A LA DECOUVERTE DES «MONOLOGUES DU SILENCE»
Parlons poésie - Un monologue peut être défini comme un discours de quelqu’un qui se parle tout haut à lui-même ou qui parle seul longuement sans laisser la parole à ses interlocuteurs
Un poète est un écrivain qui compose de la poésie. Certes, mais au-delà de cette définition standard, le terme «poète» évoque une manière de voir la vie et de la vivre, une façon d’appréhender le monde qui se marque par une certaine distance avec le «commun des mortels». Le poète est celui qui, par les mots, essaie d’entrevoir le monde autrement et c’est ce voyage spirituel que P. M. Sy, de son vrai nom Papa Moussa Sy, professeur de français, fait vivre à travers son recueil de poèmes «Les monologues du silence», publié aux éditions l’Harmattan en septembre 2016.
Un monologue peut être défini comme un discours de quelqu’un qui se parle tout haut à lui-même ou qui parle seul longuement sans laisser la parole à ses interlocuteurs. Le monologue c’est aussi la traduction de la réflexion intérieure. Et, dans une pièce de théâtre, c’est un discours qu’un personnage se tient à lui-même pour évoquer le passé, exprimer un sentiment, etc. Ce procédé a pour particularité de suivre les pensées d’un personnage. Mais dans ce cas précis, dans ce livre, il s’agit de suivre les pensées de Papa Moussa Sy (P. M. Sy). Des pensées comme on le découvre dans la quatrième de couverture de son recueil de poèmes «Les monologues du silence» qui nous amène vers un voyage spirituel qui débute par les passions mondaines pour aboutir aux illuminations religieuses.
Un voyage vers l’autre monde qui se fait à travers les mots
Le poète P. M. Sy, dans son ouvrage de 74 pages, nous fait voyager, valser, avec ses 51 poèmes d’un monde à un autre, d’une conception de la vie à une autre. Chacun de ses poèmes nous fait entrevoir le monde autrement. Que ce soit le monde matériel ou immatériel, visible et invisible, connu et inconnu tel un symboliste cherchant comme Charles Baudelaire à montrer la correspondance, c’est-à-dire l’union entre deux éléments qui sont d’habitude séparés : le monde visible et le monde invisible, le sensible et l’intelligible, les sensations. Donc, le poète, dans tous ses poèmes, établit une communication entre ces mondes, des relations mystérieuses qui unissent les différents éléments du monde. Bref, ce poème invite à poser un nouveau regard sur la nature par ce système de correspondance. Et, pour y parvenir, le poète n’a pas hésité sur l’utilisation de l’oxymore et de l’antithèse dans sa poésie : le titre du poème en est une parfaite illustration. Ces deux figures de style pullulent dans le texte.
Le poète symboliste qui perce les mystères à travers sa poésie
L’homme est un être mystérieux et obscur, dit-il dans son premier poème intitulé «Au lecteur». «Quoi que l’homme fasse, il subit deux grands tourments : la hantise de Satan et le souffle de Dieu». Dans la 3ème strophe, il parle de «ténèbres brillantes et d’obscures lumières». Le poète parle de double inclination à laquelle l’homme fait face : «villes passions ou vives illuminations». Cette double inclination revient aussi dans le deuxième poème, mais cette fois-ci c’est entre le mal et le bien rappelant ainsi à l’homme que partout où il se trouve, quoi qu’il puisse faire ou dire, il y a le regard divin qui est là, omniprésent. Cette double inclination revient encore avec le poème «Dilemme» à la page 14 où il est question d’amitié ou d’amour et «Sublime misère» et on se demande même comment une misère peut être sublime ? «Dans ce poème, il parle d’aveugle que je considère comme étant le peuple qui vit dans l’obscurité, incapable de voir d’interpréter ce qui se passe autour de lui et il dit du poète que c’est lui qui a «les yeux purs». «Tous ces exemples, loin d’être exhaustifs montrent que celui qui nous a réunis ici est un symboliste, c’est celui qui a reçu l’inspiration divine, celui qui sait donc qui voit ce que les autres ne voient pas, perçoit ce que les autres ne perçoivent, explique et interprète des choses, des phénomènes qui demeuraient pour nous simple mortel inexplicables. Et il va même, tel un fabuliste ou un conteur à nous donner une leçon de vie à la fin de chacun de ses poèmes», disait Mously Ndiaye, professeur de Lettres lors de la présentation. Elle a vu juste, puisque l’auteur nous amène dans son monde, nous contraint, par la séduction, par la beauté de ses vers, à accepter sa manière de voir la vie.
Outre l’image du symboliste que le poète incarne et qu’il nous fait remarquer et du moraliste, Papa est aussi un classique, un romantique, un parnassien, un surréaliste. Un classique du fait que dans certains de ses poèmes, on sent qu’il a le souci constant de respecter les règles classiques, en faisant des alexandrins, c’est-à-dire des vers de 12 syllabes, des rimes tantôt embrassées, tantôt suivies, tantôt croisées. Un romantique du fait que dans pas mal de ses poèmes, il y exprime ses sentiments personnels, il y parle d’amour, de rêve, d’imagination, de la nature, thèmes privilégiés des écrivains romantiques. Et, il va même jusqu’à briser l’alexandrin comme disait le grand Victor Hugo. Et enfin, Parnassien du fait que grâce à un travail acharné, il fait des mots, des vers, des strophes ses esclaves. Il les manie à sa guise afin de faire comprendre aux lecteurs, le mal et le bien qui habite chaque être humain… Surréaliste à travers son écriture automatique, il sort du réel pour entrer dans un autre monde que seul le subconscient peut accéder. C’est un poète engagé qui nous rappelle un peu à travers son poème «Sonnet pour la terre mère» Senghor qui chantait la femme noire. Mais derrière cette chanson, cette musicalité qui renvoie un peu à Paul Verlaine, il se révèle être un poète engagé conscient des problèmes de son temps.
Un poète à la quête d’une vie pure
Accompli, il ne l’est pas encore, car comme il le dit dans certains de ses poèmes «Ma coure vie», «Itinéraire du pèlerin», «Ego pulvis»… qu’il est en quête de dieux, de fées, qu’il lutte contre Iblis et tous ses méfaits, qu’il est à la quête d’une vie pure et sainte. En effet, il dit même qui il est et est conscient de ce qu’il est. Ce, pour dire qu’aucun poète n’est accompli, seul le travail paye, et il faut bien «manier l’outil du ciseleur» comme le disait Theodore de Banville pour arriver à la beauté. Bref, on peut dire que P. M. Sy est un poète qui peut se faire accepter dans n’importe quel courant littéraire, dans n’importe quel mouvement. «Il nous rappelle Baudelaire, Rimbaud dans son poème ‘’Aux voyants’’, Hugo dans ‘’Ego pulvis’’, Senghor dans ‘’Sonnet pour la terre mère’’, Boileau dans ‘’Art poétique’’, Jean de la Fontaine dans ‘’la fourmilière’’ ou dans ‘’la reine des eaux’’», insiste Mme Segla.