé. Tant ils maîtrisent leur art, même si l'on peut toujours opposer l'argument de la sélection rigoureuse qui caractérise ce ballet. Mais on est en droit de dire que ces danseurs ne sont pas les seuls pétris de talents que le Sénégal compte.
Le président de la fédération nationale des ballets et danses fondamentales du Sénégal, Malal Ndiaye, le confirme d'ailleurs. "Je ne crois pas à une baisse de niveau. Par contre, il y a un nouvel élan dans la danse avec le hip-hop. Les gens font beaucoup de recherches", dit-il. Pour lui, les gens pensent qu'on ne danse vraiment plus parce qu'ils se limitent à ce qu'ils voient à la télé. "Ce qu'on montre à la télé, c'est loin d'être la culture sénégalaise, c'est loin d'être une expression aussi. Cela ne reflète pas notre culture", analyse-t-il.
Ainsi, le 6ème art souffre d'un déficit de communication. Et pour l'homme de culture Dr Massamba Guèye, la présence de la danse dans les médias est un avantage. La difficulté est que certains professionnels de ce milieu trouvent que les "vrais danseurs" ne sont pas réellement promus. Ce qui est à la base de beaucoup de problèmes notés dans ce secteur. Et tous s'accordent sur l'indécence notée dans la manière de danser et même dans le look des danseurs.
"Sur l'indécence, je suis tout à fait d'accord. C'est réel", a reconnu Malal Ndiaye. Pour lui, "danser est un acte social qui ne doit souffrir d'aucune médiocrité ni de facilité". Seulement, une fois encore, il pointe un doigt accusateur sur les médias qui montrent les incriminés. A l'en croire, ceux-là ne dansent vraiment pas.
La directrice et chorégraphe du ballet national Ndèye Bana Faye Mbaye embouche la même trompette. Ancienne danseuse professionnelle, elle dit être contre ce qu'elle voit à la télé. "Les accoutrements que je vois les jeunes porter à la télé pour danser ne sont pas dignes d'un Sénégalais. C'est désolant. Je préfère même ne pas regarder".
Mais "nous les anciens danseurs et danseuses n'osons pas élever nos voix contre ce que font les jeunes. On nous manquera de respect si on le fait. Alors que nous sommes des responsables de famille. Nul ne voudrait que ses enfants entendent des gens l'injurier ou lui dire des choses déplacées", explique-t-elle. Cela ne l'empêche tout de même d'attirer l'attention des jeunes sur l'importance de conserver le patrimoine légué par les anciens".
Le manque de formation à la base des problèmes
L'indécence n'est pas cependant le seul grief que les danseurs professionnels ont contre ces vedettes de télévision. "Je vois que ces jeunes dansent avec peine. Il n'y a pas de technique. Et quand on les amène au ballet national, ils ne peuvent pas faire ce qu'on leur demande", pense Mme Faye. Cela est peut-être dû à ce que Dr Massamba Guèye appelle le "manque de qualification".
De l'avis de l'ancien directeur du Théâtre National Daniel Sorano, il y a "beaucoup de désordre dans ce milieu" et les jeunes ne prennent pas vraiment le temps de se spécialiser et de maîtriser ce qu'ils font. Deux pas de danse connus leur suffisent pour se dire professionnel. Au Sénégal, chaque année on a au moins une dizaine de nouveaux pas de danse. Pour Malal Ndiaye, ce n'est pas de la création.
"Ce qu'on fait là, c'est de la danse urbaine. Ce n'est pas une chorégraphie, encore moins de la création", peste-t-il. "En danse, chaque mouvement est un mot et l'ensemble des mots une phrase", selon Dr Guèye. Et c'est ce qui fait un livret, une chorégraphie. Pourtant, "beaucoup de danseurs ne savent même pas ce qu'est un livret", informe l'ancien directeur de Sorano.
Par conséquent, la formation est rangée aussi dans le registre des difficultés. Même si de pseudos "écoles de formation" pullulent un peu partout à travers Dakar. Car tous les soucis suscités sont les conséquences d'un manque de formation. Même si l'école nationale des arts compte une section de formation réservée à la danse, le cadre n'existerait que de nom. La salle qui accueille les cours est loin d'être vraiment une référence. Ce que déplore Massamba Guèye. C'est pourquoi le président de la fédération nationale des ballets et danses fondamentales du Sénégal Malal Ndiaye réclame "des infrastructures adaptées".
Le directeur de cabinet du ministère de la Culture et de la Communication Rémy Sagna a assuré que l'État va aider au renforcement de capacités. Ainsi, pourrait être résolu le souci de la formation. Il promet également un appui aux initiatives des acteurs du milieu. Ce qui est déficient. Car ces derniers se prennent totalement en charge.
"Il n'y a plus de producteurs", selon Dr Guèye.Encore, moins d'impresarios. Les danseurs ne comptent donc que sur eux-mêmes, leur passion en bandoulière. Et le seul avantage qu'ils peuvent tirer de cette activité est le paiement de droits voisins vu que le décret d'application de la loi est voté. Encore qu'il faut des contrats aux danseurs pour rentrer dans leurs fonds. Ce qui aiderait les danseurs à pouvoir se faire une certaine santé financière.
Car comme le souligne la danseuse Ndèye Gagnesiry : "On ne vit pas de notre art".